Revue d’Histoire du Théâtre • N°270 T2 2016
Le genre, une catégorie utile à l’histoire du théâtre du XXe siècle ? Le cas de Jacques Copeau et Suzanne Bing
Par Raphaëlle Doyon
Résumé
À partir d’une étude de cas, l’analyse de l’historiographie de Jacques Copeau (1879-1949) et de la contribution ignorée de Suzanne Bing (1885-1967), sa collaboratrice privilégiée et compagne secrète, nous interrogeons la fabrique de l’histoire de Jacques Copeau et l’exclusion des femmes du « régime des metteurs en scène » au XXe siècle. Puis, nous proposons un bref état des lieux de l’étanchéité disciplinaire entre l’histoire du théâtre telle qu’elle se pratique dans les départements d’Études théâtrales, et l’histoire des femmes et du genre en France.
Abstract :
Through a case study, the analysis of the historiography of Jacques Copeau (1879-1949) and of the ignored contribution of Suzanne Bing (1885-1967), its privileged partner and secret lover, we question the making of Jacques Copeau’s history and the exclusion of women from the “theatre directors’ regime” in the XXe century. Then, we present a brief overview of the disciplinary barriers between the History of theater, as practiced in the Theatre Studies Departments, and the History of Women and Gender in France.
Texte
Le genre, une catégorie utile à l’histoire du théâtre du XXe siècle ?
Le cas de Jacques Copeau et de Suzanne Bing
Il ne faudrait pas toutefois qu’une nouvelle intimidation […] vienne paralyser l’opération historiographique. C’est au juge qu’il revient de condamner et de punir, et au citoyen de militer contre l’oubli […] ; à l’historien reste la tâche de comprendre sans inculper ni disculper.
Paul Ricœur, « L’écriture de l’histoire et la représentation du passé », Annales. Histoire, Sciences Sociales, n°4, 2000, p. 744.
[…] la construction du genre se poursuit à travers des technologies de genre variées (le cinéma par exemple) et des discours institutionnels (la théorie par exemple) qui ont le pouvoir de contrôler le champ des significations sociales et donc de produire, promouvoir et « implanter » des représentations du genre.
Teresa de Lauretis, « La technologie du genre », Théorie queer et cultures populaires, traduit de l’anglais (États-Unis) par Marie-Hélène Bourcier, Paris, La Dispute, 2007, [1987] p. 75.
Suzanne Bing, acolyte de Jacques Copeau
Suzanne Bing, actrice, pédagogue et traductrice, travaille aux côtés de Jacques Copeau de 1913 à 1929, de la fondation du Théâtre du Vieux-Colombier à la dissolution de la communauté bourguignonne des Copiaus. Jouvet et Dullin sont mobilisés en 1914 ; elle devient alors l’alter ego féminin du « Patron », et l’assiste jusqu’en 1947, fournissant une première version des traductions des pièces de Shakespeare qu’ils publient aux Belles-Lettres. Elle est « au cœur de l’aventure du Vieux-Colombier », comme l’écrit Jean Schlumberger dans une lettre de condoléances qu’il adresse à la famille Bing en novembre 1967[1], « l’âme même du Vieux-Colombier » selon une note que publie le critique Jacques Lemarchand dans le Figaro littéraire le 23 avril 1965, à l’occasion des 80 ans de Suzanne Bing. Elle fut par ailleurs la « maîtresse[2] » de Jacques Copeau à partir de 1913, secret de polichinelle que seul le fils né de leur union ignora pendant ses seize premières années. La recherche que nous proposons fut menée à partir de sources inédites et inexplorées, dans différents fonds d’archives : le fonds privé de Suzanne Bing, le fonds Henri Brochet de la Bibliothèque municipale d’Auxerre, le fonds Léon Chancerel de la Société d’Histoire du Théâtre, le fonds Jacques Copeau conservé au département des Arts du Spectacle de la Bibliothèque nationale de France (BnF), et le fonds Copeau-Dasté de la Bibliothèque municipale de Beaune.
Les archives de la vie privée, sources légitimes pour l’histoire du théâtre ?
L’exploration de ces différentes sources, notamment les archives privées de Suzanne Bing, dévoile l’intrication entre vie professionnelle (artistique et institutionnelle) et interroge nos habitudes disciplinaires quant à légitimité des sources de la vie privée, affective et amoureuse (correspondances, journaux intimes, etc.) souvent considérées comme subalternes. Ces mêmes sources ont pourtant, dans d’autres champs, il y a plus de trente ans, ouvert des perspectives durables : pensons à L’Histoire de la vie privée à partir de laquelle naît l’entreprise de L’Histoire des femmes, et avant cela aux travaux de Philippe Lejeune. Point épineux pour l’historien.ne du théâtre s’il en est : que faire de sources non destinées à être publiées qui détournent les projets de postérité de la personne dont on écrit ou complète l’histoire ? Homme de théâtre et figure publique, Jacques Copeau a lui-même exclu la documentation privée du fonds d’archives classé en quatre rubriques (direction, administration, technique, école) qu’il constitue de son vivant. Il demande par ailleurs à sa fille que soit brûlée, au lendemain de sa mort, une enveloppe contenant les lettres que lui adressa Suzanne Bing, ce que fit Marie-Hélène Dasté (née Copeau) sans s’assurer que l’enveloppe rassemblait absolument toutes les lettres, celles ayant échappé au bûcher pouvant être, depuis 1963, date du rachat du fonds à Marie-Hélène Dasté, consultées à la BnF.
Questions aux historiennes du théâtre et à nous-mêmes
Les questions posées à la suite de l’exposé dont est issue la présente réflexion[3], notamment – débat récurrent – sur les limites de la biographie, nous ont incitée à examiner les amnésies patriarcales (volontaires ou involontaires) et la valeur (historique et historiographique) attribuée aux actions entreprises par les femmes au théâtre.
Persuadée de l’importance de rétablir le déficit de postérité de l’histoire des femmes dans l’histoire du théâtre, car il produit un déficit de légitimité au présent, convaincue de l’intérêt des questions historiographiques que pose cette mise à l’écart, nous considérons la biographie (ou herstory[4]) de Suzanne Bing non seulement pour l’intérêt du récit individuel en soi, mais aussi parce que celui-ci :
– « concentre [les] caractéristiques d’un groupe [de quasi-anonymes] exclu du luxe [d’une] confession[5] », confession effectuée par Jacques Copeau dans son journal et autres écrits, qui posent la première pierre d’une mémoire collective écrite et transmise,
– laisse apparaître en creux la fabrique de l’histoire de Jacques Copeau et des metteurs en scène des dits théâtres d’art.
Nous profitons aussi de cette invitation à élucider « [les] raisons esthétiques, morales, politiques et/ou idéologiques de [l’]oubli », selon les mots de Marion Denizot[6], pour poser une question réflexive sur l’entreprise historiographique envisagée. Quel oubli est-il légitime d’inclure dans l’histoire du théâtre ? Le constat de résistances en Études théâtrales à accueillir une diversité de points de vue[7], en l’occurrence l’intégration de l’histoire des femmes et du genre dans l’histoire du théâtre, nous amènera, dans un deuxième temps, à faire un bref état des lieux qui mettra en évidence l’étanchéité disciplinaire entre histoire du théâtre et histoire des femmes et du genre en France, alors que la littérature universitaire anglo-saxonne témoigne, elle, de trois décennies de recherche dans ce champ.
