Société d'Histoire du Théâtre

Les collections de la SHT

Inventaire du fonds Théâtre Jeunesse Monde

Fonds Théâtre Jeunesse Monde de la Société d’Histoire du Théâtre, des traces venues des pays suivants Allemagne de l’est, Allemagne de l’ouest, Argentine, Algérie, Australie, Autriche, Belgique , Brésil, Bulgarie, Canada , Chine, Cuba, Danemark, Espagne , Équateur, Finlande, Grande-Bretagne, Grèce, Hongrie, Inde, Iran, Irlande, Israël, Italie, Japon, Java, Liban, Luxembourg, Madagascar, Mexique, Norvège, Pays-Bas, Pérou, Pologne, Portugal , Porto-Rico, Roumanie, Sri Lanka , Suède, Suisse, Tchécoslovaquie, Tunisie, Turquie, Uruguay, URSS, USA, Venezuela, Vietnam, Yougoslavie, Zaïre

Société d'Histoire du Théâtre

Histoire d’une collecte

Collecté par les membres de la Société d’Histoire du Théâtre (SHT) depuis les années 1930, le fonds « Théâtre Jeunesse “Monde” » représente une ressource précieuse pour les acteur·ices de la recherche, de plus en plus nombreux·ses, qui s’intéressent à l’histoire et aux formes du théâtre pour l’enfance et la jeunesse. Cet ensemble documentaire, constitué de 53 boîtes d’archives, a été enrichi par des producteur·ices qui ont fait parvenir de la documentation à la SHT durant plus de soixante ans, des années  1930 à 1995, une année de changement pour la Société d’Histoire du Théâtre.

Léon Chancerel, metteur en scène et animateur du théâtre pour l’enfance, plaide dès les années 1930 l’idée d’un répertoire théâtral spécifiquement destiné aux enfants. Jusqu’à sa mort en 1962, il ne cessera de se battre pour la reconnaissance du théâtre jeunesse en tant que maillon essentiel des politiques culturelles, à l’échelle nationale puis à l’échelle mondiale après guerre.

La reconnaissance de ce pan de l’activité théâtrale prend un nouvel essor après la Seconde Guerre mondiale, quand les pouvoirs publics envisagent la politique culturelle pour la jeunesse comme un rempart contre le retour de la barbarie. On assiste ainsi, en 1957, à la création de l’Association du Théâtre pour l’Enfance et la Jeunesse (ATEJ), puis en 1960, à l’ouverture du Théâtre des Jeunes Années de Maurice Yendt. En 1965, on crée l’Association Internationale du Théâtre de l’Enfance et de la Jeunesse (ASSITEJ). Ces trois structures sont étroitement liées, voire intriquées, à la SHT, par le biais de Léon Chancerel, de Maurice Yendt et de Rose-Marie Moudouès, la cheville ouvrière de la SHT des années 1940 aux années 2010. L’inventaire présenté ici fait donc émerger des figures et des gestes de collecte méconnus jusqu’ici.

Outre l’envoi à Léon Chancerel d’articles à publier dans ses propres revues dramatiques (Bulletin des Comédiens Routiers, Art dramatique, Bulletin du Centre d’études et de représentations dramatiques, Cahiers d’Art dramatique, Bulletin d’information et de liaison, etc.), la majeure partie des archives de ce fonds sont liées à l’ASSITEJ. Les compagnies, les institutions théâtrales et les centres nationaux de 49 pays ont  ainsi adressé de la documentation théâtrale vers les autres antennes du réseau ASSITEJ, dans une optique publicitaire, informative ou scientifique.

Rose-Marie Moudouès est élue Secrétaire Générale de l’ASSITEJ de 1965 à 1989, en même temps qu’elle conserve son rôle d’ingénieur détachée par le CNRS au sein de la SHT. Cette configuration a permis d’enrichir le Fonds Théâtre Jeunesse « Monde » de la SHT et de collecter des documents de natures diverses. Les boîtes d’archive abritent des programmes de spectacles, des programmations de saison de théâtres, des dossiers de presse, des comptes-rendus de colloques, des affiches, des manuscrits, des traductions d’articles scientifiques, des critiques de spectacles parues dans la presse internationale, des brochures et communiqués publicitaires…

