Dictionnaire des metteuses en scène
Séverine ChavrierMétiers: Comédienne, Metteuse en scène, Musicienne
Organisations ou collectifs liés: Centre Dramatique d'Orléans, Centre Dramatique National Nanterre Amandiers, Comédie de Genève, La Sérénade Interrompue
Personnalités liées: Armel Malonga, François Verret, Jean-Louis Martinelli, Rodolphe Berger
Notice rédigée par Gaïa Richard
Née en 1974 à Lyon, Séverine Chavrier grandit aux alentours de Genève en Suisse. Elle y reçoit une formation pluridisciplinaire : en parallèle d’une licence de philosophie, elle obtient un diplôme d’études de piano au Conservatoire de musique de Genève. Elle entre ensuite au Cours Florent. Elle en retient les enseignements de Michel Fau et de François Merle, qu’elle complète avec des stages en jeu auprès de Rodrigo Garcia, Félix Prader, Christophe Rauck, et Darek Blinsk.
En 2003, Séverine Chavrier fonde la compagnie La Sérénade Interrompue, mais son activité de mise en scène sur les scènes publiques n’est pas immédiate : « Je ne venais pas vraiment du sérail, n’ayant pas fait de Conservatoire national… et, à l’époque, rentrer dans l’institution, c’était compliqué. » (France Culture, « Séverine Chavrier : Faulkner, polyphonie et une dose de trac »). À partir de 2005, son rapport au plateau se fabrique plutôt en tant que musicienne interprète et répétitrice, à l’occasion de compagnonnages qu’elle noue avec des artistes comme Rodolphe Burger, Jean-Louis Martinelli, François Verret, qui lui ouvrent notamment les portes du théâtre Nanterre-Amandiers. En 2010, Séverine Chavrier y présente Épousailles et représailles, d’après les Histoires sentimentales sur un banc public d’Hanock Levin. Le spectacle contient déjà en germes les éléments matriciels de ses mises en scène ultérieures : autour des corps des interprètes, la scénographie associe des strates hétérogènes, faites de brefs morceaux de piano, de matériaux sonores et vidéographiques, mises au service d’une adaptation de texte littéraire explorant les méandres de la violence.
Au fil de ses mises en scène, Séverine Chavrier a stabilisé les contours d’une méthode de création singulière. Pendant quelques mois, elle livre les interprètes à un travail d’improvisations, déclenchées à partir d’hypothèses de lecture et de fragments musicaux. L’ensemble des propositions est filmé et archivé, pour être mobilisé par la metteuse en scène lors de sa phase de travail à la table. Elle procède ensuite à un « dérushage » : il s’agit d’isoler et de transcrire ce qu’elle perçoit comme les moments d’intuition sensible des comédien et comédiennes, encore détachées du texte source. Les interprètes sont ensuite invitées à participer un cycle de « refaire » : ils et elles creusent leurs propositions initiales à partir des archives filmées jusqu’à trouver une forme adéquate pour la trame dramatique et la partition sonore.
Dans la direction de jeu comme dans le choix des textes, Séverine Chavrier dit procéder en musicienne, par effet de ritournelle, « avec le retour d’un leitmotiv, d’un même qui est toujours différent » (Séverine Chavrier, « Les paradoxes du comédien »). Bien qu’elle rejette le principe du textocentrisme, elle adapte des œuvres canoniques, empruntées à James Graham Ballard (2011, 2012), à Thomas Bernhardt (2016, 2022) et à William Faulkner (2014, 2024). La dramaturgie s’élabore sur le mode de la résonance, de la « non-littérarité », considérant qu’« il ne s’agit pas de restituer une œuvre littéraire, mais de lui faire faire un saut pour créer un objet théâtral doté d’un statut différent, provoquant une autre rêverie » (Séverine Chavrier, « Les paradoxes du comédien »). Au cœur de ces fables, des thèmes reviennent et se déploient sur un mode politique : l’asservissement de l’individu par les institutions sociales (couple, famille, amitiés, État, Conservatoire), les traces causées par la brutalité, la discipline et les inégalités sociales sur les corps, la sexualité et le désir, la jeunesse et la musique.