Auto-biographie et pré-configuration de l’histoire savante
Nous souhaitons réhabiliter la figure de celle que Jacques Copeau appelle « l’une de mes plus fidèles et la plus précieuse de mes collaborateurs », « [mettant] ce mot au masculin parce que la tâche assumée par Suzanne Bing à [son] côté a toujours dépassé ce qu’on peut attendre des aptitudes, de la constance et des forces féminines[8] ».
Suzanne Bing fait partie du 4 % des actrices ayant, entre 1860 et 1900, suivi une éducation secondaire[9]. Elle intègre le Conservatoire National d’Art Dramatique, joue sous la direction de Max Reinhardt en Allemagne, puis sous celle de Jacques Copeau grâce à l’autorisation maritale que lui fournit son mari, le musicien Edgar Varèse dont elle se sépare en 1913 (l’autorisation maritale est abrogée en 1965). Elle reçoit par ailleurs depuis « son plus jeune âge[10] » une éducation musicale et corporelle. C’est en effet le récit qu’elle fait de sa propre vie dans « Petite suite » (en référence à celle de Debussy), manuscrit de quarante-trois pages signé Ariel Éclopé, qu’elle rédige à l’instigation de Jacques Copeau en 1942 et 1943, évoquant dans cette période trouble, la judaïcité d’une famille pratiquante, d’artisans, de critiques et de marchands d’art qui lui donnent le goût de l’opéra, du théâtre, de la danse et de la ritualisation :
Je commence par défaire ma natte que je n’aime pas pour si mon prince vient dans mon rêve. Il n’est jamais venu, je dors bien, et n’ai d’autres rêves que ceux que s’ingénue à créer avant le sommeil une imagination de plus en plus experte à mettre en scène souvent conjoints de l’héroïsme et de l’amour. Plus tard, il y aura, dans ce silence et cette demi-obscurité […] de véritables méditations. Enchevêtrés au cours des dimanches, des sorties, des vacances, des lectures, musique, décoration, spectacle sous toutes ses formes, – guignol, théâtre, cirque, danse, cabaret, café-concert et music-hall – aspects de la nature et drames de la vie, l’une d’elles les fait déboucher, un soir de l’époque des grandes convocations sur cette lumineuse éclaircie : l’Art, l’Amour, la Religion, tout ça c’est une seule chose. Plus tard encore sans doute ce mot d’ordre ou peut-être mon ami, cette vocation : si l’on n’est pas Michel-Ange, être le ciseau de Michel-Ange[11].
Le passage ci-dessus, comme le préambule de « Petite suite » ci-après, s’adresse à Copeau : « Mon ami, vous m’écrivez : “je te redis que tu devrais commencer à écrire tes souvenirs !”[…] il y a moyen d’essayer. » Suzanne Bing cherche-t-elle à travers l’évocation de son enfance, telle une mise en abyme du récit, à inviter Copeau à se ressouvenir de ce qu’ils partagèrent avant qu’elle ne se sente « désaffectée[12] » : l’art et l’amour dont il est le « prince » dès 1913 à l’ouverture du Vieux-Colombier, et la religion catholique dont ils espèrent « la rédemption » à partir de 1921 ? C’est du moins ce que laisse penser l’usage de l’univers sémantique lié au théâtre qu’elle prête a posteriori à l’enfant qu’elle fut : « mise en scène », « silence », « demi-obscurité », et même « imagination » sollicitée par le tréteau nu de la nouvelle scène que Copeau et Jouvet (autre couple) conçoivent. « Les aspects de la nature et les drames de la vie » sont au fondement de la pédagogie de l’école que Suzanne Bing ouvre dès 1920 : travail masqué sur les éléments naturels et les animaux, et « cours d’instinct dramatique » que Jacques Copeau confie à Suzanne Bing et qu’elle définit dans ses notes comme « la faculté de percevoir ce qu’il y a de dramatique dans toutes choses, toute action, tout mouvement, dans le monde entier – la faculté de sortir de soi-même, pour y rentrer ayant pris [au monde son drame][13] ».
Suzanne Bing joue un rôle majeur dans la pédagogie de l’École du Vieux-Colombier et des Copiaus, formant le vivier de plusieurs acteurs de la décentralisation. Elle dispense dès 1915, puis à partir de 1917 à New York, un enseignement ludique et musical à de jeunes enfants, se documente sur les pédagogies actives, puis, sur leur modèle, met au point un apprentissage par degré et encourage l’autocorrection d’élèves devenus « leur propre dramaturge[14] ».
Elle se consacre à l’étude du Nô en 1923 (plus de 200 feuillets dans ses archives personnelles en rendent compte), écrit aux japonisants anglais et français de l’époque, et traduit Kantan de Zeami à partir de la version anglaise d’Arthur Waley pour monter un spectacle gestuel et musical inégalé dans le souvenir des acteurs et de ceux qui en ont vu les répétitions en mai 1924 (Étienne Decroux, Jean Dasté ou Jacques Copeau), la représentation ayant été annulée suite à la blessure au genou de l’élève acteur Aman-Julien Maistre. Enfin, Suzanne Bing publie dans le numéro de juillet 1939 de Jeux, Tréteaux et Personnages, Cahiers mensuels d’art dramatique, les premiers extraits en français du traité de Zeami. Sa contribution à la pédagogie et à la spécificité d’un langage théâtral non verbal (notamment à travers l’étude des Nôs) prolonge l’œuvre du Vieux-Colombier dans une postérité pratique au travers des enseignements et réalisations scéniques de Jean Dasté, Étienne Decroux, Jacques Lecoq, Ariane Mnouchkine ou Peter Brook qui revendiquent cet héritage antinaturaliste. Son mot d’ordre « si l’on n’est pas Michel-Ange, être le ciseau de Michel-Ange » revient telle une devise dans la lettre qu’elle adresse en mai 1951 à Maurice Kurtz, premier biographe de Jacques Copeau à qui elle demande de conserver son « anonymat », anonymat dont Virginia Woolf écrit qu’il court dans les veines des femmes[15]. L’« effacement » auquel Suzanne Bing attribue une haute valeur morale[16] campe sa posture historiographique : elle œuvre à son propre oubli et minimise l’importance de sa collaboration.
Et pourtant, dans le passage cité ci-dessus de « Petite suite », et tout au long de « ses souvenirs », celle qui traduisit Shakespeare, interpréta de nombreux rôles, élabora une pédagogie de la dramaturgie pour l’école du Vieux-Colombier, traite sa vie comme une histoire. Pour le dire avec les mots de Pierre Bourdieu, elle « dégage une logique à la fois rétrospective et prospective, une consistance et une constance en établissant des relations intelligibles[17] », cette même construction de l’intelligibilité, organisation des événements, mise en ordre et hiérarchisation dans un récit, constituant pour Paul Ricœur, le travail même de l’historien[18]. La « production de soi » par Suzanne Bing, que Bourdieu oppose à « une présentation de soi[19] », n’est-elle pas le propre des écrivains ou d’un metteur en scène comme Jacques Copeau qui avait rêvé d’être romancier et qui, à travers la constitution d’un fonds d’archives et d’une production discursive variée (journaux, souvenirs, conférences), « pré-configure[20] » son histoire. Cette histoire endogène est ensuite prise en charge par les femmes de sa famille (sa fille et sa nièce sont les éditrices des Registres envisagés par Copeau avec Gallimard dans les années 1940) puis par les historiens du théâtre. Observons par exemple la façon dont Les Souvenirs du Vieux Colombier ont fourni une source majeure à Marcel Doisy ou Clément Borgal pour l’écriture de biographies contestées par d’autres acteurs de ces mêmes événements, comme Léon Chancerel par exemple[21].
