Société d'Histoire du Théâtre

Notice


Issue de la grande bourgeoisie roumaine, Alice Cocéa s’installe à Paris avant la Première Guerre mondiale et y suit les cours de comédie du Conservatoire. Grâce au succès de l’un de ses premiers rôles, celui d’Aspasie dans l’opérette Phi-Phi de Willemetz (1918), elle devient dès le début de sa carrière une vedette de l’opérette puis du théâtre de boulevard.

Dès la fin des années 1920, elle intervient dans la mise en scène des pièces dont elle joue les rôles féminins principaux mais ce n’est qu’en 1935 qu’elle signe officiellement sa première mise en scène, celle d’Une jeune fille a rêvé de Loïc Le Gouriadec, jouée à la Comédie des Champs-Elysées. S’associant avec l’entrepreneur Roger Capgras, elle prend avec lui la direction de la Comédie des Champs-Elysées pour la saison 1936-1937, au cours de laquelle elle présente trois mises en scène qui sont des échecs critiques et financiers. Le couple obtient à l’automne 1937 la direction artistique du Théâtre des Ambassadeurs nouvellement rénové et Cocéa y connaît un important succès public en montant Lenormand, Duvernois, Molière et Cocteau. La pièce de ce dernier, Les Parents terribles, fait cependant scandale quand Capgras en propose des représentations gratuites au public scolaire. Jugeant qu’elle porte atteinte aux valeurs familiales, le conseil municipal de Paris, dont dépend le bail du théâtre, interdit les représentations en décembre 1938 et attribue la nouvelle concession à Henry Bernstein.

L’Occupation ayant contraint Bernstein à l’exil, Alice Cocéa retrouve la direction des Ambassadeurs à l’automne 1940, d’abord avec Capgras, puis seule à partir de février 1941. Pendant les trois années que dure sa direction, elle présente sept mises en scène, qui sont toutes des succès publics et financiers en dépit des difficultés de plus en plus importantes de la guerre et de l’Occupation. Entourée d’une équipe majoritairement féminine, Cocéa affirme dans une interview au Petit Parisien en 1943 son autorité de directrice qui met en scène : « Non seulement je choisis moi-même mes interprètes, les tapisseries, les meubles qui servent à la mise en scène, mais pas un clou n’est posé dans mon théâtre sans que j’aie donné mon avis ». Elle y revendique en outre des « méthodes nouvelles dans les relations avec les interprètes », éloignées des comportements de « maquignons » de ses collègues masculins.

Coûteuses en raison du luxe de leurs décors et costumes, les pièces qu’Alice Cocéa monte aux Ambassadeurs durant ses deux périodes de direction lui rapportent néanmoins des recettes élevées grâce à leur important succès public. Venue à la mise en scène dans la continuité de son travail d’actrice, Cocéa, longtemps cantonnée à l’opérette au début de sa carrière, profite de sa position de metteuse en scène pour s’attribuer des rôles artistiquement plus ambitieux et jouer les personnages féminins principaux de toutes les pièces qu’elle dirige.

Arrêtée en septembre 1944 pour collaboration, elle est libérée au printemps suivant mais, sous le coup d’une interdiction professionnelle, elle ne reprend sa double carrière de comédienne et metteuse en scène qu’en 1947. Elle met alors essentiellement en scène aux Mathurins et au Théâtre des Arts. Sa dernière création semble être en 1957 celle de La Reine de Césarée de Robert Brasillach, qui fait scandale et donne lieu à de violentes manifestations en raison du collaborationnisme de son auteur.

Si l’on en juge d’après les sources disponibles, Alice Cocéa aura ainsi mis en scène vingt-trois pièces. Loin de se limiter au répertoire de boulevard où elle était attendue, elle aura au contraire monté aussi bien des auteurs contemporains reconnus (Cocteau, Giono ou encore Salacrou écrivent pour elle) que des classiques, sa décision de mettre en scène Le Misanthrope en 1938, où elle dirige Jean-Louis Barrault, ayant particulièrement frappé ses contemporains. Elle semble avoir cherché au cours de sa carrière de metteuse en scène à concilier ambition artistique et exigence de rentabilité, avec des résultats néanmoins mitigés, dont attestent les avis discordants de la critique à son sujet.

