Revue d’Historiographie du Théâtre • N°7 T2 2021
Introduction – État des lieux d’une recherche
Par Anne Pellois
Résumé
Apparus au XVIIIe siècle dans le sillage de l’Encyclopédie, les dictionnaires de théâtre se sont multipliés au cours du XIXe siècle, dessinant pour les arts de la scène une nomenclature spécifique, de plus en plus orientée vers les pratiques. Ce numéro réunit les premiers travaux élaborés dans le cadre du projet DicThéa, consacré à l’édition numérique et à l’étude de quinze dictionnaires de théâtre parus en France entre 1776 et 1914. Il conjugue deux types d’approches complémentaires : les études centrées sur un ensemble éditorial précis, abordé dans sa spécificité ; et les études diachroniques de certaines entrées ou occurrences de termes dans l’ensemble du corpus, afin de faire apparaître des évolutions notables dans la pensée de l’art.
Texte
Il n’y a qu’une chose à faire d’un dictionnaire, le refaire[1].
Les dictionnaires et encyclopédies de théâtre des XVIIIe et XIXe siècles constituent un corpus passionnant pour qui s’intéresse à l’histoire des pratiques scéniques. Visant à proposer une nomenclature, une « langue de l’art », ces volumes, qu’ils adoptent le point de vue des coulisses, des connaisseurs, des artistes, ou qu’ils se structurent sur le fantasme d’une saisie surplombante et totalisante des phénomènes scéniques et théâtraux et de leur histoire, constituent un terrain d’investigation fécond afin de contribuer à dresser un état de l’art et de ses pratiques, pour peu qu’ils soient appréhendés dans leurs contextes et dans leurs spécificités éditoriales.
Sacrifiant au goût de la classification et de la description qui anime les entreprises encyclopédiques ou la constitution des dictionnaires, cher au XIXe siècle et impulsé par le canon que constitue l’Encyclopédie de Denis Diderot et Jean Le Rond d’Alembert, ces ouvrages sont plus ou moins touffus, allant de la petite brochure à glisser dans la poche au gros livre illustré, quand ils ne comptent pas plusieurs volumes. Ils proposent des types de discours spécifiques qui cultivent des liens complexes, et par là passionnants, d’une part avec la notion d’objectivité et d’autre part avec le rapport de contemporanéité problématique qu’ils instaurent avec l’art décrit. La visée descriptive propre à la constitution de toute nomenclature est souvent associée à une tonalité normative et prescriptive, parfois moralisante, qui brouille la relation avec les pratiques réelles du jeu, quand celle-ci n’est pas, dans certains dictionnaires associés par leurs titres aux secrets de coulisses, complètement dévoyée par le ton satirique de la moquerie, voire de la calomnie. Leur contemporanéité par rapport aux pratiques de leur époque est quant à elle remise en cause par la multiplicité des emprunts à des ouvrages antérieurs, soit d’autres dictionnaires, soit des traités ou histoires du jeu, quand il ne s’agit pas de plagiats purs et simples, ce qui a pour conséquence de faire réapparaître des pratiques décrites cent ans auparavant.
Ce sont précisément ces caractéristiques qui rendent plus complexes, et moins naïfs qu’il n’y paraît, ces objets spécifiques, donnant aux chercheurs et chercheuses qui s’intéressent à l’histoire des arts de la scène un formidable terrain d’études, à la fois d’un point de vue historiographique – quels sont les éléments sur lesquels s’appuyer pour écrire l’histoire de ces pratiques d’une part, et comment cette histoire s’écrit-elle tout au long de ce corpus d’autre part ? – et d’un point de vue historique – est-il possible de trouver dans ces ouvrages des informations sur les modes de jeu, les scénographies, les dramaturgies, les techniques scéniques, les fonctionnements administratifs des théâtres ?
Description du corpus
Le corpus sur lequel nous travaillons s’est constitué petit à petit. Une première série de huit ouvrages a constitué le support d’une exploration initiale en séminaire à l’École normale supérieure (ENS) de Lyon à partir de 2012, puis en 2013-2014[2]. Ce premier corpus était constitué de volumes qui partagent la caractéristique d’adopter un classement alphabétique de termes permettant de décrire les pratiques théâtrales. En faisaient donc partie des ouvrages qui ne portent pas explicitement le titre de dictionnaire ou encyclopédie, mais qui en suivent la structuration par entrées ; ils constituent un lexique. D’emblée, ont été exclus tous les dictionnaires de théâtre qui ne comportent pas d’entrées lexicales : ceux listant exclusivement des œuvres, des directeurs et gens de théâtre, des acteurs et actrices[3]. Ce corpus était dans un premier temps circonscrit au seul XIXe siècle.
À partir de 2017, nous avons constitué une équipe de chercheurs et chercheuses en histoire du théâtre[4]. Ce collectif, compte tenu de l’ampleur du travail et de l’étendue du corpus, est apparu comme une nécessité tandis que l’appel à différents spécialistes permettait d’embrasser plus largement l’ensemble des objets abordés par ces dictionnaires et de quitter la seule perspective du jeu, qui était l’entrée initiale dans ce corpus. Chacun et chacune arrivant avec ses propres champs de recherche, la constitution de l’équipe a permis de multiplier les angles d’étude. Le projet, baptisé « DictThéa », s’est alors engagé dans une double perspective : effectuer un premier volet de recherches sur ce corpus spécifique pour en déterminer les caractéristiques et voir en quoi et comment celui-ci pouvait renseigner et écrire l’histoire des pratiques scéniques ; penser et élaborer une édition électronique du corpus à destination de la communauté scientifique. Parce qu’une première étude de ces dictionnaires avait montré l’importance d’emprunts substantiels – nous reviendrons sur ce point – à des textes du XVIIIe siècle, nous avons également décidé d’y adjoindre les entrées lexicales du Dictionnaire dramatique contenant l’histoire des théâtres, les règles du genre dramatique, les observations des maîtres les plus célèbres et des réflexions nouvelles sur les spectacles de Joseph de La Porte et Sébastien-Roch-Nicolas de Chamfort, premier dictionnaire de théâtre proposant de telles entrées en plus de ses notices d’œuvres, et d’étendre ainsi l’empan chronologique du corpus, qui s’étale de 1776 à 1914. Les recherches des un·e·s et des autres ont mis au jour quelques volumes supplémentaires qui s’intègrent au fur et à mesure au corpus après un premier examen. À ce jour, celui-ci est constitué de quinze ouvrages, allant de la simple affiche à des éditions plus conséquentes en plusieurs volumes[5], liés pour certains par le procédé de la réédition, ou, quand cette dernière n’est pas explicite et le geste d’emprunt par trop massif et systématique, par le plagiat, même si cette pratique, nous le verrons, est à relativiser dans le contexte d’éditions de dictionnaires.