Cette « force de configuration jusqu’ici peu aperçue[22] » comme la conscience historique dans laquelle s’inscrivent les écrivains, auxquels nous ajoutons les metteurs en scène, ont été mises en évidence dans Une Histoire littéraire des écrivains. Ainsi, produire le récit biographique de Suzanne Bing constitue en outre un levier épistémologique pour comprendre, à la fois par analogie et en creux, les processus interprétatifs et reconstructifs présents dans l’histoire de Jacques Copeau. Rappelons les différentes significations et modalités que peut revêtir le terme histoire : l’histoire vécue, l’histoire-document[23], l’histoire subjective et artistique écrite par Copeau lui-même, l’histoire à portée scientifique telle qu’elle a été et est enseignée à l’université, participant à l’élaboration d’un patrimoine de la valeur artistique et développant « une identité collective de la discipline[24] ».
L’histoire de Suzanne Bing comporte deux autres intérêts épistémologiques :
– elle permet, à l’instar des travaux de Howard Becker, de comprendre les œuvres d’art dans leur réseau de production et de collaboration collective[25], et de sortir des hagiographies de génie singulier,
– elle nous paraît exemplaire de la marginalisation des femmes dans l’histoire de la mise en scène en France dans la première moitié du XXe siècle.
De l’exclusion des femmes du régime des metteurs en scène
À une époque où les suffragettes luttent pour l’obtention du droit de vote pour les femmes, ces dernières sont exclues d’une sociabilité d’artistes érudits (ceux de la Nouvelle Revue Française (NRF) pour Copeau), d’une production théorique et d’une intellectualisation sur laquelle repose la légitimité nouvellement acquise de metteurs en scène souvent fondateurs de revues aux côtés de leur théâtre, critiques, rédigeant des traités et laissant des traces pour la postérité, comme nous l’avons vu pour Copeau[26]. Notons toutefois la présence dans ces premières années du vingtième siècle de dramaturges et metteuses en scène telles que Véra Starkoff, autrice, actrice et metteuse en scène de pièces féministes et anarchistes comme L’Amour libre, lectrice de La Maison de poupée d’Ibsen dans les Universités Populaires, qui fonde le Théâtre d’idées en 1909. Une autre figure marquante est celle Nelly Roussel qui en 1913 fait d’Ève dans La Faute d’Ève, une femme qui se rebelle contre le jardin d’Eden, se réjouissant d’en être chassée pour vivre librement. Le théâtre de société, non soumis à la censure, devient une tribune pour les dramaturges metteuses en scène syndicalistes et féministes qui louent ponctuellement des établissements semi-publics pour donner leurs pièces à un public plus large. Leurs mises en scène s’adressent cependant à un cercle restreint de militant.e.s qui se retrouvent après les représentations autour des conférences et discussions, notamment sur les droits civiques des femmes. Ses autrices-metteuses en scène ont souvent recours à des interprètes amateurs. Elles ne jouissent pas de la même reconnaissance artistique, du même accès à l’espace public, ni du même pouvoir de critique dramatique via la presse spécialisée[27]. Les archives du Syndicat de la critique dramatique indiquent que seules quatre femmes critiques se dispensent de travestir leur signature entre 1877 et 1950. Cet ostracisme qui lie droits civiques, discours critique et intellectuel, et légitimité artistique, hérite d’une exclusion qui fut inscrite dans les textes : l’ordonnance royale de 1824, portant règlement des salles de spectacles spécifiait en son article 5, « les directions de troupes ne pourront être confiées à des femmes. »[28]
Ces éléments contextuels permettent de comprendre la place qui est attribuée à Suzanne Bing, du temps de son vivant et dans l’historiographie. Claude Sicard, comme d’autres historiens du Vieux-Colombier, tout en rendant hommage à Suzanne Bing, loin de déconstruire les modalités historiquement situées de son discours (dénégation de sa contribution artistique en lien avec l’exclusion des femmes de la sphère politique, rationnelle et institutionnelle), s’empare de son vocabulaire quand il écrit en introduction aux Registres VI consacrée à L’École du Vieux-Colombier : « Il faut le dire clairement : sans elle, Copeau n’eût jamais pu réaliser son rêve [l’école]. Dès les débuts du Vieux-Colombier, elle s’y était consacrée, ayant comme intuitivement perçu la beauté, la grandeur du sacrifice que le Théâtre et son serviteur ici-bas attendaient d’elle. Pénétrée du Verbe magistral, elle accepta de s’en faire l’apôtre[29] ». Dans le cas Copeau-Bing, la division sexuelle du travail, entre la femme-actrice-muse qui prolonge ses qualités maternelles en étant éducatrice, et l’homme metteur en scène qui accède à l’autorité et l’auctorialité artistiques, est ainsi dissimulée dans un discours littéraire et artistique rassurant de « différence naturelle », ou dans celui « d’un commerce heureux entre les sexes[30] », « version fantasmée du passé[31] » qui constituerait la singularité française.
Au rebours d’une telle adhésion aux discours des acteurs de l’histoire, notre entreprise d’écriture de la biographie de Suzanne Bing met en exergue le contexte social et esthétique de leur production pour entendre la façon dont les événements ont été vécus à l’époque puis reconstruits dans différents récits historiques, implicitement masculinistes. En ce sens, l’approche biographique complexifie le récit historique : au travail de recouvrement et de réhabilitation de figures de femmes « se superpose une interrogation sur les raisons institutionnelles de l’exclusion[32] ». Ainsi, dans la perspective d’une histoire du genre, est examinée la construction relationnelle de la place des hommes et des femmes dans le monde des « théâtres d’art », y compris au niveau de dispositions vécues comme intimes (l’ambition, l’abnégation, etc.), dans des tâches plus ou moins valorisées de la hiérarchie sociale de la création. La biographie revêt alors le caractère d’une prosopographie : elle illustre « des formes typiques de comportement[33] ». Le talent est en effet lui-même assujetti à des encouragements, à une éducation, à des représentations, à des instances de consécration tenues par des réseaux informels de sociabilité masculine et de cooptation, et à des conditions matérielles propices d’exercice du métier déterminées selon l’époque, le genre, la classe et la couleur de peau. Transposons les questions que pose Linda Nochlin sur l’impossibilité institutionnelle pour les femmes de parvenir à une excellence artistique[34] et demandons-nous ce qu’il serait advenu de Suzanne Bing si elle avait, comme Charles Dullin ou Louis Jouvet, connu les mêmes possibilités que celles offertes aux hommes de théâtre de l’époque. Si Shakespeare avait eu une sœur aussi douée que lui se demande Virginia Woolf dans Une Chambre à soi ? « Et si Picasso [dont le père était professeur aux Beaux-arts] avait eu une fille […], l’aurait-il autant encouragée dans la voie de l’ambition et du succès ? », écrit Linda Nochlin[35]. Avant les années 1950, avant que les femmes jouissent de la parole publique grâce au droit de vote et d’éligibilité, « la mise en scène est un domaine presque exclusivement réservé aux hommes ; pour une femme, s’y risquer est une aventure »[36].