Contours méthodologiques
L’inventaire s’appuie sur le plan de classement des documents collectés par les équipes successives de la SHT jusqu’au milieu des années 1990. Il se compose de trois niveaux : les boîtes, les chemises et les sous-chemises. Le travail d’inventaire n’a donné lieu à aucune migration et à aucun tri des archives. La répartition des boîtes est d’ordre alphabétique et géo­gra­phi­que, et fonctionne par pays. Certains sont réunis dans une seule et même boîte, si peu d’archives ont été collectées, comme pour la boîte « Tunisie Turquie Uruguay », qui compte seulement un courrier par pays. Les chemises et sous-chemises contenues dans les boîtes sont parfois classées selon une logique chronologique, et présentent un ensemble de documents reçus sur une période donnée. Certaines chemises et sous-chemises répondent plutôt à une logique thématique, et regroupent alors tous les documents envoyés par les équipes d’un festival, d’une compagnie, d’un lieu théâtral spécifique.

L’inventaire reprend la dénomination originale, qui reflète l’époque du classement : des documents envoyés depuis Taïwan sont rangés dans la boîte « Chine/Cuba », d’autres sont conservés dans une chemise nommée « URSS » après 1991 ; on trouve trois boîtes concernant la « Tchécoslovaquie », trois autres pour la « Yougoslavie », une concernant le « Zaïre », etc. La documentation est souvent « truffée » par les corrections et les commentaires d’appréciation de Léon Chancerel et de Rose-Marie Moudouès, qui accompagnent les articles scientifiques et les programmes de spectacles : « Très bon ! », « Ne m’emballe pas ! J’ai dormi !… Il paraît que « ça » accroche auprès des enfants… », « Paraît intéressant / Oh ! que non ! de l’histoire collective sans parole ». Le caractère sensible de ces archives est également lié à la nature de certains documents. Des lettres d’amitié adressées à Rose-Marie Moudouès, quelques notes de lecture et de travail, des cartes d’hôtel, des cartes postales vierges et des brochures touristiques de villes racontent les visites qu’elle fait dans le cadre d’événements ASSITEJ. En filigrane, la présence de la discrète Rose-Marie Moudouès s’impose. Sa période d’activité est coextensive de la phase d’accroissement du fonds : les années qui entourent sa prise de poste en tant que Secrétaire Générale de l’ASSITEJ sont les mieux représentées, et les documents ne sont plus collectés à partir de 1995, quand elle prend sa retraite.

L’inventaire rend compte de la datation des documents par la main de Rose-Marie Moudouès, qui a crayonné sur le coin supérieur droit l’année de réception ou de création du document. Certaines annotations s’accordent avec les dates mentionnées sur l’archive (date de première d’un spectacle sur un programme ou une invitation, année d’impression, etc.). D’autres suppléent l’absence d’information temporelle dans le document. Il est difficile de savoir dans quel cadre ce travail de datation a été effectué, ou quel crédit on doit lui porter. Rose-Marie Moudouès s’appuie sans doute sur ses souvenirs : une partie des dates crayonnées sont accompagnées de points d’interrogation. L’inventaire les reproduit.

La nomenclature présentée ci-dessous permet de se représenter ce que l’on peut attendre d’un document inventorié avant de se le voir communiquer. Elle a été établie pour correspondre aux types de documents les plus représentés dans le fonds. Le degré des informations transcrites dépend de la nature des documents. Pour les programmes de spectacle, l’année de représentation et les titres ont été quasiment systématiquement retrouvés et reportés – traduits seulement dans le cas des langues à alphabet non latin, faute de pouvoir les tapuscrire. L’inventaire référence les dates des programmes de saison des institutions théâtrales et des festivals ; les expéditeurs des courriers ; les numéros des revues et journaux ; le titre des catalogues, des brochures et des articles (scientifiques et journalistiques). Pour les photographies, la date et le sujet de la prise de vue sont précisés lorsqu’elles ont été légendées, mais c’est le cas seulement pour une partie congrue de la catégorie. Les photographies de mises en scène sont particulièrement mal référencées – on ignore généralement le titre du spectacle photographié et la compagnie qui le présente.

Usages possibles

Cet ensemble hétérogène pourrait servir de source pour l’historiographie globale du théâtre jeunesse, qui a eu tendance à s’étudier uniquement à échelle nationale depuis les années 1970.

Ouvrir un chantier de dépouillement et d’inventaire systématique de ce fonds permet de dresser un état des lieux de circulations qui se sont mises en place à l’échelle du monde depuis les années 1930.