Voici ce corpus par ordre chronologique de parution :
– La Porte, Joseph de, et Chamfort, Sébastien-Roch-Nicolas de, Dictionnaire dramatique contenant l’histoire des théâtres, les règles du genre dramatique, les observations des maîtres les plus célèbres et des réflexions nouvelles sur les spectacles, Paris, Lacombe, 1776, 3 tomes.
– Annales dramatiques ou dictionnaire général des théâtres, par une société de gens de lettres [Babault, A.-P.-F. Ménégault et autres], Paris, Babault éditeur, 1808-1812, 9 volumes.
– Aristippe, Art du comédien, principes généraux recueillis et mis en ordre par Aristippe, Paris, L. Raymond, 1819, une planche.
– Harel, François-Antoine, Dictionnaire théâtral ou douze cent trente-trois vérités sur les directeurs, régisseurs, acteurs, actrices et employés des divers théâtres, Paris, J. N. Barba Libraire, 1824, 1825, 324 p.
– Dumersan, Théophile Marion, Manuel des coulisses, ou guide de l’amateur, Paris, Bézou, 1826, 141 p.
– Aristippe, Théorie de l’art du comédien ou manuel théâtral, Paris, A. Leroux éditeur, 1826, 616 p.
– Dictionnaire des coulisses ou vade mecum à l’usage des habitués des théâtres contenant une foule d’anecdotes et de révélations piquantes sur les acteurs, les actrices, les auteurs, les directeurs, les régisseurs et en général sur tout le personnel composant le monde dramatique, Paris, Dezauche, 1832, 150 p.
– Jacques le Souffleur, Petit Dictionnaire des coulisses, Paris, dans tous les théâtres, 1835, 95 p.
– L’Indiscret, souvenirs des coulisses, Paris, Bureau des éditeurs, 1836, 138 p.
– Aristippe, Manuel théâtral et du comédien, Paris, Encyclopédie Roret, 1854, 411 p.
– De Bussy (ou Marchal), Charles, Dictionnaire de l’art dramatique à l’usage des artistes et des gens du monde, Paris, Achille Faure, 1866, 417 p.
– Bouchard, Alfred, La Langue théâtrale : vocabulaire historique, descriptif et anecdotique des termes et des choses du théâtre, suivi d’un appendice contenant la législation théâtrale en vigueur, Paris, Arnaud et Labat, libraires-éditeurs, 1878, 407 p.
– Pougin, Arthur, Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’y rattachent : poésie, musique, danse, pantomime, décor, costume, machinerie, acrobatisme…, Paris, Firmin Didot, 1885, 799 p.
– Béquet, C. M. Edmond, Encyclopédie de l’art dramatique, Paris, chez l’auteur, 1886, 440 p.
– Genin, Hubert, Le Langage des planches, vocabulaire des coulisses théâtrales, explications et anecdotes, préface de Firmin Gémier, Paris, Comœdia, 1914.
Un premier état de la recherche montre que très peu d’études ont été faites sur les dictionnaires de théâtre en général, du moins en français, et sur ce corpus en particulier. L’article de Michel Corvin cité en exergue constitue une mine de pistes permettant d’aborder l’objet « dictionnaire de théâtre ». Les travaux relatifs, plus largement, aux dictionnaires ou encyclopédies, que nous avons encore à explorer, comme ceux d’Alain Rey[6] ou de Christophe Rey[7], fournissent des éléments de réflexion propres à nous aider, d’une part à contextualiser ces démarches, et d’autre part à les discriminer d’autres types d’organisation des savoirs adoptés par des dictionnaires sur des sujets différents. Pour le reste, les travaux consacrés aux dictionnaires de théâtre se concentrent pour la plupart sur un titre en particulier[8].
Caractéristiques du corpus
Emprunts et plagiats
Le classement adopté, par ordre chronologique, commode dans un premier temps, ne doit pas cacher des liens éditoriaux forts entre certains volumes qui remettent en cause cette organisation. Ainsi par exemple, les trois ouvrages d’Aristippe correspondent à trois états successifs d’un même travail, largement augmenté entre la planche de 1819 et le dictionnaire de 1826, et fortement remanié dans l’édition Roret en 1854. Le premier document, Art du comédien, principes généraux recueillis et mis en ordre par Aristippe, que nous avons trouvé à la bibliothèque de l’Arsenal (Paris), se présente sous la forme d’une affiche contenant 31 entrées[9]. La Théorie de l’art du comédien ou manuel théâtral est, elle, un volume de 616 pages composé de 50 pages de textes préliminaires[10], d’un lexique de 164 entrées qui court sur 440 pages, d’un ensemble de 65 pages de textes hétéroclites classés en trois parties[11], d’une bibliographie de 14 pages comprenant 20 ouvrages et une quinzaine de titres de journaux et revues, d’un index des noms cités et d’une table des matières des entrées. La composition de la réédition en manuel Roret[12] en 1854, sous le titre Manuel théâtral et du comédien, est encore plus complexe. La part du lexique à proprement parler tombe à moins de la moitié de l’ouvrage (146 pages sur 336 hors bibliographie, index et table des matières), là où elle composait plus des deux tiers de l’édition de 1826. Cette réduction est due à une réorganisation thématique de l’ouvrage qui tend vers l’exposition des contenus sous forme de méthode raisonnée plutôt que de dictionnaire[13].
Si ces liens de réédition sont faciles à percevoir puisque le nom de l’auteur est repris, moins visibles au premier coup d’œil sont les phénomènes de plagiat qui lient ce premier ensemble éditorial à deux autres volumes de la liste, le Dictionnaire de l’art dramatique à l’usage des artistes et des gens du monde, paru en 1866 et signé Charles De Bussy (ou Marchal selon les notices), et l’Encyclopédie de l’art dramatique, publiée en 1886 par C. M. Edmond Béquet. Or, ces deux ouvrages sont des rééditions quasiment à l’identique des volumes d’Aristippe[14]. Les préfaces sont quant à elles différentes et permettent à « l’auteur » d’exprimer le projet éditorial et d’endosser la paternité du livre.
