Les dictionnaires et encyclopédies de théâtre, en tant qu’objets dédiés à la description d’une nomenclature spécifique à l’art théâtral et non uniquement à la production de catalogues de pièces ou personnalités célèbres, apparaissent en France dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, en même temps que l’entreprise encyclopédique.
Le Dictionnaire dramatique, contenant l’histoire des théâtres, les règles du genre dramatique, les observations des maîtres les plus célèbres et des réflexions nouvelles sur les spectacles… de La Porte et Chamfort paru en 1776 est encore majoritairement constitué d’entrées consacrées aux œuvres théâtrales, mais comporte aussi d’autres entrées, moins nombreuses, consacrées à des notions spécifiques à l’art du théâtre (écriture et scène).
De 1776 et 1914, l’on compte en France la parution de pas moins de seize dictionnaires, encyclopédies, manuels ou annales, organisés par ordre alphabétique, qui s’intéressent majoritairement à la « langue théâtrale ». Ces ouvrages s’adressent à un public amateur ou professionnel friand d’informations sur la fabrique du théâtre, sa « technologie », tout autant que sur les anecdotes qui en constituent l’histoire.
Depuis lors, et à mesure que le champ théâtral continue à affirmer sa spécificité, dictionnaire, encyclopédie ou lexique de théâtre s’emparent d’une histoire à faire et d’une pratique à décrire par l’élaboration d’une langue de l’art qui se spécifie de plus en plus. Ces entreprises éditoriales, qui allient écriture originale et geste de compilation et de réagencement, ont une visée synthétique, qui peut être appliquée à une pratique en particulier, comme celle de l’acteur, ou à l’art du théâtre dans toutes ses composantes (administrative, mondaine, esthétique, pratique, dramaturgique).
Ordonner, classer, décrire, prescrire, historiciser, normer, constituent les opérations les plus évidentes proposées par ces outils, dont on ne sait s’ils rendent compte d’un état du théâtre, passé ou présent, ou d’un idéal de pratiques et d’esthétiques. Du recueil d’anecdotes moqueuses à la visée encyclopédique, de la nomenclature de l’art à la constitution d’une histoire du théâtre, le dictionnaire et l’encyclopédie de théâtre visent à saisir le phénomène théâtral dans sa globalité, en proposant une description des œuvres et des techniques dans un geste qui peut parfois s’apparenter à une pratique expositionnelle, faisant de l’espace du livre un véritable musée de papier du théâtre.
Les diverses contributions et échanges s’attacheront ainsi à mettre en perspective critique des textes dont les contenus, d’apparence objectifs, s’avèrent liés à une certaine forme de culture, autant qu’à une entreprise éditoriale singulière, que celle-ci soit individuelle ou collective : à y regarder de plus près, on verra qu’ils véhiculent une grande variété de visions, voire d’idéologies du théâtre, dont ce colloque entend contribuer à délimiter les contours.
PROGRAMME COLLOQUE DICTIONNAIRES THÉÂTRE
Intervenant·e·s
Christophe Rey
Professeur des Universités en Sciences du Langage, CY Cergy Paris Université – Laboratoire LT2D (EA 7518)
Christophe Rey est professeur des universités en sciences du langage à CY Cergy Paris Université et membre sénior honoraire de l’Institut Universitaire de France. Spécialiste de métalexicographie, ses recherches portent sur l’histoire de la construction des savoirs dans les dictionnaires anciens et modernes.
La métalexicographie et les dictionnaires de l’art théâtral
À l’échelle de l’histoire des sciences-du-langage, la métalexicographie – instituée comme discipline à la toute fin des années 60 grâce à la thèse fondatrice de Bernard Quemada (1968) puis celle de Josette Rey-Debove (1971) – constitue une discipline relativement jeune, ayant fait de la description des dictionnaires un objet d’étude à part entière. Après avoir brossé une rapide présentation de cette discipline et de son appareillage théorique, nous tenterons, grâce à elle, de resituer la place qu’occupent les répertoires lexicographiques consacrés au domaine du Théâtre au sein des dictionnaires des XVIIIe et XIXe siècles. Cette étude permettra de questionner les raisons de l’émergence de ces ouvrages protéïformes consacrés à l’art théâtral, à la fois dictionnaires, encyclopédies ou simples recueils critiques. Construisant une terminologie dont la métalexicographie ne semble pas s’être emparée, ces répertoires offrent un vaste champ d’investigation – en partie ébauché par le projet DICTHEA – pouvant mobiliser les outils métalexicographiques traditionnels, mais nécessitant peut-être la mise en place de nouveaux outils d’exploration.
Anne Pellois
Maîtresse de conférences en Études théâtrales à l’École normale supérieure (ENS) de Lyon, membre de l’Institut d’histoire des représentations et des idées dans les modernités (IHRIM, UMR 5317)
Anne Pellois est maîtresse de conférences en études théâtrales à l’École normale supérieure (ENS) de Lyon, membre de l’Institut d’histoire des représentations et des idées dans les modernités (IHRIM, UMR 5317), et intervenante à La Manufacture – Haute École de théâtre de Suisse romande (HETSR) de Lausanne (cursus acteurs et recherche). Elle travaille actuellement sur l’histoire, les théories et les pratiques du jeu de l’acteur au tournant des XIXe et XXe siècles, et sur la formation de l’acteur du XIXe siècle à l’époque contemporaine. Auteure d’une thèse sur le théâtre symboliste, elle a coordonné Les Héroïsmes de l’acteur au XIXe siècle avec Olivier Bara et Mireille Losco-Lena (Presses universitaires de Lyon, 2015) et Le Rythme, une révolution ! Émile Jaques-Dalcroze à Hellerau, avec Claire Kuschnig (Slatkine, 2015). Elle mène actuellement deux programmes de recherche : « Former au jeu : les opérations de l’acteur » de la Haute École spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO) et de La Manufacture (http://www.manufacture.ch/fr/3373/Operations) ; et l’édition numérique des dictionnaires de théâtres des XIXe et XXe siècles au sein de l’IHRIM. Elle est membre du comité éditorial de la revue Agôn.
Justine Mangeant
ATER, Université Paris Cité, Cérilac
Justine Mangeant, ATER en théâtre à l’Université Paris-Cité, a soutenu en 2022 à l’ENS de Lyon une thèse consacrée aux tragédies de Voltaire étudiées selon une approche à la fois génétique et dramaturgique afin de mesurer de quelle façon ce théâtre philosophique a pu participer aux combats des Lumières. Elle a consacré plusieurs publications aux oeuvres dramatiques de Voltaire, dont une édition d’un manuscrit inédit de Zaïre, avec François Jacob, mais s’intéresse également aux théâtres du xviiie siècle et aux œuvres des Lumières. Ses recherches s’orientent également depuis quelques années vers l’étude des œuvres d’autrices d’Ancien Régime, avec par exemple la mise en ligne en 2021 d’une conférence-lecture organisée par la BnF autour de l’œuvre de Marie-Anne Barbier et l’organisation en 2023 à Lyon d’un colloque-festival sur les femmes dramaturges du xvie au xviiie siècle.
Céline Candiard
MCF HDR, Université et laboratoire de rattachement : Université Lumière Lyon 2, IHRIM (UMR 5317)
Maîtresse de conférences HDR en études théâtrales à l’Université Lumière-Lyon 2 et membre de l’Institut d’histoire des représentations et des idées dans les modernités (UMR 5317), Céline Candiard est spécialiste des genres comiques dans l’Antiquité et aux xviie et xviiie siècles. Son premier ouvrage, Esclaves et valets vedettes dans les comédies de la Rome antique et de la France d’Ancien Régime, est paru aux éditions Honoré Champion en 2017. Elle a codirigé avec Anne Pellois le n°7 de la Revue d’historiographie du théâtre (octobre 2021), qui a réuni les premières publications du projet DicThéa, et où elle a co-signé avec Justine Mangeant l’article « Jalons pour une étude du Dictionnaire dramatique de Chamfort et La Porte ».