Les oubliées des oubliés de l’histoire du théâtre
En 1995, le Centre d’Études théâtrales consacre le numéro 8 de sa revue Études théâtrales aux Femmes de théâtre, travail pionnier de visibilisation et de réhabilitation, qui ne pose pas cependant de questions historiographiques. Philippe Ivernel présente les onze études réunies comme étant le fruit d’un « engagement », celui d’un « groupe de recherche spontané, hors institution », réunissant Sieghild Bogumil, Sabine Cornille, Jonny Ebstein, Isabelle Famchon, John Hugues, Philippe Ivernel, Paulette Soubeyrand et Monique Surel-Tupin. Ce groupe, écrit-il, a souhaité concourir à « réparer un oubli ou un tort » dont Marguerite Duras aurait « pris toute la dimension » dans un chapitre de La Vie matérielle intitulé « Théâtre[37] ». Il cite Marguerite Duras :
Depuis 1900 on n’a pas joué une pièce de femme à la Comédie-Française, ni chez Vilar au TNP, ni à l’Odéon, ni à Villeurbanne, ni à la Schaubühne, ni au Piccolo Teatro de Strehler, pas un auteur femme ni un metteur en scène femme. Et puis Sarraute et moi nous avons commencé à être jouées chez les Barrault. Alors que George Sand était jouée dans les théâtres de Paris. Ça a duré plus de 70 ans, 80 ans, 90 ans. Aucune pièce de femme à Paris ni peut-être dans toute l’Europe. Je l’ai découvert. On ne me l’avait jamais dit. Pourtant c’était là autour de nous. Et puis un jour j’ai reçu une lettre de Jean-Louis Barrault me demandant si je voulais bien adapter pour le théâtre ma nouvelle intitulée :
Des journées entières dans les arbres. J’ai accepté. L’adaptation a été refusée par la censure. Il a fallu attendre 1965 pour que la pièce soit jouée. Le succès a été grand. Mais aucun critique n’a signalé que c’était la première pièce de théâtre écrite par une femme qui était jouée en France depuis près d’un siècle[38].
En même temps que Marguerite Duras semble déplorer le destin de la grande majorité des femmes dramaturges dont les textes furent écartés des scènes nationales, elle met en avant son statut de « femme exceptionnelle », de pionnière reconnue et témoigne de sa différence avec la grande majorité des femmes artistes appartenant au groupe des exclues des valeurs dominantes[39]. Philippe Ivernel indique bien avoir renoncé […] « à esquisser une histoire du théâtre en quelque sorte alternative du point de vue considéré[40] ». En effet, il répète, sans l’interroger, un mythe concernant « l’absence supposée de femmes auteurs dramatiques[41] » dans l’histoire. Or, Michelle Perrot, Arlette Farge et la première génération de l’histoire des femmes l’ont répété : le silence dans le récit historique n’est pas l’absence dans l’histoire-événement. L’histoire procède d’une volonté de savoir qui, « en ce qui concerne les femmes, […] a longtemps manqué[42] », écrit Michelle Perrot.
Pour Aurore Evain, éditrice du Théâtre des femmes de l’Ancien Régime, la déclaration de Marguerite Duras résume non pas « l’histoire telle qu’elle s’est jouée » mais « telle qu’elle a été écrite et transmise au cours de ces dernières décennies », les femmes dramaturges elles-mêmes étant dans « un déni de l’histoire [43] ». Les chiffres des journaux, des programmes des théâtres publics et privés, ainsi que ceux de Cécile Beach comptent « une centaine d’autrices sous l’Ancien Régime, 350 au XIXe ; 1500 au XXe siècle[44] ». Reconnaître les modèles d’identification des artistes dramatiques femmes, rendre légitime l’accès des femmes d’aujourd’hui à des postes de création et d’autorité requiert en effet une volonté de savoir, car elles furent de fait moins nombreuses que leurs homologues masculins. « Le vrai miracle, poursuit Linda Nochlin dans son article Pourquoi n’y a-t-il pas de grands artistes femmes ?, est qu’en dépit d’un sort si contraire, tant de femmes, tant de noirs aient réussi à atteindre un tel degré de perfection dans ces dominions de l’apanage blanc masculin que sont les sciences, la politique et les arts [45]».
L’introduction rédigée par Martial Poirson et Tiphaine Karsenti à un numéro relativement récent (2009) d’Études théâtrales consacré aux mécanismes d’oubli de certains répertoires dramatiques et aux choix en marge de répertoires délaissés, revient sur « la valeur symbolique[46] » produite par les choix des textes mis en scène. L’introduction des deux auteurs, qui déplorent l’absence de contribution portant sur les textes d’autrices dans le volume qu’ils dirigent, remet en question ce que des chercheuses en sociologie de l’art et du genre ont appelé le « darwinisme esthétique », selon lequel « seules les œuvres de valeur, celles qui “parlent” à l’humanité dans toute sa diversité, résisteraient à l’épreuve du temps[47] ». Le choix d’un texte ou corpus, expliquent Martial Poirson et Tiphaine Karsenti, est le signe qu’il a acquis une certaine légitimité dès lors renforcée dans la mémoire collective parce que rendu visible dans une institution culturelle. Un tel choix « [vient] faciliter ou entretenir son accès aux autres instances de consécration patrimoniales : l’école, l’édition, la recherche, par exemple [48]». Dans un « examen de conscience auto-critique », le vide laissé au sujet de textes de femmes dramaturges est évoqué par Martial Poirson et Tiphaine Karsenti comme un signe tenace d’ostracisme. Ils écrivent : « […] l’écriture féminine est l’oubliée parmi les oubliés, puisqu’elle ne figure pas dans la liste des textes évoqués au sein de ce volume, signe s’il en est des interactions entre hiérarchies sociales et axiologies implicites du répertoire[49] ». Y compris les dramaturges femmes les plus notoires (Noëlle Renaude, Catherine Anne, Denise Bonal, Simone Benmussa ou Hélène Cixous) n’ont pas droit au chapitre, ce même chapitre, qui fait l’objet d’un essentialisme stratégique et provisoire, selon l’expression de certaines féministes, car tout en constituant la première étape d’une visibilisation des productions féminines, il entérine leur dite spécificité. Qu’à la fin des années 2000, cette absence soit déplorée constitue une première étape nécessaire pour interroger une histoire du théâtre résolument non mixte. Un tel constat dans une entreprise aussi bien intentionnée sur les oublis en dit long sur l’état de la question dans les Études théâtrales françaises en 2009 et sur le peu d’historien.ne.s du théâtre au sein de l’institution animé.e.s par les débats liés au genre. Dans l’état actuel des travaux français sur la question, les Études théâtrales et l’histoire telle qu’elle se conçoit dans les départements d’Études théâtrales peuvent être considérées comme une « technologie du genre » selon la locution de Teresa de Lauretis : un ensemble de pratiques discursives, qui ne se contentent pas d’analyser l’objet « théâtre » dans sa diversité, mais qui participent à la production et à la promotion de normes de genre, au traitement inégal des hommes et des femmes, à la construction du sexisme et d’oppositions hiérarchisées telles que « masculin/ féminin, nature/ culture, raison/ sentiments, privé/ public[50] ». La situation est différente en histoire culturelle – pensons aux travaux d’Odile Krakovitch ou de Christophe Charle qui produit des statistiques sexuées, constate une féminisation croissante de la profession d’interprètes à partir de 1890, fait part de plus d’options de reconversion pour les hommes acteurs et présente Les Théâtres en capitales comme « l’un des lieux centraux de l’affrontement des sexes »[51]. En Études théâtrales, l’oubli non-évoqué, non-réparé de la place des femmes dans le théâtre, les informulés quant à leur exclusion des sphères les plus reconnues de la profession au cours de l’histoire (mises en scène, programmation et directions des théâtres nationaux[52]) relaie au présent l’ordre binaire du genre et un accès différencié aux instances de consécration, aux moyens de production et à la réputation de génie singulier, historiquement associé à une hégémonie masculine blanche[53]. Plusieurs recherches laissent présager d’une ouverture à venir à la croisée de l’histoire du genre et du théâtre : des doctorats en Études théâtrales, une série de séminaires et événements scientifiques consacrés à ces questions[54], les travaux récents, déjà mentionnés, d’Aurore Evain en histoire, ceux de Muriel Plana qui publie Théâtre et féminin en 2012, d’Anne-Françoise Benhamou, qui consacre en 2007 un numéro de la revue Outrescène à la question des « Metteuses en scène » et en 2011, un autre à celle des « Rôles féminins dans le théâtre d’aujourd’hui », ou la contribution de Josette Féral dont le troisième tome de Mise en scène et jeu de l’acteur en 2007 contient exclusivement des entretiens de metteuses en scène.