Ainsi, ce premier ensemble de cinq volumes, couvrant une bonne partie du XIXe siècle, de 1819 à 1886, procède très largement d’une même matrice. Cette caractéristique influe forcément sur l’étude diachronique des termes dans l’ensemble du corpus constitué des quinze dictionnaires et questionne l’adéquation des pratiques décrites avec celles contemporaines de tel ou tel volume constituant ce sous-corpus de cinq ouvrages. Que signifie cette réédition ? Que les pratiques n’ont pas évolué au cours du siècle ? Ou bien qu’elles s’accommodent de formulations identiques et se modifient au contact des réalités scéniques ? Que les canons durent plus que leur mise en œuvre effective ? Le même phénomène est à l’œuvre entre le Dictionnaire dramatique de La Porte et Chamfort, paru en 1776 en trois volumes, et les Annales dramatiques ou dictionnaire général des théâtres, parues en neuf tomes entre 1808 et 1812, qui reprennent quasi à l’identique les notices consacrées aux notions.
À ce premier effet de circulation diachronique entre les volumes s’ajoute un second phénomène : la pratique de la compilation, qui complexifie un peu plus l’étude de ces ouvrages et leur ancrage temporel. L’écriture d’un dictionnaire ou d’une encyclopédie, à partir du moment où son objectif est de constituer la somme des savoirs disponibles sur une pratique donnée, use traditionnellement d’une modalité de composition spécifique, plus ou moins affichée, consistant à rassembler ces savoirs : jusqu’au XVIIIe siècle inclus, la compilation était le mode privilégié d’organisation des connaissances, aussi bien dans les méthodes pédagogiques – les élèves étaient encouragés à noter, dans des recueils de lieux communs classés alphabétiquement, les extraits de textes qu’ils jugeaient utile de retenir sur un sujet donné – que dans la constitution d’ouvrages savants. La pratique, commune et admise, ne s’accompagnait souvent d’aucune mention des auteurs originaux des passages utilisés.
C’est de cette démarche que procède en particulier le Dictionnaire dramatique de La Porte et Chamfort publié en 1776. Au XIXe siècle, la pratique ne disparaît pas : si certains ouvrages, comme le Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’y rattachent : poésie, musique, danse, pantomime, décor, costume, machinerie, acrobatisme…, d’Arthur Pougin ou encore l’Aristippe de 1826, contiennent une bibliographie touffue et affichent explicitement leurs sources et leur caractéristique de compilation[15], si des citations explicitement identifiées comme telles par des guillemets et la mention de la référence citée émaillent de nombreuses entrées, un grand nombre d’emprunts ne sont pas explicitement mentionnés, et contribuent, par collages successifs, à augmenter une entrée, parfois au détriment de la cohérence du discours proposé[16]. Une rapide étude de la planche qui constitue le premier état du manuel d’Aristippe, publiée en 1819, permet de constater que si certaines sources sont tout à fait assumées[17], les notices sont faites d’emprunts de natures très diverses qui ne figurent pas tous dans la liste des sources, comme par exemple ceux à Voltaire, à des traités d’art oratoire – y compris de rhétorique sacrée –, à des cours et traités de déclamation, mais aussi à des précis de grammaire et d’orthographe ! Dans ces catégories, ce sont surtout les deux premières qu’Aristippe revendique et assume explicitement : elles sont garantes de la légitimité (intellectuelle et artistique) et de la modernité de l’ouvrage[18]. Cette pratique de compilation est commune, en plus ou moins grande proportion, à l’ensemble du corpus.
Dans l’état actuel de nos recherches et des outils connus, la détection de ces emprunts ne peut se faire que dans des corpus déjà numérisés et de manière artisanale, à l’aide de sondes dans le texte étudié et d’explorations via un moteur de recherche. L’étude d’un certain nombre d’entre eux effectués sur le La Porte et Chamfort et l’Aristippe montre la persistance de références aux traités, histoires et anecdotes des périodes antérieures. Ce dernier phénomène, associé à celui des rééditions et plagiats décrit plus haut, questionne encore plus l’adéquation de ces objets aux pratiques de leurs époques. D’une certaine manière, le corpus semble s’autogénérer, en perpétuant des descriptions d’un art de la scène qui semble immuable, rendant apparemment très problématiques des études diachroniques pertinentes en lien avec les pratiques contemporaines aux ouvrages.
Projets éditoriaux et auteurs
Avant de se pencher plus avant sur la possibilité d’utiliser ce corpus de manière diachronique, deux autres grandes questions liées à la nature spécifique de ces ouvrages se posent. Le processus de production de ces différents volumes doit être exploré : qui les a écrits, pour qui, et dans quelles conditions ? La dimension de compilation, voire de plagiat, ne doit pas cacher la variété des projets : quelles sont alors les stratégies éditoriales de ces objets ?
Plus ancien ouvrage de notre corpus, et le seul à être paru au XVIIIe siècle, le Dictionnaire dramatique de La Porte et Chamfort occupe une place à part dans cet ensemble : conformément à l’approche alors dominante appliquée aux spectacles depuis le XVIe siècle, il se consacre principalement aux aspects historiques et poétiques des arts de la scène, en donnant la part belle aux auteurs canoniques et à la culture classique. Il forme, avec les Annales dramatiques qui lui empruntent largement ses entrées lexicales, le premier ensemble de dictionnaires.
Un deuxième ensemble rassemble les dictionnaires dits « des coulisses », que Pougin qualifie dans sa préface de « fantaisistes[19] », dont l’objectif est de montrer aux amateurs, aux connaisseurs, mais aussi au grand public, l’envers du décor. Cet ensemble, présentant généralement des volumes de dimensions assez modestes (entre 100 et 150 pages), comporte le Manuel des coulisses, ou guide de l’amateur de Théophile Marion Dumersan, le Dictionnaire des coulisses ou vade mecum à l’usage des habitués des théâtres contenant une foule d’anecdotes et de révélations piquantes sur les acteurs, les actrices, les auteurs, les directeurs, les régisseurs et en général sur tout le personnel composant le monde dramatique édité chez Dezauche, le Petit Dictionnaire des coulisses de Jacques le Souffleur et L’Indiscret, souvenirs des coulisses paru sans nom d’auteur. On pourrait y ajouter certaines entrées ou anecdotes de l’ouvrage de François-Antoine Harel, Dictionnaire théâtral ou douze cent trente-trois vérités sur les directeurs, régisseurs, acteurs, actrices et employés des divers théâtres, qui ne rechigne pas au colportage de ragots sur la vie de certains comédiens en particulier, mais surtout des comédiennes en général. L’ouvrage comporte d’ailleurs, à côté des entrées lexicales, un nombre non négligeable de notices dédiées à des acteurs ou des actrices. Ces dictionnaires ne constituent pas pour autant une simple somme d’anecdotes plus ou moins méchantes rangées artificiellement par ordre alphabétique. Ils comportent aussi un certain nombre d’entrées visant à décrire non seulement les us et coutumes de la vie théâtrale, mais également les techniques propres à l’exercice de cet art. Ils satisfont au goût de l’anecdote tout autant qu’à la curiosité largement partagée sur les secrets de fabrication du théâtre, sans compter l’explicitation savoureuse d’un certain nombre d’expressions propres à l’art dramatique – notamment dans le Dumersan. Leur cible, comme l’indique leur titre : « l’amateur », les « habitués du théâtre ».
