Des images (gravures, dessins, fusains, photographies, coupures de presse) de spectatrices et de spectateurs recueillies dans les archives de la Société d’histoire du théâtre esquissent un début de typographie du regard sur le public de théâtre, les projections, les empathies comme les apriori auxquels les spectateurs et les spectatrices n’ont cessé d’être soumis. Nous proposons une série d’extraits de textes d’animateurs ou d’auteurs du théâtre populaire ou d’avant-garde, qui, du XIXe siècle à nos jours, ont parlé pour le public, élaborant un système de pensée autour de ses supposées attentes du spectacle théâtral ; mais aussi de textes qui abordent les manières dont on place, dont on assoie le public, debout, au parterre, dans des loges, au balcon… toute la question de l’assise est éminemment politique. Elle réitère le partage entre les différentes classes sociales, en distribuant à chacun·e sa place dans la salle de spectacle, en fonction de son rôle dans la société.
Émotions du public
Romain Rolland, Le Théâtre du peuple
Rire et pleurer, se distraire à des intermèdes, voir le mal en sachant que le bien sera le plus fort, avoir enfin du spectacle pour son argent, voilà les quatre soucis: souci d’émotions variées, de réalisme vrai, de moralité simple, et de probité commerciale mutuelle, que le peuple apporte en passant aux contrôles, et dont il convient que tout auteur dramatique se souvienne, s’il veut faire du « théâtre populaire » proprement dit.
Le public populaire vient au théâtre pour sentir, et non pour apprendre; comme il se donne entièrement à ses émotions, il veut qu’elles soient diverses: car la tristesse ou la gaieté continue tend à l’excès son esprit ; il veut se reposer des larmes dans le rire, et du rire dans les larmes.
Assise et placement
Dictionnaire de la langue française, Émile Littré (1863)
Autrefois, en effet, on ne connaissait pas les fauteuils, et, en dehors des loges, les meilleures places étaient les stalles, stalles qui garnissaient l’orchestre et les rangs de galerie. Mais les administrations théâtrales, pour augmenter la capacité de leurs salles quant à la recette, ne pouvant l’augmenter quant au nombre de places, ont jugé bon de remplacer les stalles d’orchestre et de galerie ou de balcon par des fauteuils dont elles ont considérablement surélevé les prix, et de supprimer presque partout le parterre en substituant aux bancs qui le garnissaient des stalles dites d’orchestre […] C’est ainsi que les petites places ont disparu dans les trois quarts de nos théâtres.