L’ensemble éditorial Aristippe : du manuel à l’encyclopédie, intervention à trois voix : Céline Candiard, Justine Mangeant, Anne Pellois
La Théorie de l’art du comédien ou Manuel théâtral d’Aristippe, paru en 1826, a été précédé d’une affiche parue en 1817 intitulée « Arts du comédien – principes généraux », et suivi d’une 3e édition largement remaniée en 1854 dans la collection des Manuel Roret, sous le titre Nouveau Manuel théâtral. Cet ensemble éditorial, quoique appelé manuel, emprunte largement à la structure d’un dictionnaire, présentant des entrées par ordre plus ou moins alphabétique. Écrit par un comédien peu connu, Félix Bernier de Maligny, cet ensemble permet d’interroger une politique éditoriale par l’étude des éditions et rééditions et de leurs circulations, une pratique de composition du dictionnaire par l’étude des emprunts, et une cartographie de la pratique de l’interprète par l’étude des entrées proposées et de leurs circulations à l’intérieur des rééditions.
Alice Folco
MCF HDR, Université et laboratoire de rattachement : UMR Litt&Arts
Alice Folco est maîtresse de conférences en études théâtrales (UMR Litt&Arts, Université Grenoble-Alpes). Elle a soutenu en 2022 une HDR intitulée « Archives locales, enjeux nationaux. Histoire et historiographie du théâtre (1870-1970) », dont le garant était le Professeur Marco Consolini (IRET, Sorbonne Nouvelle). Membre de la Société d’Histoire du Théâtre et du Groupe de Recherche sur les Revues de Théâtre, elle a consacré un certain nombre de travaux à l’histoire de la mise en scène moderne, notamment sous un angle lexicographique (voir par exemple : « La querelle sur les origines de la mise en scène et les enjeux mémoriels autour de la figure d’André Antoine », L’Ecriture de l’histoire du théâtre et ses enjeux mémoriels, M. Denizot (dir.), Revue d’Histoire du Théâtre Numérique n°1, 2013 : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01644800 ; « Images médiatiques du metteur en scène au 19e siècle (1830-1900) », Presse et scène au 19e siècle, actes du colloque de Montpellier, juin 2010, O. Bara et M.-E. Thérenty (dir.), parution numérique sur www.medias19.org, 2012. http://www.medias19.org/index.php?id=1569 ). Outre le projet DICTHEA, elle collabore aussi au comité éditorial du Performascope, Lexique interdisciplinaire consacré au tournant performatif dans la recherche et la recherche-création (voir par exemple, l’entrée « Archive » : https://performance-lab.huma-num.fr/fr/detail/177591 ).
Des auctorialités floues des dictionnaires d’amateur du XIXe siècle au geste concerté des ouvrages du XXe siècle : enquête autour des paradoxes du « je » des dictionnaires de théâtre
À partir de l’étude (périodisée, et non exhaustive) d’un corpus de dictionnaires allant de L’Art du comédien d’Aristippe (1819) au Langage des planches d’Hubert Génin (1914), puis revenant sur le deuxième « âge d’or » qui s’initie en France des années 1970 à nos jours – depuis le Dictionnaire des arts du spectacle français, anglais, allemand de Cécile Giteau (1970) jusqu’à L’égo-dictionnaire des mots du théâtre de Dany Porché (2017), l’on s’intéressera au statut et à la circulation de ces publications dans un paysage éditorial en mouvement. En portant le regard sur les indications variées données par le paratexte et sur les discours adressés de ces ouvrages, l’on interrogera les identités et les tactiques auctoriales de leurs « auteurs ». L’on montrera ainsi l’intérêt qu’il y a à rassembler des éléments d’information permettant d’établir une prosopographie des auteurs de dictionnaire de théâtre. L’approche panoramique et diachronique permettra aussi de mettre en lumière évolutions et constantes, dans la manière dont le « je » des auteurs des dictionnaires se positionne, souvent de manière paradoxale, par rapport à l’objet-livre édité.
Sophie Lucet
Maître de conférences, délégation CNRS Thalim et Université Paris-Cité, CEILAC URP 441
Sophie Lucet, actuellement en délégation CNRS auprès du laboratoire Thalim, est Maîtresse de conférences en Littérature et en arts de spectacle à l’Université Paris-Cité. Ses travaux portent sur l’histoire du théâtre entre 1870 et 1920 (symbolisme, critique et presse, texte et mise en scène, théâtre et Histoire). Ellle participe à plusieurs projets d’éditions de textes aux éditions Garnier (Romain Rolland, Victorien Sardou, Villiers de l’Isle-Adam). Co-fondatrice et co-animatrice du « Groupe de Recherches interuniversitaire sur les revues de théâtre » (GRIRT) depuis 2011, elle a contribué à plusieurs travaux collaboratifs consacrés à la presse théâtrale spécialisée autour de 1900. Elle co-dirige par ailleurs à l’Université Paris-Cité, le Groupe de Recherches sur les imaginaires de la Révolution (Imarev 19-21), et prépare un ouvrage sur « Les évolutions du drame historique et les représentations de la Révolution Française dans les débuts de la IIIème République, des Goncourt à Romain Rolland [1868-1909] »
Des auctorialités floues des dictionnaires d’amateur du XIXe siècle au geste concerté des ouvrages du XXe siècle : enquête autour des paradoxes du « je » des dictionnaires de théâtre (avec Alice Folco)
À partir de l’étude (périodisée, et non exhaustive) d’un corpus de dictionnaires allant de L’Art du comédien d’Aristippe (1819) au Langage des planches d’Hubert Génin (1914), puis revenant sur le deuxième « âge d’or » qui s’initie en France des années 1970 à nos jours – depuis le Dictionnaire des arts du spectacle français, anglais, allemand de Cécile Giteau (1970) jusqu’à L’égo-dictionnaire des mots du théâtre de Dany Porché (2017), l’on s’intéressera au statut et à la circulation de ces publications dans un paysage éditorial en mouvement. En portant le regard sur les indications variées données par le paratexte et sur les discours adressés de ces ouvrages, l’on interrogera les identités et les tactiques auctoriales de leurs « auteurs ». L’on montrera ainsi l’intérêt qu’il y a à rassembler des éléments d’information permettant d’établir une prosopographie des auteurs de dictionnaire de théâtre. L’approche panoramique et diachronique permettra aussi de mettre en lumière évolutions et constantes, dans la manière dont le « je » des auteurs des dictionnaires se positionne, souvent de manière paradoxale, par rapport à l’objet-livre édité.
Marion Chénetier-Alev
Maître de conférences en Études théâtrales à l’École Normale Supérieure d’Ulm, membre de l’UMR 7172 THALIM (CNRS)
Marion Chénetier-Alev est maître de conférences en études théâtrales à l’École Normale Supérieure d’Ulm, membre de l’UMR 7172 THALIM (CNRS). Ses recherches portent notamment sur les écritures dramatiques modernes et contemporaines ; sur le travail de l’acteur ; sur les liens entre théâtre et radio, et l’histoire sonore du théâtre. Concernant le jeu de l’acteur, elle a en particulier publié un dossier sur Maria Casarès, Maria Casarès ou le théâtre à l’épreuve (Revue d’Histoire du Théâtre, 2018) ; a coorganisé en 2021 le séminaire sur Le jeu de l’acteur dans la presse, 1750-1980, avec Marco Consolini (actes à paraître) ; et prépare actuellement la publication du 3ème volume d’entretiens avec des acteurs contemporains, à paraître à la RHT en octobre 2023.
Iconographie de l’acteur dans le Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’y rattachent, d’Arthur Pougin
Arthur Pougin, passionné de technique et féru en machinerie, semble avoir conçu avec son Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre un objet éditorial espiègle qui dissimule sous un titre apparemment sérieux et conventionnel une série de tours ingénieux lui permettant d’échapper aux règles du genre. Parmi ceux-ci, il en est un que nous nous proposons d’étudier en particulier : c’est le mécanisme du compartiment secret ou comment parler des comédiens dans un dictionnaire sans entrées de noms propres ?
Florence Filippi
MCF, CEREdI, Université de Rouen
Florence Filippi est maîtresse de conférences en Etudes théâtrales à l’Université de Rouen, où elle dirige le département des Métiers de la culture. Ses recherches portent principalement sur les mythographies d’acteurs et d’actrices, et sur les théories du jeu transmises par les interprètes des XVIIIe et XIXe siècles. Elle a notamment co-dirigé Le Sacre de l’acteur, Emergence du vedettariat théâtral de Molière à Sarah Bernhardt, avec Sara Harvey et Sophie Marchand (collection U, Armand Colin, mars 2017), ainsi que le numéro de la revue Epistémocritique consacré à Théâtre et Médecine : de l’exhibition spectaculaire de la médecine à l’analyse clinique du théâtre ».