La situation est tout autre dans le monde anglo-saxon des Études théâtrales qui, à partir de 1989, voit la publication de plusieurs travaux décisifs en histoire du théâtre et du genre, et compte à présent plusieurs readers, companions et manuels. Un chercheur renommé pour ses travaux en histoire et historiographie du théâtre comme Thomas Postlewait considère que les perspectives ouvertes par les Études féministes et de genre, les Études postcoloniales et le matérialisme culturel comme un des bénéfices majeurs des dernières décennies[55]. Susan Bennett, dans une contribution à un ouvrage collectif publié en 2000, compare les éditions de 1979 et 1991 de la célèbre anthologie Masterpieces of the drama[56]. Constatant qu’à l’édition de 1991, ont été ajoutés trois extraits de textes d’autrices, elle écrit :
[…] même les expressions les plus conventionnelles des pratiques canoniques au sein du « business » des Études théâtrales – ces anthologies qui ciblent les étudiants de première année à l’université – témoignent de la conscience, orientée par le marché, de ce nouveau fait historique : certaines femmes ont écrit de bonnes pièces qui peuvent être incluses dans le canon élargi de la littérature dramatique [57].
Les premiers articles qui portent sur le théâtre de femmes dramaturges françaises sont écrits par des Anglo-saxonnes dans les années 1980. Jane Moss rédige « Women’s theater in France » dans la revue Signs. Journal of Women in Culture and Society[58] et Judith Graves Miller « Contemporary Women Voices in French Theater » dans la revue Modern Drama en 1989. Dans ce no women’s land français, signalons cependant l’article de Monique Surel-Tupin[59] et en 1967, sous l’impulsion de Jeanne Laurent qui préface l’ouvrage, la traduction de Enter the actress, de Rosamond Gilder[60] (élue présidente de l’Institut International du Théâtre en 1963) paru aux États-Unis en 1930.
Histoire des femmes et du genre, histoire du théâtre : des étanchéités disciplinaires
En 1995, au moment de la parution du numéro d’Études théâtrales sur les femmes de théâtre, l’histoire des femmes est, depuis quelques années, un champ d’études constitué et reconnu en France. Pierre Bourdieu avait signé en 1992 sa Domination masculine, « livre fanal » qui légitima le champ, selon l’expression de Michelle Perrot[61]. C’est en 1978-1979, de manière clandestine, que se réunissaient les pionnières de l’histoire des femmes, Michelle Perrot, Arlette Farge, Geneviève Fraisse, et bien d’autres. « En marge de [leurs] obligations professionnelles, dans une totale liberté, elles lisent, réfléchissent, débattent, s’approprient la réflexion féministe, notamment nord-américaine aussi bien que les ouvrages de Maurice Godelier ou Georges Duby[62] ». En 1983, un colloque organisé à Saint Maximin s’intitule timidement Une histoire des femmes est-elle possible ? L’ensemble de ces recherches fut synthétisé dans L’Histoire des femmes en Occident en cinq volumes, parue en 1992, publication majeure qui octroya à l’histoire des femmes « un changement de statut[63] ». S’il s’agissait pour Michelle Perrot et Georges Duby de présenter « un métier d’hommes qui écrivent l’histoire des hommes, présentée comme universelle[64] », il est davantage question dans ces volumes de la représentation des femmes et non par les femmes pour reprendre la formulation répandue par l’historienne du théâtre Tracy Davis[65].
Un numéro des Cahiers du GRIF, « Le genre de l’histoire », dirigé par Christine Planté, Michèle Riot-Sarcey et Eleni Varikas, paraît au printemps 1988. Il publie la traduction française d’Eleni Varikas d’un article de Joan W. Scott devenu célèbre : « Gender : a Useful Category of Historical Analysis ». Il fait état du passage d’une histoire des femmes, telle que l’a défendue Michelle Perrot à une histoire du genre qui vise à expliciter les raisons de l’exclusion des femmes « en marge des institutions et des systèmes de savoir[66] ». L’introduction des trois directrices du numéro prend des allures de manifeste :
Le projet d’une histoire des femmes présuppose connu ce qu’est l’objet femme, sans interroger les discours fondateurs de cet objet, qu’il fige en une entité séparée, au nom d’un essentialisme naturiste ou d’un déterminisme mécaniste. Or, l’histoire des femmes, pensons-nous, ne peut s’écrire indépendamment de celle des rapports de pouvoir, ni de celles des hommes.
Notre projet consiste donc non pas à faire l’histoire des femmes mais à réintégrer les femmes dans l’histoire, en cessant de les considérer comme un objet présupposé pour les saisir comme sujets en devenir dans et par le langage […][67].
Le concept de genre rend visibles les constructions de masculinités plurielles au cours du temps et défait l’idée d’une homogénéité ou d’une nature atemporelle des femmes et des hommes[68].
Les études de genre bénéficient en France depuis une dizaine d’années d’une ouverture institutionnelle et éditoriale sans précédent. L’assise de l’histoire du genre est effective. Alain Corbin, par ailleurs membre de la revue Clio. Femmes, genre, histoire fondée en 1995, préface en 2007 l’œuvre de référence de Françoise Thébaud, Écrire l’histoire des femmes, reconnaissant l’importance d’une « lecture sexuée », d’un regard épistémologique qui déconstruit et détecte des sources, déployant « les angles morts » et « les points aveugles » des récits historiques[69]. Christine Planté, Geneviève Sellier, Florence Launay et Hélène Marquié ont chacune respectivement ouvert les horizons de l’histoire de la littérature, du cinéma, de la musique et de la danse à l’histoire du genre. Une nouvelle génération, reconnue par les institutions universitaires, prolonge le travail de ces pionnières. Leur approche qui n’est ni exclusive, ni impérialiste, ni déterministe, ni idéologique, reconnaît que « l’historien n’est jamais absent de l’histoire qu’il produit[70] ». Les historien.ne.s sont, non pas des témoins impartiaux d’une histoire-événements que les archives livreraient indemnes de toute stratégie patrimoniale, collective ou individuelle, mais des producteurs de l’histoire dans leur façon de sélectionner les sources, de les examiner, et de les mettre en contexte et en récit. Si l’écriture d’une biographie de Suzanne Bing rend compte, à son niveau, de ces processus, elle interroge aussi la fabrique du récit qui l’a mise à l’écart, et le scepticisme des Départements d’études théâtrales vis-à-vis de l’histoire du genre. Ainsi, nous pourrions avec Nicole-Claude Mathieu explorer le lien entre relecture épistémologique et valeurs hégémoniques : « alors qu’il est admis (depuis la fin de l’Inquisition ?) que toute “science” ne progresse que par la critique d’elle-même, seuls les majoritaires font de “l’épistémologie”, les minoritaires et les novateurs faisant… de “l’idéologie”[71] ».
