À compter des années 1630, le théâtre français, devenu professionnel et placé sous la protection royale, se doit d’être honorable. Sa dramaturgie, sa rhétorique et son esthétique se régularisent et la scène affiche son honnêteté. S’impose la convention des bienséances externes (conformité aux mœurs du temps) et internes (cohérence des caractères et vraisemblance des actions) qui nuira au théâtre classique accusé de sacrifier le corps et les passions actoriales. Ce numéro coordonné par Gilles Declercq et Stella Spriet montre inversement de quelle façon ces préceptes ont été – tout en affichant un respect officiel des règles – l’occasion d’intensifier l’innovation dramatique et scénique en prenant appui sur l’imaginaire des spectateurs. Autour des querelles du Cid et de L’École des Femmes, examinant tragédies et comédies, ces études mettent en lumière l’inventivité trop souvent méconnue d’une poïétique théâtrale « sous contrainte ».
Coordination Gilles Declercq et Stella Spriet
Sommaire
Introduction
Gilles DECLERCQ
Bienséance et poïétique théâtrale : histoire d’une tension créatrice
Jean de GUARDIA
« La femme est en effet le potage de l’homme » : la querelle de L’École des femmes et le système de la bienséance
Jean-Marc CIVARDI
La bienséance dans les querelles théâtrales de la première moitié du xviie siècle
Heather KIRK
La querelle du Cid et la critique institutionnalisée : de la calomnie à la diplomatie
Stella SPRIET
La vierge sacrifiée : pudeur et bienséances dans l’Andromède de Pierre Corneille (1650)
Jennifer TAMAS
L’amour des monstres : Jean Racine, ou la pitié pervertie
Jérome LECOMPTE
La bienséance dans la théorie poétique et rhétorique de René Rapin (1659-1687)
Céline CANDIARD
La farce corrigée ? Bienséances et innovation dans la « petite comédie »
Carine BARBAFIERI
De l’art de conserver son honnêteté en regardant des comédies malhonnêtes (ca 1660-1670)