Lisibles ou invisibles ? Portraits d’acteurs et d’actrices dans les dictionnaires et encyclopédies théâtrales des 18e et 19e siècles.
Quelle place accorde-t-on aux interprètes dans les dictionnaires et encyclopédies spécialisés des 18e et 19e siècles ? Un examen des notices évoquant les parcours d’acteurs, assorti d’une lecture des entrées consacrées aux techniques de jeu, font surgir quelques traits récurrents. Il apparaît que les discours savants tentent de se distinguer d’autres genres très en vogue au XIXe siècle, tels que les Physiologies ou les Galeries d’acteurs, regorgeant quant à elles d’anecdotes dramatiques au contenu plus ou moins fantaisiste et diffamatoire. Un discours encyclopédique sur l’interprète et son savoir s’élabore donc progressivement, se nourrissant pour partie des discours produits par les acteurs eux-mêmes, comme les Mémoires de Mlle Clairon (1799) ou Les Réflexions sur Lekain (1825) de François-Joseph Talma. Pourtant, les interprètes sont rarement cités comme source fiable et légitime, comme si leur point de vue disparaissait sous la plume des experts. En définitive, ces notices aux prétentions savantes échappent-elles vraiment à la tentation de l’anecdote, à l’expression du mépris social suscité par la profession d’acteur, et plus encore, aux préjugés pesant sur le métier d’actrice ? Ces notices spécialisées, qui se réapproprient les paroles d’interprètes en refusant de reconnaître leur auctorialité, ne contribueraient-elles pas à une forme de perpétuation, et peut-être même à une déconsidération plus marquée du métier d’acteur au 19e siècle au regard du 18e siècle ? L’art théâtral serait-il un sujet à laisser aux historiens et aux savants plutôt qu’aux hommes de l’art ? Cette question mérite d’être posée, afin de mieux comprendre la difficile reconstitution et les rares éditions du corpus de textes consacrés à leur pratique par les comédiens et les comédiennes, ainsi que leur réapparition progressive dans l’historiographie théâtrale des 20e et 21e siècles.
Sophie Mentzel
MCF, Université de Tours, ICD
Sophie Mentzel est MCF en Littérature, Arts, Théâtre à l’université de Tours. Ses recherches portent essentiellement sur sur la dramaturgie et la scénographie du pouvoir sur scène au XIXe siècle avec quelques incursions sur la scène contemporaine. Elle dirige la rubrique théâtre du Magasin du XIXe siècle et participe au projet RCF 19. Le livre issu de sa thèse, Trônes vacillants, La représentation de la royauté sur la scène romantique, est à paraître chez Champion en 2023.
Derniers articles publiés :
– « Le pouvoir et son double : Dramaturgie du désenchantement politique dans le théâtre de Nerval », in Revue Nerval n°6, Classiques Garnier, 2022
– « Points de non- retour d’Alexandra Badea ou le théâtre des oublis de l’histoire coloniale », Oltreoceano – Rivista Sulle Migrazioni, (20), 2022.
– « Christine de Suède ou les errements du pouvoir sur la scène romantique », in Florence Fix et Corine François-Denève dir., La Reine Christine et ses fictions, EUD, 2022.
L’évolution de la politique des emplois dans les dictionnaires de théâtre du XIXe siècle ou la révolution des rôles
Au théâtre, la révolution politique engendre une révolution esthétique qui se manifeste notamment par le brouillage des emplois sur scène : les premiers rôles tragiques que sont les rois et les reines sont corrodés par le comique qui dévalue leur transcendance et les renvoie parfois à l’immanence de la farce. Ils abandonnent leur ethos traditionnel pour devenir des premiers rôles comiques, des traitres de mélodrame. Une telle hybridation se manifeste dans les dictionnaires de théâtre, à travers l’évolution des définitions des différents emplois : ainsi, l’emploi de roi disparaît progressivement tandis que celui de reine, moins polémique demeure et se colore de nouvelles nuances. De nouveaux rôles font aussi leur apparition, comme celui de « financier », témoin des bouleversements qui affectent la société au miroir de la scène. Il s’agira dans la communication de s’intéresser à la manière dont l’évolution de la grille des emplois proposée dans les dictionnaires est un reflet de la mutation des codes théâtraux dans la France post-révolutionnaire.
Aurélien Poidevin
Professeur agrégé d’histoire PRAG, Université de Rouen-Normandie/GHRIS EA 3831
Aurélien Poidevin est professeur agrégé d’histoire à l’université de Rouen-Normandie, membre du Groupe de recherches en histoire (GRHIS, EA 3831). Intéressé par l’histoire sociale et administrative de l’Opéra de Paris au xxe siècle, il a notamment publié, avec Rémy Campos, La scène lyrique autour de 1900 (L’œil d’or, 2012).
De la gloire aux trucs : regards sur la machinerie théâtrale à la fin du xixe siècle dans le dictionnaire d’Arthur Pougin
Depuis l’histoire du théâtre à machines de la fin du xviie siècle jusqu’aux dernières innovations scéniques des années 1880, le dictionnaire d’Arthur Pougin comporte une série de notices consacrées à la machinerie théâtrale. Souvent construites à partir du texte de J. Moynet, L’Envers du théâtre, elles décrivent son fonctionnement à partir de trois angles d’attaque : « personnel, matériel, service ». On s’interrogera sur la signification de cette répartition, ainsi que sur les enjeux humains et techniques de la machinerie théâtrale à la fin du xixe siècle. D’une source à l’autre, on mesurera ce que les notices conservent ou retranchent des principaux ouvrages de l’époque, à commencer par celui de Moynet, souvent emprunté. Au fil de l’enquête, on se questionnera sur ce que l’acception du terme machinerie dans le dictionnaire d’Arthur Pougin nous dit du point de vue de l’auteur. Par là même, on évaluera quel est l’horizon d’attente du lecteur, peut-être plus préoccupé d’en connaître sur l’envers du décor (au sens anecdotique du terme) que d’en apprendre sur les modalités d’organisation de l’un des services les plus capitaux du théâtre.
Lotte Schüßler
Docteure, Humboldt-Universität zu Berlin, Institut für Musikwissenschaft und Medienwissenschaft
Lotte Schüßler est collaboratrice scientifique à l’Institut de musicologie et de sciences des médias de la Humboldt-Universität zu Berlin. Elle a obtenu son doctorat à l’Université Humboldt en soutenant une thèse sur les grandes expositions théâtrales dans l’espace germanophone autour de 1900 (Theaterausstellungen. Spielräume der Geisteswissenschaften um 1900, Göttingen, Wallstein, 2022). Autres publications: « Theatre Exhibitions, Models and the Quest for Anschauung », Theatre Research International 47/1 (2022), p. 79-98 ; « Curating Exhibitions, Ordering Disciplines: Theatre Studies and Musicology in the Vienna Rotunda, 1892 », History of Humanities 4/2 (2019), p. 423-450.
Exposer et écrire l’encyclopédique : le théâtre entre palais et publications de l’Expositions universelle de 1889
Cette contribution est consacrée aux formations encyclopédiques du savoir sur le théâtre lors de l’exposition universelle de 1889. Dans le cadre d’une exposition spéciale sur l’histoire du travail au Palais des Arts libéraux, l’histoire de la représentation, de la scénographie, de l’architecture et des techniques du théâtre français y a été illustrée par des documents écrits et visuels, des costumes, des décors, des machines, des maquettes, etc. C’est ainsi qu’en même temps une première exposition sur l’histoire nationale du théâtre a été réalisée. Celle-ci est documentée entre autres dans le rapport Le Théâtre à l’Exposition universelle de 1889 : notes et descriptions, histoire et souvenirs (1890), publié sous la forme d’un petit livre par le journaliste de théâtre et de musique Arthur Pougin. Conçu comme une critique détaillée de l’exposition, le rapport de Pougin constitue une tentative de restructurer et de compléter sous forme écrite les expositions et les représentations théâtrales dispersées sur le site.