Ces archives permettent de battre en brèche les préjugés concernant ce secteur dramatique. Les programmes de spectacles (1955 à 1992) attestent du développement constant du répertoire mondial pour l’enfance, qui est loin de se cantonner à une mise en scène prudente des contes ou des classiques nationaux. Une étude transversale de cette masse conséquente pourrait permettre d’identifier des tendances et les invariants dramaturgiques de l’enfance (textes sources, personnages, thèmes, dispositif dialogique,…). En parallèle, des travaux en silos, concentrés sur des échantillons plus petits, pourraient renseigner sur les orientations textuelles (thème, dramaturge, genre, traduction,…) propres à un territoire, à un bloc, à une aire, à une entité culturelle, à une institution, à une compagnie, etc. Cela pourrait se soutenir d’un travail sur les programmes de saison d’institutions théâtrales (1958-1995), afin de circonscrire une partie des traditions et des révolutions esthétiques propres à différentes histoires du théâtre jeunesse.

Par ailleurs, la vigueur des échanges entre les différents pays émetteurs suggère que le théâtre jeunesse a permis de fédérer les acteurs culturels par-dessus ou en deçà des conflits mondiaux, dans l’esprit onusien d’après-guerre. Les archives montrent par exemple que les contributeurs des blocs de l’ouest et de l’est n’ont jamais cessé de dialoguer durant la Guerre froide, et que les pays ayant acquis leur indépendance ont renoué le contact avec les anciennes métropoles sur le terrain du théâtre d’enfance. Les traces documentaires des colloques, des tournées et des festivals internationaux permettent de remonter le fil d’une géopolitique culturelle souterraine. L’analyse croisée des dates et des volumes des unités de classement (nombre de documents par boîte) pourrait permettre de dater, de quantifier et de raconter l’histoire d’échanges culturels entre différents acteurs (étatiques, artistiques, scientifiques) – leur genèse, leur renforcement, leur tarissement, leur rupture. La comparaison des dates extrêmes des ensembles d’archives dit quelque chose de l’importance du théâtre jeunesse dans un pays ; des relations de proximité ou d’éloignement qu’il entretient avec la France ou l’ASSITEJ ; d’un statut choisi ou subi de liminarité ; des formes prises par une politique ou un mouvement culturel pour l’enfance, etc. Comment comprendre que les dates extrêmes des boîtes « Grande-Bretagne » couvrent soixante ans d’histoire, alors que la chemise « Madagascar » ne concerne que l’année 1990 ?

La prise en compte de la langue des documents permettrait aussi de les rattacher à leur contexte de création ou de récolte. La traduction des matériaux textuels en français, anglais et russe est un principe de fonctionnement inclusif au sein de l’ASSITEJ. Le maintien de la seule langue source peut suggérer que le document a été envoyé sans transiter par un centre national ASSITEJ ; qu’il a été collecté in situ ou que sommeille des enjeux politiques dans l’usage de la langue, comme dans le cas des programmes sérigraphiés en vietnamien.

Étudier le volume d’émission d’un document pourrait aussi révéler quelque chose de l’intention des producteur·ices des archives, ainsi que leur représentation du rôle du centre français ASSITEJ et de la SHT. Le Teatro para niños Arlequin de Murcie (Espagne) envoie au siège de la SHT pas moins de vingt programmes de La Princesita Piel de Asno et d’El nido pirata en 1964 ; la compagnie japonaise Silhouette Théâtre lui fait parvenir plus d’une dizaine de tickets pour un spectacle et, en 1970, le Théâtre de Marionnettes d’État Pinokio (Pologne) lui confie une grosse vingtaines de fanions colorés, en l’honneur de ses vingt-cinq ans d’existence. Ces compagnies devaient ainsi espérer que le centre français de l’ASSITEJ fasse un travail de diffusion de leur matériel publicitaire, là où, par exemple, les programmes (1973, 1974, 1975) des Rencontres Internationales du festival de Bayreuth, envoyés en un exemplaire, semblent seulement avoir une visée plus strictement informative. Pour ce qui est

L’inventaire du fond jeunesse « monde » de la SHT pourra ainsi permettre aux agents de la recherche de s’orienter dans un ensemble documentaire inédit pour enrichir l’historiographie globale du théâtre jeunesse. Il pourra servir à développer des analyses transversales concernant l’évolution des formes esthétiques aussi bien que la réception enfantine ou les politiques culturelles pour l’enfance.

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