L’esthétique de l’écart prédomine dans les mises en scène de Séverine Chavrier. Un effet de friction temporelle et diégétique est produit par le montage live d’éléments vidéo captés en direct et d’autres issus des archives de répétition. L’hétérogénéité des éléments au plateau lui permet de contourner les automatismes de perception et les attentes du public, notamment vis-à-vis de l’utilisation illustrative et émotionnelle de la musique Le son, sous toutes ses formes (piano, radio, bruit d’objets, discours…), constitue une trame serrée, conçue pour rendre perceptibles et soudées entre elles les étapes du processus de travail La primauté et la centralité de la musique dans ses mises en scène n’empêchent pas Séverine Chavrier de rejeter la catégorie du « théâtre musical », qu’elle tient pour trop flou, et de méditer : « Le son est une enveloppe. Parfois je me demande si ce n’est pas un manque de foi dans le plateau que de l’envelopper ainsi… Peut-être devrais-je avoir confiance dans un plateau qui tient sans son ? » (Entretien avec Marion Platevoet, « Vouloir être piano »).
Les spécificités de sa pratique de la mise en scène se reflètent dans les programmations qu’elle met en place en tant que directrice du Centre Dramatique National Orléans / Centre-Val de Loire (CDNO) (2017-2022) et de la Comédie de Genève (depuis 2023) : pluridisciplinaires, valorisant des artistes à échelle locale et internationale, et engagées en faveur des jeunes artistes.
Épousailles et représailles, d’après Histoires sentimentales sur un banc public d’Hanock Levin, créé le 30 mars 2010 au Théâtre Nanterre-Amandiers, Nanterre (France).
Série B d’après James Graham Ballard, créé en octobre 2011 à CENTQUATRE-Paris, Paris (France).
Plage ultime d’après James Graham Ballard, créé le 9 juillet 2012 au Festival d’Avignon, Avignon (France).
Les palmiers sauvages d’après Si je t’oublie Jérusalem de William Faulkner, créé le 25 septembre 2014 au Théâtre Vidy-Lausanne, Lausanne (Suisse).
Après coups, Projet Un-Femme n°1, créé le 03 février 2015 au Théâtre de la Bastille, Paris (France).
Mississippi Cantabile, créé le 14 décembre 2016 au Nouveau Théâtre de Montreuil, Montreuil (France).
Nous sommes repus mais pas repentis, d’après Déjeuner chez Wittgenstein de Thomas Bernhard, créé le 9 mars 2016 à Théâtre Vidy-Lausanne, Lausanne (Suisse).
Egmont – Le Libérateur, de Johann Wolfgang von Goethe, créé le 21 septembre 2017 à La Seine Musicale, Boulogne-Billancourt (France).
Après coups, Projet Un-Femme diptyque, créé le 04 octobre 2018 au Centre Dramatique National Orléans / Centre-Val de Loire, Orléans (France).
Aria da capo de Guilain Desenclos, Adèle Joulin et Areski Moreira, créé le 30 septembre 2020 à Théâtre National de Strasbourg, Strasbourg (France).
Las Palmeras Salvajes, d’après Les Palmiers sauvages, créé le 09 janvier 2020 au Festival Santiago a Mil, Santiago (Chili).
After all, créé le 1er décembre 2021 à La Brèche, Cherbourg-en-Cotentin (France).
Les Vêpres, Claudio Monteverdi d’après Les Vêpres de la Vierge de Claudio Monteverdi, créé le 15 octobre 2021 à l’Opéra de Rouen, Rouen (France).
Ils nous ont oubliés d’après La Plâtrière de Thomas Bernhard, créé le 24 mars 2022 à l’Hippodrome de Douai, Douai (France).
KV385, d’après la symphonie dite « Haffner » de Mozart, créé le 29 septembre 2023 au Théâtre National de Strasbourg, Strasbourg (France).
2024 : Absalon, Absalon !, d’après Absalon, Absalon ! de William Faulkner, créé le 29 juin 2024 au Festival d’Avignon, Avignon (France).
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