En étudiant la section d’exposition et la publication qui en a résulté, je souhaite questionner comment l’histoire nationale du théâtre a été représentée, arrangée et transmise dans les salles d’expositions et sur les pages du livre. L’ambition encyclopédique des expositions universelles de présenter le monde en un seul lieu, telle est ma thèse, est transposée ici au sujet du théâtre et s’exprime en même temps dans la publication d’Arthur Pougin : Comment le savoir sur l’histoire théâtrale est-il rassemblé, arrangé dans l’espace d’exposition et finalement recomposé dans le livre ? Dans quelle mesure le geste encyclopédique de l’exposition universelle se manifeste-t-il à chaque fois ? Comment le savoir des expositions est-il transmis dans la publication, comment par le changement de média est-il transformé, élargi ou réduit ? Comment définir le lien entre l’exposition organisée collectivement d’une part et le livre d’auteur individuel d’autre part ? Enfin, dans quelle mesure la publication de Pougin, également auteur du Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’y rattachent (1885), » qui se conçoit comme un ‘musée du théâtre’ », s’inscrit-elle dans la continuité de ce dictionnaire ?
Dans une première partie, ma contribution vise à reconstruire la section de 1889, à l’analyser et à la contextualiser en tant qu’exposition théâtrale spécialisée précoce. Dans un deuxième temps, je me consacrerai au changement de média entre la section d’exposition et la publication de celle-ci, pour enfin discuter dans quelle mesure l’encyclopédique s’exprime à chaque fois dans ces médias, notamment sous forme de dialogue ou en se démarquant du genre du dictionnaire.
Entretien avec Patrice Pavis : écrire des dictionnaires de théâtre
Patrice Pavis, professeur émérite, a enseigné à l’Université Paris VIII, à l’Université de Kent et à la Korean University of the Arts. Il est l’auteur de deux dictionnaires : Le Dictionnaire du théâtre, publié pour la 1ère fois en 1987 et réédité 4 fois jusqu’en 2019, et Le Dictionnaire de la Performance et du théâtre contemporain, édité en 2014 et réédité en 2018.
Comment écrit-on un dictionnaire de théâtre ? Quelles entrées choisit-on et comment réorganise-t-on, au fil des rééditions, le savoir exposé ? Comment s’entremêlent les différentes références à des contextes théâtraux, linguistiques, artistiques et académiques différents dans un contexte international ?
L’entretien sera mené par quatre étudiantes de l’Ens de Lyon (Master Arts, parcours dramaturgies) et de l’université Lyon 2 (Master Arts du spectacle, parcours scène) : Clara Deslée, Gaïa Richard-Bergereau, Julie Keyser et Océane Megevand.
Jean-Luc Chappey
Professeur des universités, Université Paris 1, Institut d’histoire moderne et contemporaine
Jean-Luc Chappey est professeur d’histoire des sciences à l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, actuel directeur de l’IHMC. Ses recherches portent sur l’étude des transformations du monde des sciences et des savoirs entre les XVIIIe et XIXe siècles. Il est notamment l’auteur en 2013 d’Ordres et désordres biographiques. Dictionnaires, listes de noms et réputation des Lumières à Wikipedia, Champ Vallon, 2013.
Enjeux politiques, intellectuels et politiques de la Biographie des frères Michaud
La période 1750-1830 est un moment d’une « dictionnarisation » généralisée. Comme l’ont déjà rappelé de nombreux travaux évoquant cet « âge des dictionnaires » (Rétat), le genre est conquérant et s’étend progressivement à tous les domaines, des savoirs aux pratiques sociales, de la politique à la religion, en passant même par les sentiments. Par les profits autant financiers que symboliques qu’ils procurent à ceux qui les dirigent, par les équipes qu’ils mobilisent, ces dictionnaires occupent progressivement une place centrale dans le monde de l’imprimé. Ce mouvement s’inscrit dans les différentes mutations de l’économie du livre et participe à la mise en place d’une nouvelle organisation du marché de l’imprimé. Ces dictionnaires peuvent être considérés comme des instances de consécration et de catégorisation : consécration pour leurs auteurs qui cherchent par là à s’imposer – de manière différente – dans la République des lettres à laquelle ils participent à la construction. Dans les années 1690-1710, le dictionnaire de Moréri sert à publier les généalogies nobiliaires, au moment où l’administration royale multiplie les enquêtes sur cet ordre. Une des critiques qui pèsent rapidement sur l’entreprise est le caractère fallacieux de certaines notices. Le dictionnaire s’impose surtout comme un instrument de combat. Les notices biographiques deviennent le cadre d’opérations de promotion ou de stigmatisation par le biais desquels s’écrit l’histoire et se construit l’identité des groupes qui s’opposent. Instance de catégorisation par ce que ces ouvrages – en incluant ou en excluant – s’imposent comme des supports de construction de la bonne ou mauvaise réputation et peuvent donc faire l’objet de luttes voire être au cœur de véritables « guerres ». Les auteurs de dictionnaires imposent un ordre biographique à partir duquel ils tentent d’imposer de nouvelles formes de normalisation de l’espace politique et social, de nouvelles hiérarchies, de nouvelles valeurs de jugement, création de stéréotypes, de figures, de légendes. Avec les résistances que cela peut produire. En m’appuyant plus précisément sur l’étude de la Biographie universelle ancienne et moderne, dirigée entre 1811 et 1828 (52 vol.) par les frères Michaud, je présenterai quelques-uns des enjeux politiques, sociaux et culturels qui se cristallisent autour de ces entreprises éditoriales et commerciales au tournant des XVIIIe et XIXe siècle.
Julien Le Goff
Doctorant contractuel, Nantes Université, laboratoire LAMO (UR 4276)
Doctorant allocataire à Nantes Université, Julien Le Goff prépare actuellement une thèse intitulée Être spectateur dans les théâtres officiels et non officiels au siècle des Lumières : de la réalité matérielle à la représentation littéraire, expérience individuelle et enjeux des réseaux sociaux, sous la direction de Françoise Rubellin. Membre du Centre d’Étude des Théâtres de La Foire et de la Comédie-Italienne au sein du laboratoire LAMO, il participe actuellement au projet RECITAL (transcription participative des registres de la Comédie-Italienne de Paris au xviiie siècle) ainsi qu’à l’édition des trois tomes du Théâtre comique de Piron à paraître chez Classiques Garnier.
Le récit anecdotique dans les premiers dictionnaires de théâtre : pratique compilatoire ou écriture de l’histoire quotidienne des spectacles ?
Dans la seconde moitié du xviiie siècle, la publication de recueils d’anecdotes et d’ouvrages de compilation est un véritable phénomène de mode éditorial. Les anecdotes dans le goût du public rencontrent un grand succès populaire. Ces petits faits vrais attirent les lecteurs et la promesse de récits croustillants devient un argument de vente. C’est sans aucun doute dans le domaine du théâtre que les anecdotes dramatiques connaissent le plus vif succès. Cependant, à la différence de ce qu’on pourrait imaginer, et ce notamment en raison de titres parfois trompeurs, il n’existe pas encore, en cet fin de xviiie siècle, d’ouvrages proposant une compilation d’anecdotes dramatiques exclusivement. Bien souvent, le récit anecdotique n’est qu’un des éléments constitutifs du recueil, la partie d’un tout, offrant à son lecteur une série d’informations diverses (biographies d’auteurs ou de comédiens, résumés, critiques de pièces, etc.). C’est pourquoi nous analyserons les modalités d’intégration de l’anecdote dans les dictionnaires de théâtre de la seconde moitié du xviiie siècle. Comment le récit anecdotique, par définition marginal, trouve-t-il sa place au sein d’un objet, le dictionnaire, nécessairement structuré ? Est-il possible de déterminer un ou plusieurs principes régissant l’insertion des anecdotes dramatiques dans ce type d’ouvrage ? Ces récits figurent-ils en début ou fin de notice ? Leur présence est-elle systématique ou occasionnelle ? Autant de questions qui conduisent à se pencher, plus largement, sur l’organisation interne du dictionnaire et la circulation entre ses différentes entrées. Puis nous nous intéresserons au rôle du récit anecdotique dans la construction de l’histoire quotidienne des spectacles ainsi qu’à ses spécificités d’écriture. La valeur littéraire à laquelle accède parfois cet objet marginal n’entre-elle pas en tension avec l’entreprise de compilation, prétendument objective, que sous-tend l’élaboration d’un dictionnaire ? Ainsi le récit anecdotique apparaîtrait comme un espace privilégié d’une forme de subjectivité particulièrement riche pour questionner le statut de l’auteur / compilateur et la nature de son lectorat. Enfin, nous nous interrogerons sur les raisons et les conséquences épistémologiques du passage de l’anecdote dramatique du dictionnaire de théâtre à l’ouvrage de compilation spécialisé.