L’histoire du genre nous donne des outils pour comprendre la division sexuelle du travail théâtral entre hommes et femmes, l’apparition subversive des actrices dans l’espace public aux XVIe et XVIIe siècles[72], la façon dont les représentations théâtrales viennent le plus souvent relayer (parfois transgresser) les normes de genre et les identités. Elle nous permet de discerner de nouveaux objets comme l’histoire des théâtres féministes en France, de Maria Chéliga[73] à la troupe de la Carmagnole des années 1970, et de considérer les raisons historiographiques de leur condamnation en tant qu’objet d’étude légitime. Parions que les questions historiographiques nouvellement soulevées dans les départements d’Études théâtrales, et l’intérêt des étudiant.e.s de ces mêmes départements pour comprendre les rapports sociaux de sexe, leurs enjeux et représentations, rendront rapidement caduc le présent état des lieux.
Annexe : deux photographies de Suzanne Bing dans L’Illusion
En septembre 1924, Jacques Copeau, Suzanne Bing et plusieurs comédiens, collaborateurs et étudiants du Vieux-Colombier partent en Bourgogne pour se consacrer à l’expérimentation. Ceux que les habitants surnomment les « Copiaus » créent en septembre 1927, L’Illusion, adaptation de L’Illusion comique de Molière et de La Célestine de Fernando de Rojas. Suzanne Bing tient deux rôles : la comédienne et la Célestine.
Notes
L’auteur et l’éditeur remercient François-Noël Bing de nous autoriser à publier les photos du fonds privé de Suzanne Bing.
[1] Archives privées de Suzanne Bing mises à notre disposition par François-Noël Bing, fils de Bernard Bing, petit-fils de Jacques Copeau et Suzanne Bing.
[2] C’est ainsi que Copeau la nomme dans les lettres qu’il lui adresse en 1926, Fonds Bing.
[3] « Suzanne Bing, complice de Jacques Copeau », communication dans le cadre de la seconde journée d’études organisée par Léonor Delaunay, Marion Denizot et Joël Huthwohl consacrée aux « Oublis de l’histoire du théâtre », mai 2014, à la BnF.
[4] Néologisme employé par la poétesse Robin Morgan dans l’anthologie de textes féministes Sisterhood is Powerful: An Anthology of Writings From The Women’s Liberation Movement, New York, Random House, 1970, p. 551 dans l’acronyme WITCH (Women Inspired to Commit Herstory). Le terme est repris par les historiennes américaines et expliqué par Françoise Thébaud, Écrire l’histoire des femmes et du genre, Lyon, ENS éd., 2007, p. 68 : « […] herstory, réponse à, réplique inversée à la discipline history qui ne connaît que les hommes et les activités masculines ».
[5] Voir Giovanni Levi, « Les usages de la biographie », Annales. Économie, Sociétés, Civilisations, vol. 44, n°66, 1989, p. 1330, citée par Michel Vovelle, « De la biographie à l’étude de cas », dans Problèmes et méthodes de la biographie, Publications de la Sorbonne, Paris, 1985, p. 191. Comme le montre Thomas Postlewait dans Thomas Postlewait et Bruce A. McConachie (dir.), « Autobiography and Theatre History », Interpreting the theatrical Past, Essays in the Historiography of Performance, University of Iowa, 1989, p. 248-272, autobiographies, confessions, et biographies d’actrices participent activement à l’industrie théâtrale du XIXe siècle : elles consistent à donner une version acceptable de sa condition de femme, à « […] maintenir un masque public même quand il s’agit d’écrire à la première personne » (« […] these autobiographies are models of how to maintain a public mask even when writing in the private voice »), p. 268.
[6] Marion Denizot, texte de présentation de la première journée d’études consacrée aux « Oublis de l’histoire du théâtre : enjeux historiographiques (I) » sur le site de l’Université de Rennes 2, consultable à l’adresse http://www.sites.univ-rennes2.fr/arts-pratiques-poetiques/les-oublis-de-lhistoire-du-theatre-enjeux-historiographiques-i/.
[7] Diversité prônée par Patrick Boucheron, aux côtés de l’érudition et de l’imagination, dans sa leçon inaugurale au Collège de France du 17 décembre 2015 reprise dans son article « Ce que peut l’histoire », Le Monde, 1er janvier 2016.
[8] Lettre de recommandation à l’attention de la direction de l’école de préparation des professeurs de français à l’étranger en 1926 où Suzanne Bing sera engagée. Nous lui avons consacré un article qui laisse entrevoir l’ampleur de son action dans l’aventure du Vieux-Colombier : Raphaëlle Doyon, « Suzanne Bing, collaboratrice de Jacques Copeau. Enquête sur la constitution d’un patrimoine théâtral », Les Cahiers du LabEx CAP, n°1, juin 2015, La Construction des patrimoines en question : contextes, acteurs, processus, Publications de La Sorbonne, p. 10-64.
[9] Christophe Charle, « Des artistes en bourgeoisie. Acteurs et actrices en Europe occidentale au xixe siècle », Revue d’histoire du XIXe siècle, « La bourgeoisie : mythes, identités, pratiques », Sylvie Aprile, Manuel Charpy et Judith Lyon-Caen (dir.), 2007-34, p. 82 et 87.
[10] Les termes « déjà », « dès lors », « depuis son plus jeune âge » décèlent pour Pierre Bourdieu les éléments d’une illusion biographique dans laquelle la vie « constitue un ensemble cohérent et orienté », Pierre Bourdieu, « L’illusion biographique », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 62-63, juin 1986, p. 69-72, (p. 69).
[11] Suzanne Bing, « Petite suite » signée Ariel Éclopée (la traductrice de Shakespeare se considère éclopée depuis les deux attaques hémiplégiques qu’elle subit en 1935 et 1941), Fonds Copeau, BnF, en cours de cotation, p. 11 du manuscrit.
[12] Terme qu’elle emploie à partir de 1934 à plusieurs reprises dans ses lettres à Jacques Copeau.
[13] Fonds Copeau, BnF, en cours de cotation.
[14] Étienne Decroux, Paroles sur le mime, Paris, Gallimard, 1963, p. 18.
[15] Virginia Woolf, Une Chambre à soi, Paris, Denoël, 1992, [1929], p. 76.
[16] Elle écrit à J. Copeau le 3 mars 1944 : « Éliante est quelqu’un qui s’efface. C’est donc quelqu’un. »
[17] Pierre Bourdieu, op. cit., p. 69.
[18] Paul Ricœur, Temps et Récit, 1. L’intrigue et le récit historique, Paris, Seuil, 1983, p. 127 : « Une histoire d’autre part, doit être plus qu’une énumération d’événements dans une ordre sériel, elle doit les organiser dans une totalité intelligible […] ».
[19] Pierre Bourdieu, op. cit., p. 70.
[20] Introduction de Vincent Debaene, Jean-Louis Jeannelle, Marielle Macé et Michel Murat, « Qu’est-ce que l’histoire littéraire des écrivains ? », L’Histoire littéraire des écrivains, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2013, p. 21.
[21] Marcel Doisy, Jacques Copeau ou l’Absolu dans l’art, Paris, Le Cercle du Livre, 1954, et Clément Borgal, Jacques Copeau, Paris, L’Arche, coll. « Le Théâtre et les jours », 1960. Voir les notes inédites en marge du livre de Marcel Doisy, Fonds Chancerel, SHT.
[22] Vincent Debaene et al., op. cit., p. 21.
[23] Sur ces distinctions et l’histoire-document dans les arts du spectacle, voir Thomas Postlewait, The Cambridge introduction to theatre historiography, Cambridge, Cambridge university press, 2009, 22e éd., p. 2.
