Société d'Histoire du Théâtre

Dictionnaire des metteuses en scène

Marguerite Jamois

Née le 08/03/1901, Paris (France)

Décédée le 20/11/1964, Paris (France)

Métiers: Comédienne, Metteuse en scène

Pays d'exercice: Algérie, Bahamas, Belgique, France, Luxembourg, Maroc, Tunisie

Organisations ou collectifs liés: Cartel des quatre Paris, Théâtre Montparnasse Paris

Personnalités liées: Gaston Baty, Henri-René Lenormand, Jean Cocteau, Marcelle Maurette

Notice rédigée par Raphaëlle Doyon

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Notice


Marguerite Jamois, actrice chez Gémier, élève chez Dullin puis créatrice de tous les rôles principaux des pièces montées par Gaston Baty à partir de 1922, prend la direction du Théâtre Montparnasse-Gaston Baty en janvier 1943. Elle y met en scène, jusqu’en 1962, une dizaine de pièces, en même temps qu’elle programme celles de ses confrères du Cartel (Baty, Dullin), puis de la décentralisation (Jean Dasté, André Clavé, Hubert Gignoux, Roger Planchon, Jean Mercure, Georges Vitaly). 

De 1943 à 1954, comme Sarah Bernhardt et la plupart des metteuses en scène de son époque, Marguerite Jamois se distribue dans les pièces qu’elle monte, et c’est dans un premier temps l’actrice qui fait venir le public au Théâtre Montparnasse. En octobre 1943, le critique Roland Purnal juge que Marguerite Jamois a monté Hedda Gabler avec « soin, tact et intelligence », et comme d’autres critiques, pointe la parenté du rôle avec celui de Madame Bovary que Jamois avait joué sous la direction de Gaston Baty en 1936. En 1947, elle monte Le deuil sied à Électre d’O’Neill et incarne Lavinia Mannon, Électre du temps de la guerre de Sécession, aux côtés de Valentine Tessier et d’Alain Cuny. En 1949, sous la supervision chorégraphique de Serge Lifar, elle monte Neiges de Marcelle Maurette. Comme la presse le souligne, le port du « tutu romantique » de la danseuse en fin de carrière qu’elle interprète tranche avec la silhouette de la metteuse en scène au travail, pantalon de flanelle grise, cigarette à la bouche, dirigeant ses collaborateurs, chefs, machiniste, accessoiriste, électricien avec « son caractère d’acier ». En 1952, elle porte à la scène la première adaptation des Liaisons dangereuses de Laclos. Balmaseda, tragédie romantique espagnole en trois actes de Maurice Clavel, qu’elle monte en 1954 au Théâtre Hébertot, est saluée unanimement par la presse nationale et confirme, selon un critique du journal Combat « des dons évidents de metteur en scène », fonction qu’elle exerce en faisant face aux difficultés matérielles d’un petit théâtre, qui veut rester « un théâtre d’art » et  « se refuse au succès commercial ». À partir de 1955, Marguerite Jamois est sollicitée en tant que tragédienne par Jean-Louis Barrault et Jean Mercure, pour des tournées internationales, ce qui ne lui donne plus le loisir de jouer dans ses propres spectacles. En 1955, elle met en scène La Petite Maison de thé de John Patrick, où un G. I., le capitaine Fisby (Claude Rich) se lie avec une jeune geisha, Lotus bleu (Yoko Tani). 1957 marque un tournant dans la carrière de Marguerite Jamois : elle monte Le Journal d’Anne Frank qui avait, dans d’autres mises en scène, fait salle comble en Allemagne, aux États-Unis, et dans une vingtaine d’autres pays. Le Théâtre Montparnasse joue complet tous les soirs, et « pour assister à l’agonie des deux familles enfermées dans un grenier, durant l’occupation allemande, il fallut louer près d’un mois à l’avance ». Marguerite Jamois reçoit pour le Journal d’Anne Frank, outre le prix de Dominique de la mise en scène, le Prix de la fraternité du mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et pour la paix (MRAP). En 1960, elle monte Un goût de miel de Shelagh Delaney au Théâtre des Mathurins, l’histoire d’une jeune fille dont l’enfant, issu d’une idylle avec un marin noir, est rejeté. La même année, elle se voit confier la mise en scène d’Andromaque de Racine par la production Georges Hébert pour une tournée en France et à l’international. Elle est ensuite invitée par Jean-Louis Barrault à monter pour l’Odéon-Théâtre de France Le Marchand de Venise. Shylock, interprété par Daniel Sorano puis par Jean-Louis Barrault, est remarqué par la critique ; il n’a plus l’échine courbée du juif grimaçant de Gémier ou de Dullin avant la Shoah, et « il parle en égal aux seigneurs vénitiens ». 

Pleinement reconnue par la profession, Marguerite Jamois est considérée de son temps comme « une grande artiste », « héritière spirituelle » d’un Baty cherchant à « rethéâtraliser » le théâtre, « ayant toujours su garder une certaine ligne à son théâtre », ainsi que l’écrit Paul-Louis Mignon en 1958. Les textes contemporains et du répertoire qu’elle monte défendent les valeurs antiracistes et humanistes de son époque. 