Pierre Causse
Maître de conférences (stagiaire), Université Rennes 2, Arts : Pratiques et Poétiques (APP)
Pierre Causse est maître de conférences en études théâtrales à l’Université Rennes 2 depuis septembre 2022. Ses recherches portent sur l’histoire du théâtre (années 1800-1950), et explorent les diverses manières dont la scène élabore des images de la nature. Sa thèse, Météores en scène. De la représentation du temps qu’il fait à la création de l’atmosphère, 1827-1947, écrite sous la direction d’Olivier Bara à l’Université Lyon 2, est en cours de publication. Dans la continuité de ses travaux sur le décor (Concevoir le décor de théâtre et de cinéma, Double Jeu no 18, en co-dir. avec Léa Chevalier et Valérie Vignaux), il s’intéresse à l’histoire des techniques scéniques.
Les coulisses dévoilées par les dictionnaires
Cette communication à deux voix, menée par Pierre Causse et Léonor Delaunay, entend explorer la façon dont les dictionnaires de théâtre du XIXe siècle mettent en scène la découverte du monde des coulisses. Les entrées de dictionnaire deviennent alors autant d’occasions de ludiques dévoilements, le plaisir du lecteur/spectateur étant avivé par une rhétorique de la transgression.
Pierre Causse, s’appuiera sur les « confidences sur les procédés de l’illusion » annoncées par le sous-titre du Dictionnaire théâtral (1824) de Harel, et montrera comment elles constituent la première mise à disposition du public de renseignements techniques sur les bruitages et effets visuels, inaugurant une ère dans laquelle la révélation des procédés scéniques est une constante.
Léonor Delaunay prolongera la réflexion en s’arrêtant sur les usages du dévoilement des coulisses. En explorant la dimension anecdotique de quelques dictionnaires du XIXe siècle où se mêlent le goût de l’accessoire, de l’artifice, du détail pittoresque et de l’indiscrétion, c’est aussi une forme de voyeurisme qui est mise en œuvre, en passant par les loges et la vie « cachée » des comédiennes et comédiens, jouant à dévoiler des intimités.
Léonor Delaunay
Historienne, directrice de la Société d’Histoire du Théâtre, membre associée du Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines – CHCSC, Université de Versailles Saint–Quentin-en-Yvelines
Après un doctorat sur les expériences théâtrales prolétariennes et révolutionnaires en France dans l’entre-deux-guerres, publié en 2011 aux Presses Universitaires de Rennes sous le titre La Scène bleue. Les expériences théâtrales prolétariennes et révolutionnaires en France, de la Grande Guerre au Front populaire, Léonor Delaunay poursuit ses recherches sur les aspects intimes et matériels du théâtre populaire et politique au XIXe et XXe siècles.
Elle dirige depuis 2012 la Société d’Histoire du Théâtre et la Revue d’histoire du théâtre, au sein de la Bibliothèque nationale de France. Elle travaille sur les mises en récit et en exposition de l’histoire du théâtre. L’archive, ses usages et ses prolongements numériques, se situent au cœur de ses réflexions.
Les coulisses dévoilées par les dictionnaires
Cette communication à deux voix, menée par Pierre Causse et Léonor Delaunay, entend explorer la façon dont les dictionnaires de théâtre du XIXe siècle mettent en scène la découverte du monde des coulisses. Les entrées de dictionnaire deviennent alors autant d’occasions de ludiques dévoilements, le plaisir du lecteur/spectateur étant avivé par une rhétorique de la transgression.
Pierre Causse, s’appuiera sur les « confidences sur les procédés de l’illusion » annoncées par le sous-titre du Dictionnaire théâtral (1824) de Harel, et montrera comment elles constituent la première mise à disposition du public de renseignements techniques sur les bruitages et effets visuels, inaugurant une ère dans laquelle la révélation des procédés scéniques est une constante.
Léonor Delaunay prolongera la réflexion en s’arrêtant sur les usages du dévoilement des coulisses. En explorant la dimension anecdotique de quelques dictionnaires du XIXe siècle où se mêlent le goût de l’accessoire, de l’artifice, du détail pittoresque et de l’indiscrétion, c’est aussi une forme de voyeurisme qui est mise en œuvre, en passant par les loges et la vie « cachée » des comédiennes et comédiens, jouant à dévoiler des intimités.
Véronique Lochert
Maîtresse de conférences HDR, Université de Haute-Alsace, ILLE
Spécialiste du théâtre européen de la première modernité, Véronique Lochert est maîtresse de conférences HDR en littérature comparée à l’université de Haute-Alsace et membre honoraire de l’Institut universitaire de France. Ses recherches récentes portent sur les enjeux de la réception du théâtre, et en particulier sur le public féminin (Les femmes aussi vont au théâtre. Les spectatrices dans l’Europe de la première modernité, Rennes, PUR, 2023). Elle a co-dirigé avec M. Vuillermoz et E. Zanin Le Théâtre au miroir des langues (Genève, Droz, 2018), qui propose un répertoire comparé des termes du théâtre en France, Espagne et Italie aux XVIe et XVIIe siècles.
Quelle place pour le public dans les dictionnaires de théâtre ?
La communication propose de considérer la place réservée au public dans les dictionnaires du théâtre, principalement centrés sur l’univers des artistes et praticiens, et d’envisager leurs variations et leurs évolutions. Elle abordera la diversité des termes qui convoquent le public dans les dictionnaires et analysera les différentes représentations des spectateurs qui s’y construisent, unifiées ou éclatées, théoriques ou sensibles. Il s’agira ainsi de mesurer le rôle attribué à la réception et de s’interroger sur la manière dont l’édition numérique peut le mettre en valeur.
Charline Granger
ATER, ENS de Lyon (Ihrim)
Charline Granger est actuellement ATER en études théâtrales à l’ENS de Lyon. Elle est l’auteure d’une monographie parue en 2021 aux Classiques Garnier, L’Ennui du spectateur. Thermique eu théâtre (1716-1788). Ses recherches portent principalement sur le théâtre et sa réception au xviiie siècle ; les contextes scientifiques du discours sur la scène ; l’histoire de la Comédie-Française.
Les bruits de l’assemblée théâtrale dans les dictionnaires de théâtre au XIXe siècle, d’une typologie à une axiologie
Une étude diachronique des dictionnaires de théâtre montre combien évolue, au cours du XIXe siècle, la manière de penser le comportement du spectateur dans la salle de théâtre. En partant d’une étude du lexique défini dans ces ouvrages pour qualifier les réactions du public, nous voudrions montrer comment, parce qu’ils croisent les approches esthétiques, techniques, actorales et sociales, ils constituent le catalyseur d’une réflexion sur les réactions du public, et dessinent les linéaments d’un rapport de force entre scène et salle, fondé sur l’idéal d’un contrôle mutuel des spectateurs et des acteurs.
Paola Ranzini
Professeure des universités, Avignon Université et IUF (membre senior)
Professeure d’Etudes Théâtrales à l’Université d’Avignon, membre senior IUF, Paola Ranzini travaille sur transferts culturels et théâtre, notamment sur la mise en scène de classiques ‘étrangers’. Elle s’est occupée des compilations érudites du XVIIIe siècle organisées sous forme de Dictionnaires en éditant, en 1997, un manuscrit jusqu’alors inédit de Melchiorre Cesarotti (Dramaturgia universale antica e moderna, Rome, Bulzoni). Cet ouvrage, inachevé, est la première forme d’un florilège du théâtre européen de sujets ‘tragiques’, et se fonde sur les Dictionnaires de théâtre français de l’époque. En 1998, elle traduit pour Zanichelli (Bologne), le Dictionnaire du théâtre de Patrice Pavis, une traduction qu’elle révise et met à jour, en 2022 pour CuePress (Imola), se fondant sur la nouvelle édition française -la quatrième- du Dictionnaire révisée et augmentée par son auteur. Ses dernières publications : l’édition italienne du Théâtre de Marivaux (volumes I-III parus en 2021 et 2022, les quatre suivants en préparation), le chapitre sur le théâtre (Per un teatro interculturale: incontri fra pratiche, figure e tradizioni della narrazione orale) dans le volume collectif sur Narrazioni e performance transculturali (Roma, Carocci, 2022) et, avec Enrica Zanin, le chapitre pirandellien du volume Atlande (2022) Théatres de l’amour et de la mémoire.