Dans le même ordre d’idées, mais avec une vocation plus clairement spécifiée du côté de la technique, un troisième ensemble peut être distingué, constitué de La Langue théâtrale d’Alfred Bouchard, sous-titré Vocabulaire historique, descriptif et anecdotique des termes et des choses du théâtre suivi d’un appendice contenant la législation théâtrale en vigueur, et du Langage des planches, vocabulaire des coulisses théâtrales, explications et anecdotes d’Hubert Genin. Ces deux ouvrages, sans renoncer totalement à l’anecdote théâtrale, qui constitue de fait une constante de l’ensemble du corpus, se donnent pour objectif de décrire la langue du métier, dans ses perspectives administratives, techniques et spécialisées. Le Bouchard comporte même en appendice des textes de lois et des décrets visant à documenter le cadre législatif de la vie théâtrale. Le Langage des planches, illustré par Moriss, apparaît quant à lui comme un lexique technique permettant d’expliciter le vocabulaire utilisé lors des productions théâtrales, incluant des expressions et des termes plus techniques.
Un quatrième type de publications se focalise sur un aspect spécifique de la pratique théâtrale – quitte à le déborder dans les marges –, et notamment sur l’art de celui qui règne en maître sur les scènes des XVIIIe et XIXe siècles : l’acteur. C’est le cas de l’ensemble Aristippe, qui commence par proposer une planche de termes associés au jeu du comédien (l’Art du comédien), avant de constituer un véritable manuel pour l’acteur (la Théorie de l’art du comédien), trouvant son ultime avatar dans un volume de l’encyclopédie Roret (le Manuel théâtral et du comédien). Le public visé est ici à la fois celui des professionnels – le manuel se voulant un outil pour l’acteur dans sa pratique – et des amateurs de théâtre curieux, encore une fois, de jeter un œil aux modalités de fabrication du jeu. Marchal et Béquet adoptent la même optique, tout en déguisant cette prépondérance de la description de l’art du jeu dans un titre plus large, Dictionnaire de l’art dramatique et Encyclopédie de l’art dramatique, et en explicitant, pour le premier, le public visé : « à l’usage des artistes et des gens du monde ».
Le Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’y rattachent de Pougin, entreprise la plus monumentale du corpus, qu’elle mobilise du reste quasiment au complet dans ses références, consiste à proposer la première encyclopédie entièrement dédiée aux arts de la scène, dans une visée à la fois historique et esthétique. Largement illustré par une iconographie dont la convocation est justifiée essentiellement par son statut de document, le Pougin constitue un véritable musée de théâtre portatif, dans une démarche expositionnelle, dont l’objectif est de donner un panorama historique et esthétique des arts de la scène dans leur ensemble, le spectacle sous toutes ses formes : théâtre, opéra, danse, marionnette, cirque, etc.[20].
La spécificité des projets éditoriaux est aussi colorée par l’identité de celui qui édite, compose ou écrit, selon les cas, ces volumes. Chamfort, un auteur alors peu connu qui avait commencé une modeste carrière de dramaturge, contribue à l’orientation principalement poétique des entrées lexicales du Dictionnaire dramatique. Aristippe, de son vrai nom Félix Bernier de Maligny, jouait les utilités à la Comédie-Française et était manifestement un comédien de piètre réputation[21], qui ne jouissait pas de l’autorité d’un Talma ou d’un Larive. Il défend de fait un double point de vue : de l’intérieur, puisqu’il est acteur et qu’il est donc capable à la fois de percevoir les effets du jeu sur lui et les modes de fabrication sur les autres ; mais aussi de l’extérieur, car occupant un emploi tout à fait subalterne au théâtre, il a le temps d’observer les pratiques professionnelles autour de lui. Harel, en homme de théâtre, peut prétendre à une appréhension du fait théâtral de l’intérieur. À la parution de son dictionnaire, dont la préface à la seconde édition témoigne d’une réception tumultueuse[22], il n’est cependant pas encore directeur de l’Odéon, et il s’est adjoint l’aide de deux autres auteurs, rompus aux grandes entreprises éditoriales mais qui ne sont pas du tout spécialistes de théâtre : Maurice Alhoy, auteur à succès, et Auguste Jal, spécialiste de littérature maritime[23]. Le Dictionnaire de l’art dramatique, signé Marchal, dit De Bussy, est le fait d’un homme largement connu à l’époque pour ses pillages éditoriaux : « Quand une idée surgit en librairie, Marchal s’abat dessus. C’est un pillard, un voleur d’idées qui gâte tout[24]. » Pougin est quant à lui enfant de la balle et homme de musique, et Genin régisseur.
Une langue de l’art
La forme dictionnaire/lexique/encyclopédie, qui propose la description d’un domaine de l’art par entrées classées selon l’ordre alphabétique, offre une nomenclature intéressante à travailler. À l’heure qu’il est, l’ensemble des quinze ouvrages qui forment notre corpus propose environ 2 450 entrées en tout[25], qui ne se retrouvent pas toutes à l’identique dans l’ensemble des dictionnaires, certains en présentant un nombre limité[26], quand d’autres arrivent à une somme tout à fait impressionnante de par leur volume (1 284 entrées pour le Pougin). L’étude de ces seules entrées permet de percevoir assez rapidement l’apparition ou la disparition de certaines d’entre elles ainsi que la « couleur » éditoriale des publications[27].
Ces objets présentent ainsi, malgré les aléas éditoriaux décrits ci-dessus, un panorama des arts du théâtre ou plus largement de la scène, dont l’étude, synchronique et diachronique, permet de rendre compte d’un certain nombre de constantes, d’évolutions, de variations, et d’appréhender dans leur historicité les notions liées à la pratique théâtrale.
L’étude synchronique d’une entrée et des usages d’un terme dans un volume en particulier dresse un état de la connaissance à un moment donné sur une pratique donnée, pour peu que l’attention soit portée aux spécificités éditoriales mentionnées ci-dessus. Elle permet de travailler aussi sur la nature des discours produits par ces dictionnaires : prescriptifs, normatifs, descriptifs, comme nous avons déjà pu le souligner, mais aussi pratiques, visant notamment à servir aux acteurs et aux actrices, par l’explicitation d’un vocabulaire technique commun. C’est le cas, en particulier, de l’ensemble Aristippe, dont Julia Gros de Gasquet explique que c’est un ouvrage qui se « performe », « l’abécédaire permet[tant] la mise en forme d’une théorie praticable »[28]. Cette étude synchronique se passe difficilement, s’il s’agit de proposer une cartographie des usages du terme et de leur efficacité pratique, d’un croisement avec d’autres sources – presse, dans laquelle on trouve des descriptions de jeu, témoignages de comédiens et de comédiennes, traités, iconographie, etc.[29]. Elle ne peut non plus séparer les entrées de ses occurrences, afin de prendre en compte toutes les contradictions dynamiques et les nuances que permet la forme non linéaire de la consultation d’un dictionnaire, aggravée par les procédés d’emprunts vus plus haut.
