Expositions Virtuelles

Gravures de théâtre
Les estampes Martinet-Hautecœur de la Société d'Histoire du Théâtre

Présentation

La Société d’Histoire du Théâtre conserve dans ses collections environ soixante-dix estampes de la Librairie Martinet à Paris, que nous proposons aujourd’hui de découvrir à travers une exposition virtuelle, dédiée à ces images-témoignages de la scène théâtrale du début du XIXe siècle.

Enquête généalogique sur les gravures Martinet

L’auteur de ces gravures, Aaron Martinet (1762-1841) est graveur, à l’instar de son père François-Nicolas Martinet, graveur du cabinet du Roi, employé aux services des Menus Plaisirs.

Mais Aaron Martinet est aussi, et surtout, un éditeur et un marchand d’estampes. Il ouvre sa librairie en 1796, située 13 et 15 rue du Coq, à Paris. Il la cédera à son gendre Herménégilde-Honorat Hautecœur en 1824, qui la lèguera à son tour à ses fils Eugène et Alfred en 1843. Tous deux, après quelques années de travail en commun sous le nom « Hautecœur Frères », prennent la décision d’ouvrir une librairie chacun de leur côté, rue de Rivoli et rue des Capucines, sous les noms respectifs de « Ancienne maison Martinet » et « Maison Martinet ».

Dès la fin du XVIIIe siècle, grâce aux caricatures qu’il expose dans la vitrine de sa libraire (mais aussi grâce aux travaux de son père[1]), Aaron Martinet gagne en notoriété. Il reprend les travaux de gravure de son père et les prolonge en illustrant les scènes les plus applaudies du théâtre de l’époque.

La plupart des estampes représente des personnages de théâtre, dans des spectacles se déroulant à Paris. Tous les genres de l’époque (tragédie, comédie, vaudeville, drame, opéra, opérette…) sont représentés. La gravure est accompagnée d’une légende, sous forme de titre, qui précise qui est l’acteur dessiné, quel est son personnage, le nom de la pièce et le lieu dans lequel elle est jouée. Le numéro de série de l’impression y est également apposé. Enfin, une tirade (brève) prononcée par le personnage est associée à l’image.

Aucune estampe n’est datée. La seule manière de connaître, même approximativement, les dates de production des gravures, est de regarder l’adresse attribuée à l’image – cette adresse correspondant à l’une des librairies de la famille Martinet-Hautecœur.

Des estampes-témoignages

Ces estampes délivrent des informations multiples sur la mode parisienne, les costumes, les maquillages, les coiffes de scène de l’époque et leur évolution à travers le XIXe siècle, mais aussi sur les gestes, les postures, les mouvements des actrices et des acteurs. Comme le souligne Jean Guerout[2] : « Les deux frères Hautecœur et leurs enfants, exploitant une veine inaugurée par des gravures de François-Nicolas Martinet et continuée par des éditions de son fils Aaron, donnèrent une importance accrue aux recueils de modes, d’uniformes, de costumes et de théâtre ».

Encore aujourd’hui, les travaux de la famille Martinet-Hautecœur permettent  de renseigner les historiens du théâtre comme du vêtement sur la mode et les costumes du théâtre du XIXe siècle, mais aussi sur les postures, les gestes, l’expressivité des actrices et des acteurs. À ce titre, les estampes Martinet participent bien d’une histoire du geste théâtral.

Les artisans de la famille Martinet

Ces estampes permettent enfin de découvrir quels étaient les dessinateurs, graveurs et inventeurs de motifs au service de la Librairie Martinet, grâce aux signatures et abréviations del, sculp et invenit. Del en latin delineavit : le dessinateur, sculp en latin sculpsit : le graveur, inv ou en latin invenit : l’inventeur du motif[3]. Ces dessinateurs, sculpteurs et inventeurs de motifs ne sont pas toujours désignés sur les estampes, parfois un seul nom ou prénom est inscrit en dessous du dessin, ou même seulement une lettre, comme par exemple « F. ». Il est donc délicat de retrouver les artistes ayant réalisé les estampes. Certains noms reviennent très souvent, comme Joly, Maleuvre, Carle, Charles. On ne retrouve que très peu d’informations au sujet de ces artisans, sauf peut être sur A. Garneray, P. L. Debucourt ou encore G. Engelmann. Les autres artisans demeurent pour le moment invisibles après une recherche sur internet et dans les archives – très certainement car ils travaillaient exclusivement pour la famille Martinet.