Fixer une terminologie dans une langue vs penser dans plusieurs langues. Les « intraduisibles » au théâtre
Cette communication interroge la notion d’« intraduisibles » telle qu’elle a été définie par Barbara Cassin (Vocabulaire européen des philosophies : Dictionnaire des intraduisibles, Paris, Seuil, 2004) la rapportant au domaine des dictionnaires du théâtre. À partir de mon expérience concrète de traductrice (en italien) d’un Dictionnaire du Théâtre contemporain (le Dictionnaire de Patrice Pavis), je m’arrêterai sur l’analyse de ces notions-clés des différentes esthétiques qui, pensées et exprimées en une langue, ont traversé les siècles et les frontières donnant lieu à une traduction, propre à chaque langue-culture, laquelle porte les traces d’une contextualisation, souvent connotée puisque liée au patrimoine culturel et à la tradition théâtrale en question. Ainsi, l’exercice de traduction d’un Dictionnaire de théâtre consiste à aller au-delà de la langue-culture de ce Dictionnaire afin de parvenir à isoler les « intraduisibles » des différentes esthétiques du théâtre.
Luc Davin
ATER, Université de Lille
Doctorant contractuel chargé d’enseignement à l’Institut d’études théâtrales de la Sorbonne Nouvelle, Luc Davin est actuellement ATER à la faculté des humanités de l’Université de Lille. Membre de la Marlowe Society de l’université de Cambridge, il se consacre à la place de Shakespeare dans le monde francophone et en particulier dans la littérature française de la fin d’Ancien Régime. Outre la réception du matériau shakespearien, il s’intéresse à l’histoire de la violence au théâtre, thème auquel il consacre un ouvrage (Les Maléfiques. Violences théâtrales et horreurs élisabéthaines) publié en 2022 à Louvain-la-Neuve (éd. EME-Academia, collection « Proximités Littératures »).
Matériau étranger dans les dictionnaires dramatiques de Diderot à Gémier : le cas Shakespeare
Depuis les premières notices consacrées à « Shak-spear » produites par le chevalier de Jaucourt, on retrouve dans les grandes entreprises encyclopédiques francophones généralistes une place toujours plus grande laissée à Shakespeare. Quand l’Encyclopédie lui laisse une position de contrebande, le Dictionnaire dramatique de Chamfort et La Porte (1776) -— cas sur lequel nous reviendrons principalement — est quant à lui traversé de part en part des personnages shakespeariens, de l’évocation du théâtre anglais et des auteurs shakespeariens européens, en incarnant cette double dimension de l’ordre classificateur (Barthes, 2002) : division et exhaustivité, auxquelles une subjectivité prescriptive semble s’adjoindre.
Raffaella Di Tizio
Chercheuse postdoctoral, Istituto Italiano di Studi Germanici, Roma
Raffaella Di Tizio est chercheuse post-doctorale à l’Institut italien d’études germaniques de Rome pour le projet « ATTIMI – Atlas du théâtre germanophone en Italie – Médiateurs et interprètes » dirigé par Marco Castellari et enseigne pour le cours « Théâtre contemporain » au Département d’histoire, d’anthropologie, de religions et d’arts du spectacle de l’Université Sapienza de Rome. Entre 2018 et 2019, grâce à une bourse DAAD de six mois, elle a été chercheuse invitée à l’Institut für Theaterwissenschaft de la Freie Universität Berlin. Elle fait partie des comités de rédaction de « Teatro e Storia » et de « European Theatre Lexicon », et a collaboré au Dictionnaire biographique Treccani et à « L’Indice dei libri del mese ». Elle a publié de nombreux essais et le livre L’opera dello straccione di Vito Pandolfi e il mito di Brecht nell’Italia fascista, Ariccia (RM), Aracne, 2018. Sur Silvio d’Amico, elle a écrit: La Regia Accademia d’Arte Drammatica di Roma. Tra i progetti teatrali di Silvio d’Amico e la politica culturale del regime, dans le volume La politica culturale del fascismo – 1. Istituzioni culturali, sous la direction d’Elisa D’Annibale, Istituto italiano Studi Germanici, 2021, pp. 337-357; Complessità di Silvio d’Amico, « Teatro e Storia », XXXI, no 38, 2017, pp. 164-178 ; Il viaggio a Parigi di Silvio d’Amico, « Teatro e Storia », no. 36, 2015, p. 355-383, et a édité la collecte d’une sélection de documents du Fonds Silvio d’Amico du Museo Biblioteca dell’Attore di Genova pour le site de « Teatro e Storia », La nascita dell’Accademia d’Arte Drammatica / Documenti dal Fondo d’Amico, 2011: https://www.teatroestoria.it/materiali/La_nascita_dell’Accademia.pdf
L’Enciclopedia dello spettacolo: un atelier de la pensée théâtrale
L’Enciclopedia dello spettacolo (‘Encyclopédie du spectacle’), conçue par Silvio d’Amico (1887-1955) et publiée en 11 volumes – compris une Mise à jour et un Index des entrées) par différents éditeurs entre 1954 et 1968, est un exemple unique de reconstruction historiographique et d’analyse du théâtre, du cinéma et de la musique dans une perspective internationale.
Grâce à un vaste groupe de collaborateurs et à travers la rédaction de nombreuses notices sur les sujets les plus divers – du vocabulaire théâtral aux biographies des acteurs, des dramaturges et des metteurs en scène, en passant par les différentes histoires théâtrales des diverses nations, jusqu’aux éléments techniques et concrets de la vie scénique –, l’œuvre se proposait de traiter, comme le dit le premier volume, « le spectacle chez tous les peuples, de l’antiquité à nos jours, sous tous ses aspects (artistique, social, juridique, économique, etc.) ».
La contribution se propose d’observer le chantier de l’Enciclopedia, qui a débuté après la Seconde Guerre mondiale, en se concentrant sur les critères adoptés et la dynamique concrète de la construction de ses volumes. D’une part, l’accent sera mis sur les origines du projet, à partir du moment où son créateur Silvio d’Amico, dans les années 1930, a commencé à imaginer un possible dictionnaire théâtral ; et ensuite, de l’autre côté, sur les résultats concrets et les répercussions de l’œuvre, en reconstruisant les phases de fondation et de tournant pendant sa publication, dans le cadre d’un processus de renouvellement historiographique (pas seulement théâtral) en action dans l’Italie des années 1950 et 1960.
Le parcours sera construit en analysant, entre autres sources, des témoignages directs d’autres figures théâtrales importantes dans l’histoire de l’œuvre (comme Alessandro d’Amico ou Luigi Squarzina) et des documents d’archives, redécouverts à la recherche des relations concrètes entre les rédacteurs, afin de reconstituer autant que possible le vif atelier des idées théâtrales qu’était l’Enciclopedia dello spettacolo.
Roberta Ferraresi
Maître de Conférences, DIPARTIMENTO DI LETTERE, LINGUE E BENI CULTURALI – UNIVERSITA’ DI CAGLIARI
Roberta Ferraresi est Professoressa Associata (« Maître de Conférences ») en études théâtrales au département des Lettres, des Langues et du Patrimoine culturel de l’Université de Cagliari, où elle est membre du conseil de direction du Labimus et enseigne dans divers cours de la Faculté des Sciences humaines. Elle est membre du Comité de rédaction de la revue Mimesis Journal et du Comité scientifique de la série homonyme publiée par Accademia.
Parallèlement à sa carrière académique, elle participe activement à la scène contemporaine : elle s’occupe de critique dans plusieurs revues, de politiques culturelles et théâtrales, de projets d’analyse et de formation en collaboration avec plusieurs réalités théâtrales italiennes.
Ses sujets de recherche concernent la repensée du théâtre au XXe siècle et à l’époque contemporaine ; l’histoire et les développements des études et de la critique théâtrales ; la relation entre les arts et les mouvements politiques – sujets étudiés à travers les méthodes de la recherche archivistique et de l’histoire orale. Elle a publié : Santarcangelo 50 Festival (2021) ; Leo de Berardinis fra seconda e terza vita. « La strage dei colpevoli », Roma 1982 (2019) ; La rifondazione degli studi teatrali in Italia dagli anni Sessanta al 1985 (2019).