L’étude diachronique, quant à elle, permet de retracer l’évolution d’un terme au cours de la période, de son apparition/disparition, nous l’avons vu, mais aussi de l’importance du traitement qui lui est dévolu, des modifications de sens et d’usages, des transferts. Ces analyses, menées à la fois dans les entrées et dans le corps du texte, autorisent, avec toutes les précautions encore une fois nécessaires face aux spécificités éditoriales de l’ensemble, à déduire et à écrire une histoire des pratiques. Tout l’enjeu de ce travail consiste à se tenir entre la prescription et les usages réels[30].
L’édition électronique
L’ensemble du corpus est en format numérique standard (XML TEI), soit que les volumes étaient déjà en format numérisé (PDF texte ou plein texte, fourni par la Bibliothèque nationale de France ou par Google Books), soit qu’ils ont bénéficié d’une première numérisation avant d’être transformés dans un format compatible avec la mise en ligne[31]. Les encodages en format XML TEI ont été effectués grâce à un financement obtenu auprès du fonds Recherche de l’ENS Lyon[32]. Enfin, la transformation des fichiers du La Porte et Chamfort, gracieusement transmis par l’équipe de la base de données du Calendrier électronique des spectacles sous l’Ancien Régime et la Révolution (César)[33], a été réalisée au sein de notre laboratoire de recherche, l’Institut d’histoire des représentations et des idées dans les modernités (IHRIM, UMR 5317). Le corpus ainsi que la description des phases de travail sont pour l’instant hébergés sur l’infrastructure de recherche Huma-Num. Ils ne sont pas encore accessibles au public, et nous espérons pouvoir présenter une première version du site accueillant l’édition à l’automne 2022. Il apparaît évident que ce projet n’aurait pu se faire sans le soutien de l’IHRIM, et de ses équipes, notamment tout le pôle Humanités numériques et le groupe de recherche CACTUS (Corpus en diAChronie, Textométrie et UsageS)[34].
Le corpus numérique pose d’énormes défis qui constitueront une bonne part des réflexions futures du groupe de recherche. Le travail d’encodage engagé soulève beaucoup de questions, notamment en ce qui concerne le choix des balises – ne serait-ce que pour la manière d’encoder les entrées lexicales – permettant de structurer les dictionnaires de manière à constituer un corpus homogène, sans pour autant écraser les spécificités sur ce plan de chacun des volumes. La structuration du texte que suppose l’encodage constitue déjà un choix éditorial par rapport aux sources dont l’agencement n’est pas toujours simple à décrire – on l’a vu pour les éditions du Aristippe –, et il reste un énorme travail à effectuer sur l’établissement des fichiers nécessaires à l’édition numérique.
L’établissement du corpus est par ailleurs loin d’être achevé. Nous continuons de trouver des dictionnaires datant du XIXe siècle[35], et nous devons établir l’ensemble des liens matérialisés par le jeu des emprunts. Le choix de ne rééditer que les entrées lexicales du La Porte et Chamfort à l’exclusion des autres empêche l’appréhension de ce dictionnaire dans sa totalité et l’étude par exemple de la récurrence ou de l’usage d’un terme en dehors de ces entrées, même si celles restantes sont constituées en grande partie de résumés d’intrigues de pièces.
Enfin, le travail éditorial propre à toute édition commentée est loin d’être achevé. La question se pose d’indiquer et de référencer tous les emprunts identifiables, sachant que la tâche semble pour l’heure infinie. Comment présenter, et donc styler, tous ceux que nous aurons réussi à identifier sans surcharger l’édition ? L’idée d’une version collaborative ouverte prend, dans ce genre d’entreprise, tout son sens.
Pour l’heure, le corpus, en l’état, constitue déjà un outil important pour l’équipe. Il permet des recherches en plein texte et une navigation aisée dans les versions « éditeur » des logiciels d’encodage – en ce qui nous concerne Oxygen. Le corpus peut aussi être soumis à des logiciels de textométrie. Nous avons commencé à travailler avec TXM, dont le développement est coordonné à l’ENS Lyon par le groupe Cactus de l’IHRIM. Cet usage permet de tester les apports de la recherche textométrique sur un corpus tel que les dictionnaires, afin d’envisager ce que de telles analyses peuvent apporter du point de vue de l’art, puisque c’est bien la dimension pratique de cette langue qui nous intéresse ici[36]. En tant qu’outil permettant d’étudier les structures lexicales d’un texte ou d’un corpus donné, un certain nombre d’informations peuvent être dégagées. Il se révèle par exemple très pratique pour mesurer le volume des occurrences d’un terme et les repérer dans l’ensemble du texte, mais aussi pour en appréhender l’environnement – les termes qui l’encadrent –, la fréquence, les usages singuliers des lemmes. Et nous sommes loin d’en avoir perçu toutes les potentialités.
Le corpus est également conçu pour s’intégrer dans une publication numérique, constituée et hébergée par le pôle Humanités numériques de l’IHRIM, permettant de mettre en regard l’ensemble des textes, d’avoir une vision synthétique des entrées (volume, occurrences, présence ou absence dans les dictionnaires), d’appeler telle ou telle d’entre elles de plusieurs dictionnaires, de faire apparaître les occurrences d’un terme. Cette édition se proposera également de mettre à disposition l’ensemble des recherches effectuées sur les corpus (spécificités éditoriales, modalités d’écriture et de compilation, nature des emprunts identifiés), tout en appelant à un travail collaboratif permettant d’augmenter les savoirs mis en partage. Elle sera enfin enrichie par une bibliographie rassemblant tous les ouvrages cités et permettant d’établir une bibliothèque virtuelle des sources de ces dictionnaires, dont le référencement et le classement permettront des recherches thématiques. La question des catégorisations des entrées reste ouverte, tant le mode de classification de celles-ci en des domaines plus grands facilitant leurs regroupements soulève de problèmes[37].