Mises en scène


  • Une jeune fille a rêvé, de Loïc Le Gouriadec, créé le 2 avril 1935 à la Comédie des Champs-Elysées, Paris (France)
  • L’Âne et le ruisseau et On ne badine pas avec l’amour, d’Alfred de Musset, créé en décembre 1936 à la Comédie des Champs-Elysées, Paris (France)
  • Rêves sans provision, de Ronald Gow et Walter Greenwood, adaptation française de Charlotte Neveu, créé le 12 mars 1937 à la Comédie des Champs-Elysées, Paris (France)
  • Pacifique, d’Henri-René Lenormand, créé le 13 octobre 1937 au Théâtre des Ambassadeurs, Paris (France)
  • La Dame de bronze et le Monsieur de cristal, d’Henri Duvernois, créé le 14 mai 1938 au Théâtre des Ambassadeurs, Paris (France)
  • Le Misanthrope, de Molière, créé le 14 mai 1938 au Théâtre des Ambassadeurs, Paris (France)
  • Les Parents terribles, de Jean Cocteau, créé le 15 novembre 1938 au Théâtre des Ambassadeurs, Paris (France)
  • Histoire de rire, d’Armand Salacrou, créé le 23 décembre 1939 au Théâtre de la Madeleine, Paris (France), repris le 12 novembre 1940 au Théâtre des Ambassadeurs, Paris (France)
  • Maison de poupée, d’Henrik Ibsen, créé le 13 mars 1941 au Théâtre des Ambassadeurs, Paris (France)
  • Echec à Don Juan, de Claude-André Puget, créé le 19 décembre 1941 au Théâtre des Ambassadeurs, Paris (France)
  • Clotilde du Mesnil, d’Henry Becque, créé le 25 novembre 1942 au Théâtre des Ambassadeurs, Paris (France)
  • Mais n’te promène donc pas toute nue !, de Georges Feydeau, créé le 25 novembre 1942 au Théâtre des Ambassadeurs, Paris (France)
  • Duo, de Paul Géraldy, d’après Colette, créé le 12 juin 1943 au Théâtre des Ambassadeurs, Paris (France)
  • Léona, de Fernand Crommelynck, créé le 2 février 1944 au Théâtre des Ambassadeurs, Paris (France)
  • La Femme du boulanger, de Jean Giono, créé le 17 mai 1944 au Théâtre des Ambassadeurs, Paris (France)
  • La Parisienne, d’Henry Becque, créé le 30 avril 1947 au Théâtre des Mathurins, Paris (France)
  • Un caprice, d’Alfred de Musset, créé le 30 avril 1947 au Théâtre des Mathurins, Paris (France)
  • Le Voyage en calèche, de Jean Giono, créé le 21 décembre 1947 au Théâtre du Vieux-Colombier, Paris (France)
  • Sincèrement, de Michel Duran, créé le 26 septembre 1949 au Théâtre des Capucines, Paris (France)
  • TTX, de Cecil Saint-Laurent et Pierre de Meuse, créé le 21 mai 1955 au Théâtre des Arts, Paris (France)
  • Mon cœur balance, de Michel Duran, créé le 24 septembre 1957 au Théâtre des Arts, Paris (France)
  • La Reine de Césarée, de Robert Brasillach, créé le 25 juillet 1957 aux Arènes d’Avenches (Suisse), repris le 17 novembre 1957 au Théâtre des Arts, Paris (France)

Références bibliographiques


  • Alice Cocéa, Mes amours que j’ai tant aimées, Paris : Flammarion, 1958.
  • Serge Added, Le Théâtre dans les années-Vichy : 1940-1944, Paris : Ramsay, 1992, p. 320-321.
  • Roger Grison, « Alice Cocéa, directeur du théâtre des Ambassadeurs », Le Petit Parisien, 1943.

Bibliothèque nationale de France, département des Arts du spectacle, Paris (France) :

  • Recueil factice d’articles de presse concernant Alice Cocéa, 8-RT-6566(1) et (2)
  • Roger Grison, « Alice Cocéa, directeur du théâtre des Ambassadeurs », Le Petit Parisien, 1943, 8-RT-1278
  • Collection de programmes de la Comédie des Champs-Elysées, WNA-22
  • Recueil factice de programmes et d’articles de presse sur : « Une jeune fille a rêvé », comédie en 3 actes et 4 tableaux de Loïc Le Gouriadec [Comédie des Champs-Elysées, 2 avril 1935], 8-RF-64221
  • Recueil factice d’articles de presse sur les spectacles donnés au théâtre des Ambassadeurs. Octobre 1930-10 avril 1948, 8-RT-2807(1) et (2)
  • Collection de programmes du Théâtre des Ambassadeurs, WNA-20
  • Recueil. « Pacifique » d’Henri-René Lenormand, 1937, 8-RSUPP-89
  • Recueil. « Le Misanthrope » de Molière et « La dame de bronze et le monsieur de cristal » d’Henri Duvernois, 1938, 8-RSUPP-273
  • Recueil. « Les Parents terribles » de Jean Cocteau, 1938, 8-RSUPP-288 (1) et (2)
  • Recueil. « C’était… histoire de rire! » d’Armand Salacrou, 1940, 8-RSUPP-544
  • Recueil. « Le Misanthrope » de Molière, 1940, 8-RSUPP-634
  • Recueil. « Le Misanthrope » de Molière, 1941, 8-RSUPP-808
  • Recueil. « Maison de poupée » d’Henrik Ibsen, 1941, 8-RSUPP-739
  • Recueil. « Echec à Don Juan » de Claude-André Puget, 1941, 8-RSUPP-783
  • Recueil. « Clotilde du Mesnil » de Henry Becque, 1942, 8-RSUPP-1046
  • Recueil. « Duo » de Paul Géraldy, 1943, 8-RSUPP-1214
  • Recueil. « Léona » de Fernand Crommelynck, 1944, 8-RSUPP-1424
  • Recueil. « La Femme du boulanger » de Jean Giono, 1944, 8-RSUPP-1588
  • Délibérations du Conseil municipal de la Ville de Paris, procès-verbal de la séance du mardi 20 décembre 1938, p. 605-618. Consultable en ligne sur  Gallica. URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9813447r/f13.item 
  • Délibérations du Conseil municipal de la Ville de Paris, procès-verbal de la séance du jeudi 29 décembre 1938, p. 985-1002. Consultable en ligne sur Gallica. URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k98134433/f13.item 

 Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine (France) : 

  • Décret de naturalisation du 11 novembre 1925, n°7643 X 25, cote BB/11/8748
  • Commission nationale interprofessionnelle d’épuration. Théâtres, Concerts, Music-Hall. Alice Cocéa (Ambassadeurs), cote F/12/9634

Bibliothèque historique de la Ville de Paris (France)

  • Fonds Jean Cocteau, archives relatives aux Parents terribles, MS-FS-05
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