L’Enciclopedia dello spettacolo: un atelier de la pensée théâtrale
L’Enciclopedia dello spettacolo (‘Encyclopédie du spectacle’), conçue par Silvio d’Amico (1887-1955) et publiée en 11 volumes – compris une Mise à jour et un Index des entrées) par différents éditeurs entre 1954 et 1968, est un exemple unique de reconstruction historiographique et d’analyse du théâtre, du cinéma et de la musique dans une perspective internationale.
Grâce à un vaste groupe de collaborateurs et à travers la rédaction de nombreuses notices sur les sujets les plus divers – du vocabulaire théâtral aux biographies des acteurs, des dramaturges et des metteurs en scène, en passant par les différentes histoires théâtrales des diverses nations, jusqu’aux éléments techniques et concrets de la vie scénique –, l’œuvre se proposait de traiter, comme le dit le premier volume, « le spectacle chez tous les peuples, de l’antiquité à nos jours, sous tous ses aspects (artistique, social, juridique, économique, etc.) ».
La contribution se propose d’observer le chantier de l’Enciclopedia, qui a débuté après la Seconde Guerre mondiale, en se concentrant sur les critères adoptés et la dynamique concrète de la construction de ses volumes. D’une part, l’accent sera mis sur les origines du projet, à partir du moment où son créateur Silvio d’Amico, dans les années 1930, a commencé à imaginer un possible dictionnaire théâtral ; et ensuite, de l’autre côté, sur les résultats concrets et les répercussions de l’œuvre, en reconstruisant les phases de fondation et de tournant pendant sa publication, dans le cadre d’un processus de renouvellement historiographique (pas seulement théâtral) en action dans l’Italie des années 1950 et 1960.
Le parcours sera construit en analysant, entre autres sources, des témoignages directs d’autres figures théâtrales importantes dans l’histoire de l’œuvre (comme Alessandro d’Amico ou Luigi Squarzina) et des documents d’archives, redécouverts à la recherche des relations concrètes entre les rédacteurs, afin de reconstituer autant que possible le vif atelier des idées théâtrales qu’était l’Enciclopedia dello spettacolo.
Matthieu Cailliez
Maître de conférences, Université Jean Monnet, IHRIM
Matthieu Cailliez est maître de conférences sur le poste « Histoire et analyse musicale, du classicisme au post-romantisme » au sein du Département de Musicologie de l’Université Jean Monnet – Saint-Étienne, membre permanent de l’Institut d’Histoire des Représentations et des Idées dans les Modernités (IHRIM : UMR 5317) et membre associé du Laboratoire Universitaire Histoire Cultures Italie Europe (LUHCIE : Unité de recherche EA 7421). Il est docteur des Universités de Bonn, Florence et Paris-Sorbonne dans le cadre de l’école doctorale européenne des Universités de Paris-Sorbonne, Bonn et Florence (Codiplomation) « Les Mythes fondateurs de l’Europe dans la littérature, les arts et la musique ». Soutenue en 2014, sa thèse de doctorat est intitulée La Diffusion du comique en Europe à travers les productions d’opere buffe, d’opéras-comiques et de komische Opern (France – Allemagne – Italie, 1800-1850). Il est l’auteur d’une trentaine d’articles consacrés principalement au théâtre lyrique en Europe au XIXe siècle.
Analyse comparée des dictionnaires et encyclopédies de théâtre publiés en France et dans le monde germanique au XIXe siècle
Le projet DicThéa, ou Dictionnaires et Encyclopédies de théâtre des XVIIIe et XIXe siècles, est basé sur l’étude d’une quinzaine d’ouvrages spécialisés publiés en France entre 1776 et 1914. L’objet de cette communication est de proposer une analyse comparée de ce corpus de dictionnaires et d’encyclopédies de langue française avec quelques ouvrages semblables de langue allemande publiés durant la même période dans le monde germanique. Parmi les ouvrages allemands retenus figurent en particulier l’Allgemeines Theater-Lexikon publié en sept volumes à Altenburg et Leipzig entre 1839 et 1842 sous la direction de Robert Blum, Karl Herloβsohn et Hermann Marggraff, le Theater-Lexikon de Philipp Düringer et Heinrich Ludwig Barthels publié à Leipzig en 1841 et le Deutsches Theater-Lexikon publié dans la même ville en 1889 sous la direction d’Adolf Oppenheim et Ernst Gettke. Cette étude interrogera plus précisément les activités professionnelles des différents auteurs, leurs liens éventuels avec l’industrie théâtrale parisienne ou germanique, la nature de leurs sources, leurs stratégies narratives, le choix et la hiérarchie des sujets, ainsi que l’organisation interne de leurs ouvrages. Les champs lexicaux liés à la musique et au théâtre lyrique, et leurs places relatives dans les différents ouvrages des deux côtés du Rhin seront l’objet d’une attention particulière. Au XIXe siècle, la publication de dictionnaires et d’encyclopédies de théâtre semble a priori être une spécialité davantage française qu’allemande. Fruit de nos premières recherches, cette observation provisoire sera mise en question.
Rémy Campos
Professeur, Université et laboratoire de rattachement : Conservatoire de Paris
Rémy Campos enseigne l’histoire de la musique au Conservatoire de Paris et est coordinateur de la recherche à la Haute école de musique de Genève. Ses recherches ont porté sur la redécouverte des musiques anciennes (La Renaissance introuvable ? Entre curiosité et militantisme : la Société des concerts de musique vocale, religieuse et classique du prince de la Moskowa (1843-1847), 2000), sur les conservatoires (Instituer la musique. Les débuts du Conservatoire de Genève (1835-1859), 2003 ; Le Conservatoire de Paris et son histoire. Une Institution en questions, 2016) et sur les questions d’historiographie (avec Nicolas Donin, dir., L’Analyse musicale, une pratique et son histoire, 2009 ; François-Joseph Fétis musicographe, 2013 ; Debussy à la plage, 2018). Il travaille actuellement sur l’histoire des pratiques musicales aux xixe et xxe siècles (avec Aurélien Poidevin, La Scène lyrique autour de 1900, 2012 ; avec Xavier Bisaro, dir., La Musique ancienne entre historiens et musiciens, 2014 ; avec Alain Carou et Aurélien Poidevin, dir., De la scène à la pellicule autour de 1900, 2021 ; Le Piano français et la technique du jeu perlé (1840-1960), à paraître).
Division du travail et division des matières. L’analyse des activités artistique dans les notices de dictionnaires
À la fin du xixe siècle, l’Opéra de Paris est le plus grand théâtre du monde à cause de la surface hors norme de son bâtiment mais aussi en raison du nombre d’employés impliqués dans la production de trois représentations par semaine – quatre à partir de 1892. Divisé en services strictement hiérarchisés, l’établissement soulève à chaque minute la question de la coordination du travail artistique, technique et administratif de plus de six cents personnes.
Dans le théâtre, nul n’a de vision surplombante. Même le directeur, qui parcourt bureaux, ateliers, salle et coulisses du matin au soir, ne parvient pas à savoir ce qui se passe simultanément dans un édifice qui couvre plus de onze hectares. Au même moment, les rares auteurs à avoir tenté d’expliquer le fonctionnement de l’Opéra de Paris pour les néophytes (Charles Nuitter, Louis Bloch, etc.) ne donnent eux aussi que des visions très partielles des activités fourmillantes du personnel.
On pourrait penser que le découpage des matières habituel dans un dictionnaire aurait permis de rendre compte de la division du travail théâtral (à chaque tâche son entrée) en produisant un point de vue synoptique par la lecture successive des éléments fractionnés dans les notices. L’examen des dizaines notices du Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’y rattachent (1885) regroupées par Arthur Pougin Arthur Pougin dans les sections de la table des matières thématique intitulées : « Détails du travail scénique. Étude préparatoire », « Service intérieur du théâtre » et « Personnel du service de la scène ne prenant pas part à l’action scénique », montre que la question de la synthèse ou du moins de l’articulation des définitions les unes avec les autres était un problème ardu. Les fonctions et les pratiques qui y sont décrites, les expressions de l’argot théâtral qui y sont expliquées, ne permettent de reconstituer qu’en partie l’enchaînement des segments de la chaîne de production dramatique.
Le dépouillement d’autres dictionnaires contemporains de celui de Pougin permettra de mieux comprendre pourquoi il était si difficile de réassembler dans l’espace du livre les tâches divisées au quotidien dans les théâtres lyriques.