Présentation du numéro
Ce numéro de la Revue d’historiographie du théâtre permet de rendre public un premier ensemble de résultats et d’études autour du corpus, et de tester les outils et analyses possibles. Il a également pour vocation de préparer un colloque consacré à l’objet « dictionnaire de théâtre »[38]. Le numéro est composé d’une partie des contributions faites lors des trois ateliers de recherche consacrés au travail autour de ces dictionnaires[39], dont certaines ont trouvé leur fondation lors des séminaires antérieurs. Deux approches ont été privilégiées.
Une première approche lexicologique travaille de manière diachronique quelques entrées ou occurrences de termes dont l’évolution est jugée digne d’intérêt entre les dictionnaires. Ainsi Pierre Causse s’est penché sur les entrées « passion(s) », et met au jour la transformation de leur expression, d’un paradigme pictural hérité du XVIIIe siècle et qui perdure tout au long du XIXe siècle, à un modèle d’interprétation qui commence à solliciter l’individualité de l’acteur. L’analyse de Stéphanie Loncle sur l’entrée et les occurrences de « début(s) » dévoile la dimension paradoxale de ce moment majeur de la vie théâtrale : événement à la fois surdéterminé par rapport à la réalité de son importance dans la carrière d’un interprète et en même temps absolument nécessaire à la mise en histoire des coutumes théâtrales, dont il constitue un jalon incontournable. L’étude lexicométrique précise de Quentin Rioual concernant les occurrences et entrées de « décor » et « décoration » cherche le point de bascule entre l’appréhension architecturale de la seconde et le devenir scénographique du premier, sans masquer l’extrême labilité qui marque l’usage de ces deux séries de termes. Le travail de Camille Khoury sur le travestissement souligne, quant à lui, le parti pris idéologique qui peut être adopté par les dictionnaires, dont les notices vont informer l’histoire des pratiques décrites par l’oblitération de certaines d’entre elles. Celui d’Anne Pellois entend retracer l’évolution des termes servant à désigner le jeu théâtral : « jouer », « incarner » et « interpréter », pour en déterminer, en lien avec un autre vocable concurrent qui est « déclamer », les usages et les modifications de sens au cours du XIXe siècle.
La seconde approche considère les dictionnaires dans leurs spécificités éditoriales. L’étude de Céline Candiard et Justine Mangeant cherche à éclairer le contenu du Dictionnaire dramatique de La Porte et Chamfort en faisant apparaître le travail de compilation qui préside à sa fabrication et l’opération commerciale dont il procède, à l’initiative du libraire Lacombe. L’analyse de Léonor Delaunay entend quant à elle rendre compte des usages spécifiques des illustrations dans le Pougin, véritable dictionnaire musée, magasin d’images tout autant que recueil de documents iconographiques attestant de la vérité des pratiques théâtrales décrites. L’article d’Yves Jubinville enfin propose une ouverture vers la tradition éditoriale anglo-saxonne qui, héritant pour partie des entreprises éditoriales françaises des XVIIIe et XIXe siècles, se développe essentiellement à partir du début du XXe siècle dans une perspective spécifique en lien avec les pratiques anglaises et américaines du champ théâtral.
Notes
[1] Michel Corvin, « Problématique d’un dictionnaire de théâtre », L’Annuaire théâtral, revue québécoise d’études théâtrales, no 26, Regards croisés : théâtre et interdisciplinarité, automne 1999, p. 160, en ligne sur https://www.erudit.org/fr/revues/annuaire/1999-n26-annuaire3672/041400ar/, consulté le 18 novembre 2020.
[2] Le séminaire de master tenu en 2012 était associé aux méthodologies pour une histoire du jeu et celui de 2013-2014, intitulé « Les mots du jeu », orientait les recherches au sein du corpus vers la terminologie propre au jeu. Je profite de cette note pour remercier tou·te·s les étudiant·e·s qui ont participé à ce séminaire, dont certain·e·s ont rejoint l’équipe et le présent numéro, et d’autres ont trouvé des composantes de leurs objets de recherche dans l’exploration de ces « mots du jeu ». Sans elles et eux, ce travail n’aurait probablement pas vu le jour.
[3] Par exemple, Léonard de Géréon, La Rampe et les coulisses : esquisses biographiques des directeurs, acteurs et actrices de tous les théâtres, Paris, 1832 ; Joseph Goizet et A. Burtal, Dictionnaire universel du théâtre en France et du théâtre français à l’étranger : biographie des auteurs et des artistes, Paris, Librairie des auteurs dramatiques, 1867 ; Henry Lyonnet, Dictionnaire des Comédiens Français, Genève, Bibliothèque de la Revue universelle internationale illustrée, 1912.
[4] Anne Pellois, Céline Candiard, Catherine Ailloud-Nicolas, Olivier Bara, Pierre Causse et Justine Mangeant (Institut d’histoire des représentations et des idées dans les modernités, IHRIM, UMR 5317), Alice Folco (Litt&Arts. Arts et pratiques du texte, de l’image, de l’écran et de la scène, UMR 5316), Romain Piana et Jeanne Hostiou (Institut de recherches en études théâtrales, IRET, EA 3959), Julia Gros de Gasquet (Laboratoire international de recherches en arts, LIRA, EA 734), Sophie Lucet (Centre d’étude et de recherche interdisciplinaire de l’UFR Lettres arts cinéma, Cerilac, EA 4471), Joël Huthwohlt (Bibliothèque nationale de France), Léonor Delaunay (Société d’histoire du théâtre), Marion Chénetier-Alev (Théorie et histoire des arts et des littératures de la modernité. XIXe-XXIe siècles, Thalim, UMR 7172), Florence Filippi (Centre d’études et de recherche, Éditer/Interpréter, Ceredi, EA 3229), Stéphanie Loncle (Centre de recherche d’histoire quantitative, CRHQ, EA 6583), Yves Jubinville (Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises, CRILQ, École supérieure de théâtre, Montréal), Quentin Rioual, (Histoire des arts et des représentations, EA 4414) et Camille Khoury (Lettres, Langages et Arts, LLA-Créatis, EA 4152).
[5] La constitution progressive de ce corpus fait que les études qui composent cette première publication s’appuient sur un nombre variable de volumes en fonction de l’état du corpus numérisé au moment de l’étude. Nous précisons à chaque fois les dictionnaires utilisés.
[6]Alain Rey, Encyclopédies et dictionnaires, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1982 ; Miroirs du monde : une histoire de l’encyclopédisme, Paris, Fayard, 2007 ; De l’artisanat des dictionnaires à une science du mot, Paris, Armand Colin, 2008.
[7] Christophe Rey, « Dictionnairique et édition au siècle des Lumières », Revue de linguistique appliquée, no 177, La dictionnairique, 2015, p. 21-36.