La fabrique des estampes

La majorité des estampes de théâtre de la SHT sont des gravures effectuées avec des planches en métal, colorisées ensuite à la main (sauf exceptions coloriées avant la gravure) ; seulement deux lithographies, effectuées sur de la pierre, composent le fond conservé par la Société d’Histoire du Théâtre.

On différencie la gravure de la lithographie car les gravures sont réalisées avec des traits très fins, tandis que la lithographie, réalisée avec de l’encre grasse a des traits plus gros. La gravure naît au Moyen-Âge et n’a de cesse de se développer et de multiplier ses techniques (sur bois, métal, pierre calcaire). La gravure représente une part importante des estampes réalisées au XVIIIe et  XIXe siècle, mais est plus difficile à réaliser, et plus onéreuse que la lithographie. La technique de la lithographie est nouvelle au XIXe siècle et très en vogue[4]. Elle permet de reproduire des dessins très facilement, en grand nombre et avec un coût très bas : « Le procédé permet de réaliser une estampe, non en gravant une planche en métal ou en bois, mais en dessinant directement sur une pierre calcaire : il est donc facile à utiliser pour les artistes et, grâce à sa rapidité d’exécution, moins coûteux que les techniques traditionnelles d’impression. »[5]C’est pourquoi la lithographie est le moyen le plus utilisé par les artistes et les artisans de l’époque pour produire « d’innombrables caricatures et gravures satiriques »[6], notamment dans un but politique et polémique. La lithographie dans ce contexte culturel et politique demeure « l’outil de la polémique »[7], utilisée par les libéraux qui caricaturent les royalistes (ce que les royalistes font également en retour).

Quant à eux, les Martinet-Hautecœur restent à l’écart de la production d’images politiques. Leur production visuelle demeure des documents qui témoignent de l’art théâtral de la première moitié du XIXe siècle.

 

Exposition réalisée par Lauriane Hérold, Université Caen Normandie. Coordonnée par Léonor Delaunay.

 

 

 

 

Notes

 

[1] François-Nicolas Martinet (né vers 1725, mort après 1804), graveur du cabinet du roi dès 1756 au moins, travailla pour le service des Menus Plaisirs qui, on le sait, avait notamment dans ses attributions les spectacles de la cour et les théâtres. Mais il grava aussi pour son propre compte : par exemple, il illustra les éditions des œuvres de Rousseau et de Voltaire et la description de Paris entreprise par Béguillet et continuée par Poncelin. Cf. Jean Guerout, Bibliothèque de l’École des Chartes « revue d’érudition publiée par la société de l’École des Chartes », Paris Genève, Librairie Droz, 1971, p. 193-194.

[2] Jean Guerout, Bibliothèque de l’École des Chartes, op. cit., p. 194.

[3] Voir l’article Bibliomab : Le monde autour des livres anciens et des bibliothèques de Léo Mabmacien, 2009 : https://bibliomab.wordpress.com/2009/04/09/la-gravure-qui-fait-quoi/

[4] Voir le site du Musée des Beaux-Arts de Caen pour la technique de lithographie : http://mba.caen.fr/sites/default/files/uploads/pdf/caen-mba-lithographie.pdf

[5] Gervaise Brouwers « La lithographie passée en revues : entre controverses politiques et enjeux esthétiques. », in Revue Sociétés et Représentations, Éditions de la Sorbonne, 2015. <<<

[6] Jean Guerout, op.cit., p. 194.

[7] Revue Sociétés et Représentations, op.cit.

 

Sitographie

https://www.idref.fr/149104758

https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb14656412b

https://books.google.fr/books?

https://www.cairn.info/revue-societes-et-representations-2015-2-page-183.htm#