Revue d’Historiographie du Théâtre • N°6 T1 2021
La question nationale dans la dramaturgie québécoise depuis 1980 : parcours d’une doxa
Par Céline Philippe
Résumé
Depuis plus de trois décennies, un discours critique répandu dans plusieurs travaux de recherche stipule que les années 1980 constitueraient un moment de rupture à la suite duquel le théâtre québécois se serait détourné de la question nationale et des enjeux qui y sont associés, afin d’aborder des préoccupations liées à la « vie privée » ou à l’« intime » et à l’« ouverture sur le monde ». Cet article interroge d’abord les conditions de formation et de reconduction de ce discours commun qui en est venu à se constituer en doxa, avant d’en prendre le contre-pied. L’étude s’attarde d’abord à dégager les grandes prémisses au cœur du raisonnement, à partir d’un bref survol de quelques textes représentatifs ayant pu contribuer à son rayonnement. Il apparaît que celui-ci s’est construit sur des présupposés concernant notamment les liens entre le singulier et le collectif, et entre le théâtre et le politique, ainsi qu’au sujet de la pertinence de la question nationale. L’article montre ensuite en quoi les postulats théoriques sur lesquels repose ce discours commun sont contestables et en quoi il y aurait lieu de nuancer, voire d’invalider, ces diagnostics. C’est notamment dans des travaux de sociologues et d’historiens, étudiant la question nationale à partir de l’époque du Canada français – pendant laquelle elle s’est constituée – et interrogeant les traces de cette mémoire dans le Québec contemporain, qu’il est possible de trouver des repères permettant d’observer un rapport à cette question au sein de la poétique d’œuvres des années 1980 et 1990. Il serait ainsi possible d’en étudier les manifestations dans une partie de la dramaturgie québécoise à l’aune d’une forme de continuité plutôt que sous le signe de ruptures et d’exceptions successives.
Abstract
Since the last three decades, a widespread critical discourse in many research works claims that the 1980s represents a turning point in Québécois theater’s history. According to this discourse, from then on, the national question would have been replaced in Québec’s theater, by questions regarding “private or intimate life”, or “opening on the world”. This article studies the genesis of this critical discourse, as well as the factors that contributed to it’s widespread popularity, and presents opposite arguments to show how this discourse is highly debateable. Firstly, the article studies and deconstructs the central arguments of this discourse, by proposing an overview of research works that could have contributed to it’s popularity. This analysis shows that the discourse is built on presuppositions concerning the relations between individuals and collectivity, between theater and politics, and about the validity and relevance of the national question itself. It is then shown that all the main arguments at the basis of this discourse are debateable, even refutable, according to other research works from many other disciplines. It is especially in the works of some sociologists and historians who study Québec’s national question from it’s origins during the “Canada français’” historical period (which ended in the 1960s), and the traces of that heritage in Québec’s contemporary society, that we can find clues and guidelines to study the presence and persistence of that question in plays written in the 1980s and 1990s. The article proposes a method that could allow us to study the relations between a part of Québec’s drama and the national question from the angle of a certain continuity with the past.
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