Mises en scène


  • Hedda Gabbler, de Henrik Ibsen, créé le 1er octobre 1943 au Théâtre Montparnasse Gaston Baty, Paris (France). 
  • Le deuil sied à Électre, Eugène O’Neill, créé le 18 janvier 1947 au Théâtre Montparnasse Gaston Baty, Paris (France). 
  • Neiges, adaptation de Marcelle Maurette du roman de Georgette Paul, créé le 12 octobre 1949 au Théâtre Montparnasse Gaston Baty, Paris (France). 
  • Les Liaisons dangereuses, adaptation de Paul Achard de l’œuvre de Pierre Choderlos de Laclos, créé 15 mars 1952 au Théâtre Montparnasse Gaston Baty, Paris (France). 
  • Balmaseda, de Maurice Clavel, créé le 26 octobre 1954 au Théâtre Hébertot, Paris (France). 
  • La Petite Maison de thé, adaptation d’Albert Husson de la pièce John Patrick, créé le 15 février 1955 au Théâtre Montparnasse Gaston Baty, Paris (France). 
  • Le Journal d’Anne Frank, adaptation de Georges Neveux de l’adaptation américaine de Frances Goodrich et Albert Hackett, créé le 29 septembre 1957 au Théâtre Montparnasse, Paris (France).  Grand prix de la mise en scène 1958. Repris en 1960 au Théâtre des Célestins, Lyon (France) et au Théâtre Royal du Parc de Bruxelles (Belgique). 
  • Les Parents terribles, de Jean Cocteau, tournées Herbert, 1958-1959. [programme Productions théâtrales Georges Herbert non daté (photos des acteurices, publicités, mot manuscrit de Cocteau) + lettre de Jamois (9 octobre 1958) à Cocteau et V. Tessier 12.8.1958 fond Cocteau BHVP]. 
  • Un goût de miel, adaptation française de Gabriel Arout et Françoise Mallet-Joris de la pièce de Shelagh Delaney, créé le 13 février 1960 au Théâtre des Mathurins, Paris (France). 
  • Les Monstres sacrés, de Jean Cocteau, tournées Herbert, 1960. 
  • Andromaque, de Jean Racine, Tournées Herbert, créé le 20 janvier 1961 au Théâtre des Célestins, Lyon (France).  
  • Cécile ou L’école des pères, de Jean Anouilh, créé le 7 janvier 1961 au Théâtre Municipal du Luxembourg (Luxembourg). Tournée en Belgique jusqu’en mars 1961. 
  • Le Marchand de Venise, de William Shakespeare, spectacle interprété par la Compagnie Renaud-Barrault, créé le 20 septembre 1961 à l’Odéon-Théâtre de l’Europe (Renaud-Barrault), Paris (France).  Tournée en Suisse en juin 1964. 

Références bibliographiques


  • Entrée “Marguerite Jamois” in Le Dictionnaire des hommes de théâtre français contemporains, Tome 1 : Directeurs, animateurs, historiens, critiques, Paris, Librairie théâtrale, 1957.
  • Béatrix Dussane, « Le feu sacré », Les Nouvelles littéraires, 26 novembre 1964. 
  • Marcelle Capron, « Un goût de miel aux Mathurins », Combat, 15 février 1960. 
  • Marcelle Capron, « À l’Odéon-Théâtre de France, Le Marchand de Venise de Shakespeare », Combat, 27 septembre 1961. 
  • Henri-René Lenormand, Marguerite Jamois, Paris, Calmann-Lévy, collection « Masques et visages », 1950. 
  • Alain Maurette, « Marguerite Jamois ou le Théâtre du rêve », Les Annales, mai 1966, p. 33-42. 
  • Thierry Maulnier, « Balmaseda », Combat, 3 novembre 1954.
  • Suzanne Michet, « Marguerite Jamois fut… », Résonances, décembre 1964, n° 127, p. 21-22 Mignon, Paul-Louis cité par AL. S dans « Le Grand Prix Dominique de la mise en scène de Marguerite Jamois pour Le Journal d’Anne Frank », Combat, jeudi 23 janvier 1958.
  • Roland Purnal, « Hedda Gabler » (Montparnasse), La semaine théâtrale, Comœdia, 9 octobre 1943. 
  • Alain Spiraux, « Comparée aux USA à Sarah-Bernhardt. Marguerite Jamois : le public américain a beaucoup de talent », Combat, 15 janvier 1959. 
  • Boite Jamois dans le fond Gaston Baty, 4-COL-285. BNF ASP.

Récompenses / Distinctions


Vice-présidente du Syndicat des Directeurs de Théâtres de Paris Membre du comité de R. T. F.
Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres
Chevalier de la Légion d’Honneur
Présidente puis membre du comité du Prix Dominique de la mise en scène aux côtés d’Annie Ducaux et Béatrice Dussane, Pierre-Aimé Touchard (pour La Comédie Française), avec Robert Kemp (pour l’Académie française), Gérard Bauer et Philipe Hériat (pour l’académie Goncourt), André Boll, Jean-Jacques Gauther, Paul-Louis Mignon (pour la presse) et Jacques Deval et Jacques Mauclair (ancien lauréat, pour les auteurs).

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