Revue d’Histoire du Théâtre • N°290 T2 2021
Préambule
Par Julie Valero
Résumé
De tous les pièges qui menacent notre travail, il est en est deux dont nous avions appris à nous méfier comme de la peste : accepter de « participer » au discours indigène, succomber aux tentations de la subjectivation.
Non seulement il m’a été impossible de les éviter, mais c’est par leur moyen que j’ai élaboré l’essentiel de mon ethnographie.
(Jeanne Favret-Saada, Les mots, la mort, les sorts, Paris, Gallimard, 1977, p. 48.)
Texte
De tous les pièges qui menacent notre travail, il est en est deux dont nous avions appris à nous méfier comme de la peste : accepter de « participer » au discours indigène, succomber aux tentations de la subjectivation.
Non seulement il m’a été impossible de les éviter, mais c’est par leur moyen que j’ai élaboré l’essentiel de mon ethnographie.[1]
En guise de préambule, il m’apparaissait nécessaire de dire le rapport entretenu à l’œuvre ci-après présentée, celle de Jean-François Peyret, homme de théâtre, auteur, traducteur, metteur en scène, pédagogue, féru de sciences et de technologies, bien loin donc des pratiques de sorcellerie du bocage normand, étudiées par Jeanne Favret-Saada dans les années 1970.
C’est peu dire pourtant que lire ce constat résonna fort en moi au moment de boucler ce dossier, tant il me fut moi-même impossible, alors que j’entrais pour la première fois dans une salle de répétitions du Théâtre National de Chaillot, en 2005, pour la création des Variations Darwin, de ne pas participer aux discours qui s’y élaboraient, ni de succomber aux pièges de la subjectivation. Et c’est là, puis au fil des saisons et des spectacles suivants[2], que s’élabora mon rapport à une certaine forme de pensée théâtrale. Ce fut, sans aucun doute, la meilleure de toutes les écoles.
Ce dossier est ainsi le fruit d’une pratique dramaturgique au long cours qui, menée par une chercheuse ayant failli devenir historienne, ne pouvait que déboucher sur l’ouverture de cartons, la recherche presque frénétique des spectacles antérieurs, ceux dont je n’avais pu me mêler… À cette démarche, se mêlait aussi la conviction qu’il faudrait confier ces archives à d’autres, moins impliqués, plus distants, quand bien même les sciences sociales nous auraient aujourd’hui délestés de l’impératif d’objectivation, que l’on sait vain.
Complice, généreux, Jean-François Peyret encouragea cet exercice, puis cette publication, même si la mise au jour d’archives n’est jamais un geste indifférent pour celui qui s’y expose[3]. Qu’il en soit ici chaleureusement remercié.
Notes
[1] Jeanne Favret-Saada, Les mots, la mort, les sorts, Paris, Gallimard, 1977, p. 48.
[2] D’abord stagiaire à la mise (Les Variations Darwin, 2004), je fus ensuite chargée de production (Le Cas de Sophie K, 2005), puis assistante à la mise en scène et dramaturge (Tournant autour de Galilée, 2008, Re : Walden (pour la version de 2010) et Ex vivo / in vitro, 2011). Je poursuis ma collaboration avec Jean-François Peyret depuis 2012, tour à tour en tant que chercheuse et dramaturge.
[3] Son journal en conserve d’ailleurs quelques traces discrètes : « Avec Julie, nous envisageons surtout la première période, jusqu’à Le Loup et les sept Blanche-Neige. J’avais à peu près tout oublié. Mais sans doute peut-on se refaire la mémoire. Une vie ».
Pour citer cet article
Julie Valero, « Préambule », Revue d’Histoire du Théâtre numéro 290 [en ligne], mis à jour le 01/02/2021, URL : https://sht.asso.fr/preambule/