Olivia Sabee
Associate Professor, Swarthmore College, Musique & Danse, Littérature comparée
Olivia Sabee est professeur associé de danse à Swarthmore College, en Pennsylvanie où elle est également directrice du programme en littérature comparée. Son livre Theories of Ballet in the Age of the Encyclopédie a paru en 2022 (Oxford Studies in the Enlightenment) et elle a publié également des articles sur la danse et l’encyclopédisme dans les revues Danza e ricerca et Eighteenth-Century Studies.
L’apparition de la danse comme discipline dans les encyclopédies
Dans cette communication, nous allons situer la théorisation de la danse dans le contexte plus large de l’encyclopédisme en France de la seconde moitié du XVIIIe siècle. En considérant l’Encyclopédie (1751-1772) de Diderot et D’Alembert, le dictionnaire Arts académiques. Équitation, escrime, danse, et art de nager (1786) de l’Encyclopédie méthodique de Charles-Joseph Panckoucke et le Dictionnaire de danse (1787) de Charles Compan, nous allons parler de la relation entre la structure de chaque ouvrage et les définitions de « danse » et « ballet » présentées à l’intérieur de ceux-ci. Nous allons montrer que, dans ce cas, la structure et les principes d’organisation de chaque ouvrage valorisent ces définitions autant ou plus que les articles eux-mêmes. À travers cette étude nous allons montrer comment les éditeurs de ces textes ont distingué la danse théâtrale de la danse conçue plus généralement. En conclusion, nous allons souligner la nouveauté dans le dictionnaire Arts académiques. Équitation, escrime, danse, et art de nager et le Dictionnaire de danse de situer le ballet pantomime à l’intérieur de la catégorie « danse » au lieu de l’identifier plutôt avec d’autres formes théâtrales qui incluent la danse (par ex. la comédie-ballet).
Claudia Palazzolo
Enseignant-chercheur HDR, Université lumière-Lyon 2
Claudia Palazzolo est Enseignant-chercheur HDR à l’Université lumière-Lyon 2, faculté des lettres, sciences du langage et arts (LESLA), département des arts du spectacle et de l’image (ASIE). Ses recherches actuelles portent sur l’histoire de la réception de la danse envisagée sous l’angle de la réception critique, l’étude des représentations en danse et de la danse. Parmi ses ouvrages les plus récentes Danser pop. Une figure de la création contemporaine, Centre National de la Danse, Pantin 2021 ; Retour sur Palermo Palermo. Détourner le folklore construire le présent, L’œil d’or, 2021 Mise en scène de la danse aux Expositions de Paris (1889-1937 ). L’œil d’or, 2017.
En quête de modernités : Desrat, un dictionnaire de la danse « fin de siècle »
L’intervention propose une étude du Dictionnaire de la danse, historique, théorique, pratique et bibliographique, depuis l’origine de la danse jusqu’à nos jours, tout d’abord par rapport à son articulation interne et à la répartition de ses entrées. Puis, il s’agira d’interroger la manière dans laquelle Desrat relate les pratiques et esthétiques de son époque et annonce l’émergences des courantes modernes en danse. Qu’est-ce qu’il met en valeur et qu’est-ce qu’il cache dans le paysage de la danse fin du siècle ? Autour de quelles priorités contribue-t-il à construire une histoire de la danse de son époque ? Est-il responsable par exemple d’avoir transmis l’idée, très partagée dans l’historiographie traditionnelle de la danse, d’une « décadence » du ballet fin de siècle ?
Mathieu Bouvier
Chercheur en art et artiste visuel. Docteur en Esthétique de l’Université Paris 8
Mathieu Bouvier est chercheur en art et artiste visuel. Docteur en Esthétique de l’Université Paris 8, il a soutenu en 2021 une thèse de doctorat dirigée par Catherine Perret et Isabelle Launay, intitulée Les intrigues du geste. Pour une approche figurale du geste dansé. Depuis plus de vingt ans, il fréquente la création chorégraphique contemporaine en tant que vidéaste, scénographe et dramaturge, notamment auprès de Loïc Touzé, Yasmine Hugonnet, Catherine Contour, Mylène Benoit, Vincent Dupont, Sorour Darabi, DD Dorvillier, etc. Avec le chorégraphe Loïc Touzé, il développe depuis 2010 un programme de recherches théoriques et pratiques autour du travail de la figure en danse, qui donne lieu à de nombreux workshops professionnels et pédagogiques. En 2017, ce projet est soutenu par la Manufacture – Hes.So Lausanne, et par le CN D – Pantin, et donne lieu à l’édition du site http://www.pourunatlasdesfigures.net, plateforme collaborative pour la recherche en art. Il enseigne la théorie des arts en contextes universitaires et en écoles d’art (Paris 8, La Manufacture, He.So Lausanne, Master exerce, Montpellier, etc). Parmi ses publications récentes : « Levée des figures. pour une approche figurale du geste dansé » article in Nouveaux régimes de la Figure, Littérature et arts visuels. Dir. Laura Marin, CESI, Université de Bucarest, 2017. « Pour une danse voyante » article in Revue « Recherches en danse », n°6, aCD, 2017. https://journals.openedition.org/danse/1686. A paraître en 2023 : « Faire une danse mantique », in Danse(s) et rituel(s), dir. Laura Fléty (CREM-LESC) et Laurent Barré (CN D), Les Presses du Réel.
Atlas, lexiques, dictionnaires de théâtre à l’heure numérique
Pour un atlas des figures
Le site internet « pour un atlas des figures » est une plateforme collaborative pour la recherche et la création en art. Il édite des ressources théoriques et pratiques originales, dans la perspective d’une approche figurale du geste et de l’image, pour la danse, les arts vivants et les arts visuels. Créé en 2017 par Mathieu Bouvier, ce site trace des circuits de curiosité autour de la notion de figure, sans garantie que les figures qu’on y cherche soient celles qu’on y trouve. On peut en effet y prendre des chemins différents, selon que l’on a de la suite dans les idées ou, au contraire, de la fuite dans les idées. La notion même de figure est si fuyante que cet atlas ne permet pas de la fixer, mais invite à la poursuivre, aux croisées de la philosophie de l’art, de l’anthropologie culturelle, de la clinique et de la création artistique. A l’heure actuelle, le site rassemble une bonne centaine de ressources de différentes natures : articles théoriques et critiques, entretiens filmés, matériel documentaire et iconographique, séances de séminaire, analyses d’œuvres et de pratiques artistiques, etc.
Mathieu Bouvier présentera ce site internet au regard de son contexte de création, de ses enjeux de recherche et de création, et proposera une navigation à travers différents éléments du site, suivant le mode de « connaissance par montage » cher à Aby Warburg, dont l’Atlas Mnémosyne est l’une des inspirations.
Présentation du Performascope
Lexique interdisciplinaire consacré au tournant performatif dans la recherche et la recherche-création. Ce site web est une plateforme terminologique destinée à fournir en français et en anglais des éléments d’information et d’illustration contextualisés sur le champ scientifique de la recherche-création. Il a été conçu à l’Université Grenoble Alpes dans le cadre du CDP Idex Performance Lab avec la collaboration de chercheuses, chercheurs et artistes internationaux.
Présentation du projet Dicthéâ
Le projet Dicthéâ est un projet d’édition numérique d’un corpus de 15 dictionnaires et encyclopédies de théâtre allant du Dictionnaire dramatique […] de La Porte et Chamfort paru en 1776 au Langage des planches, vocabulaire des coulisses théâtrales […] d’Hubert Génin paru en 1914. La présentation proposée par Anne Pellois et Maud Ingarao fait état de l’avancée de ce projet, des problème soulevés par cette édition, et des fonctionnalités proposées par l’objet numérique en cours d’élaboration depuis 4 ans.
Présentation du dictionnaire lecorvin.net
Dictionnaire des Registres de la Comédie-Française
https://cfregisters.org/#!/encyclopedie
Les Mots des Registres est un dictionnaire en ligne proposant des définitions relatives à l’environnement administratif, technique, professionnel et culturel des différents registres exploités par le Programme des Registres de la Comédie-Française. Des « chandelles » aux « loges d’acteurs », en passant par les « rôles à manteau », le « frotteur », le « droit des pauvres » et les « voyages à la cour », ce dictionnaire vise à définir les termes rencontrés dans ces registres et à en explorer la richesse via des liens hypertextes. Dirigé par Charlotte Bouteille et Charline Granger, il recèle aujourd’hui près de 200 articles et est amené à s’enrichir encore.