Revue d’Histoire du Théâtre • N°299 T2 2024
Cahiers Théâtre/Archives • N°2 T3 2022
Collection Théâtre/Archives
Cahier n°2 André Benedetto
144 pages
11 euros
ISBN : 979-10-94971-29-1
Cahiers Théâtre/Archives • N°2 T3 2022
Un cahier d’images, de croquis, de lettres, de poèmes, de textes de théâtre, de manifestes, de pensées et de réflexions à plusieurs voix pour parler du travail d’André Benedetto, des traces matérielles, sensibles et politiques qu’il a laissées, et de ce que nous en faisons.
La naissance de l’acteur-loup
André Benedetto
Écrits, croquis, esquisses… traces du travail théâtral
Porte-folio
Avant-propos
Joël Huthwohl
Écrire et jouer. La pratique théâtrale d’André Benedetto à travers ses archives
Lenka Bokova
Une compagnie dans la ville. Des murs et leurs contraintes
Kévin Bernard
« Mai nous a montré nos rêves […] et nous a tout repris ». Théâtre des Carmes : Chronique 1968
Émeline Jouve
Le théâtre et son dédoublement. Benedetto, penseur du théâtre politique
Olivier Neveux
Jean Vilar, fondateur du Festival d’Avignon, le « in », André Benedetto, fondateur du Festival d’Avignon, le « off », c’est ainsi qu’apparaît de prime abord le diptyque qui ouvre cette nouvelle collection de la Revue d’histoire du théâtre, consacrée aux archives et à la mémoire du théâtre.
De même que le premier cahier révélait des facettes moins connues de Vilar, en particulier dans son rapport à l’écriture, le second donne à voir différentes facettes du parcours d’André Benedetto. Auteur, metteur en scène, directeur de théâtre, animateur et comédien, André Benedetto est né à Marseille en 1934 et disparaît à Avignon, sa ville d’adoption, durant le festival en 2009. Il se destine d’abord au métier d’instituteur et pratique le théâtre durant des stages d’été, auprès notamment de Gabriel Monnet, l’un des pionniers de la décentralisation dramatique. En 1961, il fonde avec Jacqueline, son épouse, et Bertrand Hurault, La Nouvelle Compagnie d’Avignon, qui s’installe dans une ancienne salle de cinéma paroissiale. Elle devient bientôt le Théâtre des Carmes. Outre des textes classiques de Tchekhov ou Eschyle, il y met en scène des contemporains comme Beckett et Arrabal et crée sa première pièce, Le Pilote Hiroshima. C’est le début d’une œuvre et d’une aventure théâtrale et politique qui dura près de cinquante ans. Conséquence la plus remarquable de cette irruption d’une nouvelle troupe à Avignon : la naissance, involontaire à l’origine, du Festival Off en 1966, à la faveur de la mise en scène par André Benedetto de Statues, première pièce jouée pendant le festival hors programmation officielle. Benedetto devient ensuite un des piliers de ce phénomène à l’expansion inattendue. Quant à son œuvre dramatique, elle compte plus de 65 pièces où domine une dimension combattante, d’inspiration révolutionnaire et habitée par les espérances communistes, puis, à partir des années 1980, marquée par la veine occitane. De Napalm (1968), en écho direct avec la guerre du Vietnam, au Jeune homme exposé (2002), autour de la mort du jeune Carlo Giuliani lors des manifestations de Gênes contre le sommet du G8, l’œuvre de Benedetto, tout en questionnant sans cesse le concept de l’engagement et en demeurant profondément poétique, embarque le spectateur dans un théâtre de subversion, un théâtre de guérilla, où se croisent des anonymes comme dans Le Petit train de monsieur Kamodé, grand jeu politique sur la kapitalisme monopoliste d’Etat (1969), Emballage. Alexandre Zacharie, l’homme qui ne possède rien que lui-même et qui se vend, ou des figures historiques, Che Guevara (Zone rouge, feux interdits, 1969), Rosa Luxembourg (Rosa Lux, 1970) ou Jean Jaurès (Jaurès la voix, 1984).
L’activité publique foisonnante de Benedetto ne se limite pas pour autant aux représentations dans les murs du Théâtre des Carmes. La revue Soirées, par exemple, diffuse textes théoriques et manifestes auprès de ses lecteurs et lectrices. Benedetto et ses proches participent par ailleurs à de nombreuses manifestations publiques, protestations, soutien aux grévistes, organisation de parades ou de lectures dans les rues d’Avignon – une action, un activisme politique et social qui ne se cantonne jamais à la salle de théâtre.
De ses textes, ses mises en scène, ses manifestes, cette œuvre abondante à l’écoute des gens, de la société, de son histoire, de sa carrière artistique et militante, il restait au moment de sa disparition de nombreuses traces. Sa famille les a généreusement donné à l’antenne avignonnaise de la Bibliothèque nationale de France – la Maison Jean Vilar. Lenka Bokova, actrice de ce processus aux côtés de Frances Ashley, compagne d’André Benedetto, témoigne dans ce numéro de la manière dont les boîtes de l’atelier de création de Benedetto sont devenues des archives publiques ouvertes à la recherche. Associées à la documentation déjà constituée, elles ont d’ores et déjà été la source de premières recherches notamment celles de Kevin Bernard. Poursuivant sa réflexion plus globale sur les lieux de spectacle à Avignon, ce dernier part de la situation atypique du « mur » du Théâtre des Carmes, qui a longtemps séparé scène et salle, pour observer la place de la « Compagnie dans la ville » et explorer ses actions menées extra-muros, en dialogue avec les habitants. Le désir d’interpeller la société, d’inciter le public à s’interroger sur les forces politiques et économiques qui l’environnent, apparaît aussi dans les prises de paroles et prises de position de Benedetto dans les années qui ont précédé mai 1968 dont son activisme a été précurseur. Exploitant notamment les archives de La Nouvelle Compagnie d’Avignon encore conservées au Théâtre des Carmes, Émeline Jouve considère les discours de Benedetto à la lumière des rapports conflictuels entre le Festival de Vilar, la municipalité, la troupe du Living Theatre et les spectateurs présents en juillet 68 à Avignon, et nous emmène à l’heure du bilan de 68 dans son article « Mai nous a montré nos rêves […] et nous a tout repris. ».
Olivier Neveux étoffe et conclut ce numéro par une grande traversée de la vie et de l’œuvre de Benedetto, plongeant en profondeur dans les concepts qu’il a interrogés, dans les contradictions revendiquées, dans le questionnement sur le jeu de l’acteur, dans les racines brechtiennes de sa dramaturgie, dans son humour et sa poésie, et dresse un portrait de « Benedetto, penseur du théâtre politique ». Il montre au fil des pages la richesse de son parcours et combien il est fécond de s’y pencher aujourd’hui. Ce dernier texte illustre parfaitement l’ambition de ce modeste volume qui n’est en rien un point final au travail d’André Benedetto mais qui, au contraire, se veut une invitation – à travers les multiples traces qu’il reste de son travail – à redécouvrir, pour l’analyser et la faire revivre, une œuvre théâtrale majeure et une action dont la vigueur nous donne forces et idées pour vivre le théâtre dans la société d’aujourd’hui.
Ni la cloison entre scène et salle du Théâtre des Carmes, ni les remparts d’Avignon n’ont arrêté André Benedetto. Son œuvre est une claire et vive invitation à faire tomber les murs.
Joël Huthwohl
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