[24] Séverine Sofio, Perin Emel Yavuz et Pascale Molinier, « Introduction. Les arts au prisme du genre, la valeur en question », Cahiers du genre, vol. 2, n°43, 2007, p. 11, qui citent Peter Baehr, Mike O’Brien, « Canons », Current Sociology, vol. 42, n° 1, printemps 1994.
[25] Howard Becker, Les Mondes de l’art, traduit de l’anglais par Jeanne Bouniort, Paris, Flammarion, 2010, [1982]. Voir par exemple le chapitre 1 : « Mondes de l’art et activité collective », p. 27-88.
[26] Roxane Martin, « La “naissance” de la mise en scène et de sa théorisation », dans Roxane Martin et Marina Nordera (dir.), Les Arts de la scène à l’épreuve de l’histoire : les objets et les méthodes de l’historiographie des spectacles produits sur la scène française, 1635-1906, Paris, Honoré Champion, 2011, p. 156‑172.
[27] Voir Au temps de l’anarchie, un théâtre de combat, 1880-1914, textes choisis, établis et présentés par Johnny Ebstein, Phillipe Ivernel, Monique Surel-Tupin et Sylvie Thomas, Paris, Éd. Séguier-Archimbaud, 2001. Également l’ouvrage de Cecilia Beach, Staging Politics and Gender, Palgrave Macmillan, New York, 2005 qui consacre les six chapitres de son ouvrage à Louise Michel, Nelly Roussel, Véra Starkoff, Madeleine Pelletier, Marie Lenéru. Louise Lara, sociétaire de la Comédie-Française de 1899 à 1919, fonde avec son mari Édouard Autant la Compagnie Art et liberté puis le laboratoire Art et Action (1919-1939) « pour l’affirmation d’œuvres modernes ». Elle signe et co-signe dans ce cadre plusieurs mises en scène « sur les 200 femmes dramaturges jouées au xixe siècle, dont la plupart utilise un pseudonyme, 136 écrivent pour les salons ou associations, restant ainsi dans une sphère relativement privée, à l’abri d’un « souci de rentabilité, de critique, de succès, d’audience », voir Odile Krakovitch, « Les femmes dramaturges et les théâtres de société au xixe siècle », dans Jean-Claude Yon, Nathalie
Le Gonidec, Tréteaux et paravents. Le Théâtre de société au xixe siècle, Paris, Creaphis éditions, 2012, p. 185.
[28] Cité par Odile Krakovitch, « L’exclusion des femmes de la Création Théâtrale », Diplômées, revue trimestrielle de l’Association Française des Femmes Diplômées des Universités (AFFDU), n°207, décembre 2003, p. 192.
[29] Claude Sicard, Préface, Les Registres du Vieux-Colombier VI, L’École du Vieux-Colombier, Paris, Gallimard, 1999, p. 20.
[30] Mona Ozouf, Les Mots des femmes. Essai sur la singularité française, Paris, Fayard, 1995, p. 11.
[31] Sur la théorie de la séduction artistique et littéraire, voir Joan W. Scott, « La séduction, une théorie française », De l’utilité du genre, traduit de l’anglais (États-Unis) par Claude Servan-Schreiber, Paris, Fayard, 2012, p. 157-189.
[32] Vanessa Gemis, « La biographie genrée : le genre au service du genre », dans La question biographique en littérature, n° spécial de COnTEXTES, Revue de sociologie de la littérature, juin 2008, http://contextes.revues.org/2573, consulté le 5 octobre 2015.
[33] Giovanni Levi, « Les usages de la biographie », Annales. Économie, Sociétés, Civilisations, vol. 44, n°66, 1989, p. 1330.
[34] Linda Nochlin, « Pourquoi n’y a-t-il pas eu de grands artistes femmes ? » [1971], Femmes, Art et Pouvoir, Nîmes, Jacqueline Chambon, 1993, p. 240-241, écrit dans la conclusion de son article : « En analysant assez en détail un unique exemple d’empêchement ou de préjudice – la défense faite aux étudiantes en art de travailler sur des modèles nus – j’ai voulu suggérer qu’il était de fait institutionnellement impossible que les femmes parviennent à l’excellence, ou au succès, artistique sur un pied d’égalité avec les hommes, quelle que soit par ailleurs la mesure de leur talent ou génie présumé. »
[35] Ibid., p. 214.
[36] Sabine Cornille, Paulette Soubeyrand, Monique Surel-Tupin, « Metteuse en scène : une image à créer, un rôle à inventer », Femmes de théâtre. Pour une scène sans frontières, Cahiers d’Études théâtrales, Centre d’Études théâtrales, Université catholique de Louvain, n°8, 1995, p. 41.
[37] Philippe Ivernel, « Présentation », Ibid., p. 7.
[38] Idem.
[39] Michèle Riot-Sarcey et Éléni Varikas, « Réflexions sur la notion d’exceptionnalité », Les Cahiers du GRIF, n°37-38, no 1, 1988, p. 77‑89.
[40] Philippe Ivernel, loc. cit., p. 7.
[41] Aurore Evain, « Éditer le théâtre des femmes de l’Ancien Régime », Communication donnée à l’occasion des 4ème rencontres de la SIEFAR : « Projets collectifs et réseaux de recherche sur les femmes de l’Ancien Régime », vendredi 8 juin 2007, American University of Paris, http://www.theatredefemmes-ancienregime.org/wp-content/uploads/2011/12/Editer-le-th%C3%A9%C3%A2tre-des-femmes-de-lAncien-R%C3%A9gime.pdf, consulté le 5 septembre 2012. Pour se défaire du préjugé sur l’absence de femmes dramaturges dans l’histoire du théâtre et au vingtième siècle, voir Cecilia Beach, French women playwrights of the twentieth century. A checklist, Wesport, Connecticut, London, Greenwood Press, 1996, qui décompte 1 500 autrices qui écrivent tout au long du siècle.
[42] Michelle Perrot, « Introduction générale », Les Femmes ou les Silences de l’histoire, Flammarion, 1998, p. V.
[43] Aurore Evain, loc. cit., p. 2.
[44] Ibid, p. 1.
[45] Linda Nochlin, loc. cit., p. 208.
[46] Tiphaine Karsenti et Martial Poirson, « L’exception sur la scène théâtrale : un crime de lèse-répertoire », Études théâtrales, Mémoires de l’oubli. Aux marges du répertoire de l’Antiquité à nos jours, n°44-45, 2009, p. 8.
[47] Séverine Sofio, Perin Emel Yavuz et Pascale Molinier, « Les arts au prisme du genre : la valeur en question. Introduction », Genre, féminisme et valeur de l’art, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 10.
[48] Tiphaine Karsenti et Martial Poirson, loc. cit., p. 8.
[49] Ibid., p. 22. Rappelons qu’en 2015-2016, dans les théâtres nationaux, seuls 18% sont des textes montés sont des textes de femmes.
[50] Sur ces oppositions binaires, voir par exemple Pascale Molinier, « Genre, travail et sexualité », dans Laurie Laufer et Florence Rochefort (dir.), Qu’est-ce que le genre ?, Paris, Payot & Rivages, coll. « Institut Émilie du Châtelet », 2014, p. 154.