[8] Anne Coudreuse dans « La critique par alphabet : le Dictionnaire dramatique de Chamfort et La Porte », dans Malcolm Cook et Marie-Emmanuelle Plagnol-Diéval (dir.), Critique, critiques au 18e siècle, Oxford, Peter Lang, 2006, p. 209-222 ; Nathalie Rizzoni dans sa préface au dictionnaire sur le site Cesar.org, « À propos du Dictionnaire dramatique et de sa publication sous forme d’hypertexte », 2002, en ligne sur https://cesar.huma-num.fr/cesar2/books/laporte/preface.php, consulté le 2 mai 2020 ; Julia Gros de Gasquet, « L’alphabet pour penser l’art de l’acteur : le dictionnaire d’Aristippe », Ligeia, nos 153-156, 2017, p. 187-191, en ligne sur https://www.cairn.info/revue-ligeia-2017-1-page-187.html, consulté le 2 décembre 2020.
[9] Ainsi que 45 entrées supplémentaires listées de part et d’autre du titre, qui laissent augurer d’une suite à ce travail, puisque sur ces 45 entrées, seules quatre ne figureront pas au final dans le dictionnaire de 1826.
[10] Une préface de quatre pages et deux textes préliminaires : « Théorie de l’art du comédien : de la profession du comédien » (36 pages) et « Réflexions générales sur l’art du comédien » (10 pages).
[11] « Du théâtre en général », « du Conservatoire Royal de musique et de déclamation », « Variétés ».
[12] Les manuels Roret sont une entreprise éditoriale comprenant plus de 300 volumes entre 1825 et 1860. Nicolas-Edme Roret, libraire devenu éditeur en 1822, entend proposer « une collection de manuels formant une encyclopédie des sciences et des arts », traitant de l’histoire et des techniques des métiers les plus divers. Parmi les titres on peut citer par exemple : Nouveau manuel complet du verrier et du fabricant de glaces, cristaux, pierres précieuses factices, verres colorés, yeux artificiels (1853) ; Manuel complet de chimie amusante, ou nouvelles récréations chimiques, contenant une suite d’expériences curieuses et instructives en chimie d’une exécution facile et ne présentant aucun danger (1825). Voir Anne-Françoise Garçon, « Innover dans le texte. L’Encyclopédie Roret et la vulgarisation des techniques, 1830-1880 », colloque « Les Archives de l’invention », Paris, Conservatoire national des arts et métiers, novembre 2004, en ligne sur https://halshs.archives-ouvertes.fr/file/index/docid/29498/filename/garcon.af_Roret.pdf, consulté le 14 mai 2021.
[13] Ces éléments sont tirés d’une première étude menée par Anne Pellois et Céline Candiard sur les spécificités de l’ensemble Aristippe lors du deuxième atelier de recherche qui s’est tenu à l’École normale supérieure (ENS) de Lyon en juin 2018 (voir la note 39 pour une description de cette journée).
[14] La comparaison terme à terme que l’édition électronique rendra possible permettra de mesurer précisément le volume des ajouts par rapport au texte d’Aristippe et à ses rééditions, ainsi que la provenance éventuelle de ces ajouts, puisqu’une première exploration a aussi établi des reprises du Dictionnaire théâtral de François-Antoine Harel, ainsi que d’autres emprunts, notamment à l’Encyclopédie.
[15] Dans la préface à l’édition de 1826, Aristippe présente clairement la composition de l’ouvrage comme le fruit d’une compilation et d’une synthèse. Il s’agit, pour composer cette « méthode » qui contient « les principes généraux énoncés en termes simples et faciles » de l’art du comédien, de réunir « les principes et les observations épars dans une foule de livres ». L’ouvrage dit réunir « 3 ou 400 volumes », faisant référence non seulement à la copieuse bibliographie finale, mais également à tous les emprunts invisibles qui jalonnent l’ouvrage. Aristippe, Théorie de l’art du comédien ou manuel théâtral, Paris, A. Leroux éditeur, 1826, préface, p. i-viii. Dans le Pougin, la bibliographie est contenue dans l’introduction : « il me reste à faire connaître enfin les ouvrages que j’ai principalement consultés pour la construction de ce dictionnaire ; je ne saurais prétendre à les citer tous, car leur nombre en serait considérable, mais je mentionnerai les plus importants et ceux qui m’ont été le plus utile ». Arthur Pougin, « Place au théâtre ! », dans Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’y rattachent, Paris, Firmin Didot, 1885, p. xii.
[16] C’est le cas par exemple de l’entrée « déclamation » du Aristippe, dans laquelle on peine à trouver une définition cohérente de la pratique en question.
[17] Les acteurs et actrices cités sont : Préville, Larive, Lekain, Dazencourt, Molé, Riccoboni, Dorfeuille, Sticotti, Dumesnil, Clairon, d’Hannetaire, Lecouvreur. Les auteurs sont Pierre Rémond de Sainte-Albine, Jean-François Marmontel, Johann Jacob Engel, Claude Joseph Dorat, Jean-François Cailhava de l’Estandoux.
[18] Une première ébauche de cette étude a été faite sur l’ensemble des trois éditions d’Aristippe par Anne Pellois et Céline Candiard lors de l’atelier de recherche de juin 2018.
[19] Arthur Pougin, loc. cit., p. ix.
[20] Voir l’article de Léonor Delaunay dans le présent numéro.
[21] Dans Les Fastes de la Comédie-Française (Paris, Hubert, vol. 2, p. 258-259), Ricord aîné lui consacre une entrée de deux pages où il fait état de ses difficultés en tant que comédien, et les attribue notamment à une petite taille et un physique peu noble, à un défaut de maîtrise de son « côté gauche » (« encore un peu du domaine du Conservatoire »), mais en se disant confiant sur sa capacité à surmonter ces obstacles grâce au travail, comme il l’a montré pendant ses années de conservatoire pour ses défauts de prononciation (« un grasseyement »).
[22] Le Dictionnaire théâtral a connu deux éditions, l’une en 1824 et l’autre en 1825. La préface de la seconde témoigne d’une tumultueuse réception de la part des gens de métier : « Nous risquons une seconde édition de ce léger opuscule, dussent toutes les animosités qu’il a soulevées à sa première apparition nous poursuivre avec une nouvelle énergie, dussent toutes les vanités littéraires et théâtrales, se coaliser de nouveau contre les importunes vérités que nous n’avons pas craint de mettre au jour. » François-Antoine Harel, Dictionnaire théâtral ou douze cent trente-trois vérités sur les directeurs, régisseurs, acteurs, actrices et employés des divers théâtre, Paris, J. N. Barba Libraire, 1825, p. 1.
[23] Ces informations sur le « triumvirat des 1203 vérités » sont empruntées à l’enquête en cours menée par Sophie Lucet dans sa communication prononcée lors de l’atelier de recherche de juin 2018 : « Qui écrit les dictionnaires de théâtre ? In memoriam Michel Corvin ».
[24] La Vie et les aventures de Charles Marchal de Bussy ou Histoire comique et pittoresque d’un mandarin de lettres par Un Mandarin lettré, Paris, Plataut, Roy et Ce, 1868, p. 53.
[25] Le comptage a été fait manuellement, d’abord à partir du tableau fabriqué par les étudiant·e·s lors du séminaire de master de 2013-2014, puis par ajouts au fur et à mesure de la découverte d’autres dictionnaires. Un comptage numérique permettra d’arriver à un décompte exact.
[26] À titre d’exemple, nous avons extrait du Laporte et Chamfort 268 entrées lexicales parmi l’ensemble des entrées qui composent ce dictionnaire, lesquelles sont majoritairement des notices d’œuvres.
[27] Nous avons constitué avec les étudiant·e·s du séminaire de master en 2013-2014, à partir du corpus initial, un immense tableau recensant toutes les entrées, à partir duquel nous avons tenté d’opérer une classification par domaines, sans autre succès que d’affiner la perception des spécificités éditoriales desdits dictionnaires. Nous avons également cherché à noter les variations de volume des entrées, à titre indicatif. Ce type de travail pourra être pris en charge de manière beaucoup plus précise par l’édition électronique.
[28] Julia Gros de Gasquet, loc. cit., p. 190-191.
[29] Lors du premier séminaire consacré aux dictionnaires, nous avons tenté d’associer la constitution d’une définition synthétique d’un terme donné dans ses usages diachroniques à une figure d’acteur ou d’actrice pour expérimenter la méthodologie du croisement des sources : l’effet chez Marie Dorval ; l’instinct chez Sarah Bernhardt ; électricité, courant, énergie chez François-Joseph Talma ; la finesse chez Mademoiselle Mars, etc. Ces travaux ont même contribué, entre autres, à faire naître un travail de thèse en cours : Pauline Picot, Influx, fluide, courant : imaginaires théâtral et scientifique de la circulation et de la conduction (1778-1948), sous la direction de Mireille Losco Lena, université Jean-Moulin Lyon 3.
[30] Lors du séminaire initial intitulé « Les mots du jeu », 25 définitions synthétiques ont été proposées par les étudiant·e·s : applaudissement, geste, mémoire, etc. Ces analyses étaient effectuées en deux temps : analyse diachronique précise et travail de rédaction d’une définition.
[31] Nous remercions Joël Hutwohl qui nous a permis d’obtenir rapidement des numérisations de la part de la Bibliothèque nationale de France, et Rime Touil pour la mise en œuvre de celles-ci.
[32] Ce financement a été obtenu au titre de « projet émergent » auprès du fonds Recherche du conseil scientifique de l’ENS Lyon pour la numérisation de l’ensemble du corpus et l’organisation d’une partie des trois ateliers de recherche consacrés au projet, le reste de cette organisation étant dévolue aux partenaires, notamment la Société d’histoire du théâtre, qui a accueilli l’une des journées. Les numérisations ont été effectuées par Word Pro.
[33] Merci à Marc Douguet et Jean-Yves Vialleton de nous avoir aimablement transmis la version numérisée des entrées lexicales du Dictionnaire dramatique.
[34]Du pôle Humanités Numériques, nous remercions notamment Maud Ingarao pour son accompagnement dans les méandres du format XML et les réflexions sur les formats de sites et de présentations permettant d’héberger la publication, Nathalie Arlin pour la transformation du fichier fourni par César aux normes de nos fichiers XML TEI, Alexei Lavrentiev pour la formation XML TEI. De l’équipe CACTUS Serge Heiden pour l’initiation à TXM , ainsi que Bénédicte Pincemin. Voir leur site: http://ihrim.ens-lyon.fr/recherche/groupes-de-travail/corpus-en-diachronie-textometrie-et-usages/
Nous remercions également l’équipe de direction de l’IHRIM, Olivier Bara et Marina Mestre-Zaragoza, pour leur soutien à ce projet, ainsi qu’Afida Madjidi pour la gestion des fonds alloués à cette recherche. Merci à Amina Kharrouby qui a expérimenté, au début de l’entreprise de numérisation, la saisie complète d’un dictionnaire en mode manuel avant que nous ne fassions appel à Word Pro pour la saisie de la totalité du corpus. Nous remercions enfin Victor Poichot, graphiste indépendant, en charge de la fabrication du site.
[35] À l’heure de cette publication un seizième dictionnaire est en cours d’investigation : Joachim Duflot, Les Secrets des coulisses des théâtres de Paris : mystères, mœurs, usages, anecdotes, préface de Jules Moriac, Paris, Michel Lévy frères, 1865.
[36] Cela étant, la dimension normative de ces dictionnaires pourrait aussi faire l’objet d’une étude textométrique tout à fait pertinente.
[37] Comment justifier, par exemple, une catégorie « acteur » qui serait différente d’une catégorie « technique », alors même que l’intérêt de ces ouvrages consiste précisément en la description de la technicité de la pratique du jeu ? Plus anecdotique, mais illustrant bien la difficulté qu’il y a à classer cette immense liste : l’entrée « âme » concerne l’acteur dans tous les dictionnaires où elle est présente, sauf dans Le Langage des Planches d’Hubert Genin, où c’est un terme de scénographie. De même l’entrée « vraisemblance », qui concerne majoritairement l’acteur, renvoie au domaine de la poétique dans le La Porte et Chamfort.
[38] L’appel à communication sera publié en septembre 2021.
[39] Ces ateliers de recherche ont eu lieu les 8 juin 2017 et 8 juin 2018 à l’ENS Lyon, et le 14 juin 2019 à la Société d’histoire du théâtre à Paris. Pour une description de ces journées de travail, voir :
– Journée 1 : http://ihrim.ens-lyon.fr/evenement/atelier-de-recherche-1-les-dictionnaires-de-theatre-18e-19e-siecles
– Journée 2 : http://ihrim.ens-lyon.fr/evenement/atelier-de-recherche-les-dictionnaires-de-theatre-18e-19e-siecles-683
– Journée 3 : http://ihrim.ens-lyon.fr/manifestations/article/atelier-de-recherche-3-les-dictionnaires-de-theatre-18e-19e-siecles
Pour citer cet article
Anne Pellois, « Introduction – État des lieux d’une recherche », Revue d’Historiographie du Théâtre numéro 7 [en ligne], mis à jour le 01/02/2021, URL : https://sht.asso.fr/introduction-etat-des-lieux-dune-recherche/