[51] Christophe Charle, Théâtres en capitales, Naissance de la société du spectacle à Paris, Berlin, Londres et Vienne, Paris, Albin Michel, 2008 ; voir l’introduction et le chapitre 3 « Acteurs et actrices en quête de personnages ». Voir les travaux d’Odile Krakovitch, cité tout au long de l’article et « Sous la patrie, le patriarcat : la représentation des femmes dans le théâtre de la Grande Guerre » dans Odile Krakovitch et Geneviève Sellier (dir.), L’Exclusion des femmes. Masculinité et politique dans la culture au XXe siècle, Paris, Édition Complexe, coll. « Histoire culturelle », 2001, p. 27-54.
[52] La situation diffère dans les théâtres privés : en 1935, Marie Bell prend la direction du Théâtre des Ambassadeurs, puis en 1962, celle du Théâtre du Gymnase ; Élvire Popesco dirige le Théâtre de Paris (de 1956 à 1965) et le Théâtre de Marigny ; Véra Korene, le Théâtre de la Renaissance à partir de 1956 et Simone Berriau, le Théâtre Antoine de 1943 à son décès en 1984. Contrairement aux demi-mondaines du XIXe siècle à qui étaient offerts théâtres et bijoux, les femmes citées ici furent d’abord actrices puis aussi bien metteuses en scène que directrices de théâtre. Dans le théâtre public, Anne Delbée est la première femme à être nommée à la direction d’un Centre Dramatique National, celui de Nancy en 1989.
[53] Sur les différents types de masculinités (hégémoniques, subordonnées, de complicité, marginales), voir les travaux de Raewyn Connell notamment « L’organisation sociale de la masculinité » [« The Science of Masculinity », 1995], dans Masculinités. Enjeux sociaux de l’hégémonie, Paris, éd. Amsterdam, 2014, p. 59-87.
[54] En 2012, Élizabeth Claire, historienne de la danse, Catherine Deutsch, historienne de la musique et nous-même, donnons, de 2012 à 2015, un séminaire à École des Hautes Études en Sciences Sociales : « L’histoire du genre dans les arts vivants (XVIe-XXIe siècle) ». Le colloque que nous organisons du 12 au 14 décembre 2013, « Genre et création dans les arts vivants », réunissait Shannon Jackson, Marcia Citron et Suzanne Cusick. En 2014, nous avons dispensé un enseignement sur « Théâtre et genre » au Département Théâtre de l’Université Paris 8, de même que Pierre Katuszewski (Études théâtrales) à l’Université de Bordeaux 3.
[55] Voir l’introduction de Charlotte M. Canning et Thomas Postlewait à l’ouvrage qu’ils dirigent : Representing the Past: Essays in Performance Historiography, Iowa City, University of Iowa Press, 2010, p. 3.
[56] Alexander W. Allison, Arthur J. Carr and Arthur M. Eastman, eds, Masterpieces of the Drama, New York, MacMillan, 1979 [4e édition] et New York, Prentice Hall, 1991 [6e édition].
[57] « […] even the most mainstream manifestation of the practices of canon definition within the ‘business’ of theatre studies – those anthologies targeted at first-year college and university students – show their market-driven awareness of this new historical fact : some women wrote good plays that can be included in an expanded canon of dramatic literature », Susan Bennett, « Theatre history, historiography and women’s dramatic writing », Women, Theatre and Performance. New histories, New historiographies, ed. Maggie B. Gale and Viv Gardner, Manchester University Press, 2000, p. 49.
[58] Volume XII, n°3, printemps 1987, p. 548-567. Plusieurs articles de la revue Signs, ainsi que la fondatrice de la revue Catherine Stimpson, influencent les recherches des premiers groupes de recherche sur l’histoire des femmes, notamment le Groupe d’Études Féministes (GEF), fondé en janvier 1974 par Françoise Basch et Michelle Perrot. Voire Michelle Perrot, « Introduction générale », Les Femmes ou les Silences de l’histoire, Flammarion, 1998, p. XIII.
[59] Monique Surel-Tupin, « La prise de parole des femmes au théâtre », dans Philippe Ivernel (dir.), Le Théâtre d’intervention depuis 1968, Lausanne-Paris, L’Âge d’homme, 1983, p. 56-77.
[60] Ces femmes de théâtre, traduit de l’américain par Brigitte Chabrol, Paris, Perrin, 1967. Tracy Davis, « Questions for a Feminist Methodology in Theatre History », dans Thomas Postlewait and Bruce A. McConachie (dir.), Interpreting the theatrical Past, Essays in the Historiography of Performance, p. 62, relève le discours « naïf », biologique et essentialisant associé aux femmes dans l’ouvrage.
[61] Françoise Thébaud, Introduction « Dix ans plus tard », dans Georges Duby et Michelle Perrot (dir.), Histoire des femmes en Occident, le XXe siècle, volume sous la direction de Françoise Thébaud, Perrin, Paris, 2002, p. 38.
[62] Michelle Perrot, op. cit., p. 15.
[63] Ibidem.
[64] Georges Duby, Michelle Perrot, Préface, Histoire des femmes en Occident, 1. L’Antiquité, Paris, Plon, 1991, p. 14.
[65] Tracy C. Davis, op. cit., p. 60.
[66] Michèle Riot-Sarcey, Christine Planté, Eleni Varikas, « Femmes sujets de discours, sujets de l’histoire », Le Genre de l’histoire, n° spécial, Les Cahiers du GRIF, n°37-38, printemps 1988, p. 21.
[67] Ibid., p. 22.
[68] Françoise Thébaud, « Genre et histoire », dans Christine Bard, Christian Baudelot et Janine Mossuz-Lavau (dir.), Quand les femmes s’en mêlent. Genre et pouvoir, Paris, Éditions de La Martinière, 2004, p. 48-49.
[69] Alain Corbin, Préface, Écrire l’histoire des femmes, Lyon, ENS Éditions, 1998, p. 10-11. Le titre de la seconde édition revue et augmentée publiée en 2007 est Écrire l’histoire des femmes et du genre.
[70] Gérard Vincent, « Introduction », Histoire de la vie privée. 5, De la Première Guerre mondiale à nos jours, Paris, Seuil, 1987, p. 7.
[71] Entretien avec Nicole-Claude Mathieu réalisé par Catherine Quiminal, » Un hommage critique à Levi-Strauss et Freud : Gayle Rubin (1975) », Journal des anthropologues, n° 82-83, 2000, p. 45, mis en ligne le 7 mai 2009, consulté le 20 décembre 2015 : http://jda.revues.org/3276.
[72] Voir L’Apparition des actrices professionnelles en Europe, Paris, L’Harmattan, 2001. Aurore Evain dirige actuellement le projet Matrimoine, accueilli par l’association HF Île-de-France qui milite pour l’égalité entre femmes et hommes dans les arts et la culture, voir http://www.matrimoine.fr/le-matrimoine/.
[73] Maria Chéliga dont le nom s’orthographie de diverses manières, fonde Le Théâtre féministe en 1897 pour « les femmes dramaturges afin qu’elles puissent librement donner la mesure de leur talent », qu’elle inaugure avec la pièce de Daniel Lesueur (née Jeanne Loison), Hors du mariage, voir M. Chéliga, « Le Théâtre féministe », Revue d’art dramatique consacré au féminisme au théâtre, octobre 1901, p. 649-658.
Pour citer cet article
Raphaëlle Doyon, « Le genre, une catégorie utile à l’histoire du théâtre du XXe siècle ? Le cas de Jacques Copeau et Suzanne Bing », Revue d’Histoire du Théâtre numéro 270 [en ligne], mis à jour le 01/02/2016, URL : https://sht.asso.fr/le-genre-une-categorie-utile-a-lhistoire-du-theatre-du-xxe-siecle-le-cas-de-jacques-copeau-et-suzanne-bing/