Société d'Histoire du Théâtre

Notice


Eva Doumbia est une figure du théâtre décolonial afropéen en France. Ses spectacles présentent des personnages dont les voix et les récits ont été historiquement tus. Elle réinvente, en ce sens, une pratique du théâtre documentaire qui croise une dimension naturaliste à une intimité micro-historique.

Née dans la banlieue du Havre, d’un père ouvrier et immigré et d’une mère institutrice, elle-même fille de cheminot, la trajectoire artistique d’Eva Doumbia est marquée par un itinéraire personnel qui l’inscrit entre l’Europe et l’Afrique. La question des minorités est au cœur d’une démarche qui trouve son origine dans un bassin social, la Normandie dans les années 1970-1980, marqué par la présence d’ouvriers syndiqués, de travailleurs immigrés, d’étudiants africains et d’instituteurs. Eva Doumbia suit un cursus d’études supérieures de littérature et de théâtre à l’Université de Provence Aix-Marseille dans le cadre de l’Institut de Formation de Comédien Animateur entre 1986 et 1989. Elle participe ensuite à l’Académie Expérimentale des Théâtres en 1997 puis suit des stages de mise en scène avec Youri Progrebnichko au Théâtre des Bernardines en 1998 et en 1999 avant de rejoindre l’Unité Nomade de Formation à la mise en scène (CNSAD) auprès de Jacques Lassalle, Krystian Lupa, André Engel, Dominique Müller de 2001 à 2004.

Elle crée en 1999 la Compagnie La Part du pauvre à Marseille, à laquelle elle associe un second groupe, Nana Triban, en 2002 à Abidjan en Côte d’Ivoire, avant de fusionner les deux entités en 2013 sous le nom La Part du pauvre/Nana Triban. Depuis, elle ne cesse de développer des collaborations entre l’Afrique, l’Europe et les Amériques, une triangulation créole qui signale qu’elle réfléchit aux vécus des identités afro-diasporiques. Après avoir conçu à la fin des années 1990, des spectacles sur des sujets sociaux souvent construits à partir de témoignages, elle crée au début des années 2000 plusieurs adaptations de textes dramatiques ou romanesques : Edward Bond, Alfred de Musset, Fabrice Melquiot, Lars Noren, Peter Turrini ou encore Bertolt Brecht… Elle est artiste associée du Théâtre des Bernardines de 2007 à 2013. Une grande partie de son travail s’intéresse aux écritures d’Afrique subsaharienne francophone et à celles des diasporas qu’elle contribue à faire reconnaître en France. Elle met ainsi en scène des textes de Dieudonné Niangouna, Kouam Tawa, Aristide Tarnagda ou encore Maryse Condé, Fabienne Kanor, Yannick Lahens, Fatoumata Sy Savané, Jamaica Kincaid… En 2012, son spectacle Afropéennes d’après Écrits pour la Parole et Blues pour Élise de Léonora Miano, contribue à faire émerger la prise de conscience de l’impensé afropéen en France et aboutit à la reconnaissance du manque de « diversité » sur les plateaux du théâtre public et à l’affirmation de l’afroféminisme. Elle est ainsi en 2015 l’une des figures majeures du collectif « Décoloniser les Arts » et s’investit pour un renouvellement des politiques culturelles en matière d’attention portée aux personnes jusqu’alors minorisées dans le secteur. Le Carreau du Temple lui confie en 2015 la conception du week-end AfricaParis qui met en lumière les artistes qui portent ces problématiques. Dans la lignée de ce moment historique, elle décline l’expérience sous la forme du festival Massilia Afropea à Marseille en 2016. En 2018, elle implante sa compagnie au Théâtre des Bains douches d’Elbeuf (Normandie) et est également artiste associée aux Ateliers Médicis de 2017 à 2019. Elle est ensuite artiste associée au Théâtre du Nord – Centre dramatique national Lille Tourcoing Hauts de France sous la direction de David Bobée, de 2021 à 2024.

Eva Doumbia propose un théâtre qui mobilise la multiplicité des langages artistiques (danse, musique, vidéo, texte, cuisine) afin de déployer simultanément plusieurs points de vue et de contrer les récits dominants. Son travail croise les formes et les disciplines en se nourrissant de pratiques et de vibrations qui sont au cœur de son identité qu’elle revendique elle-même comme étant multiple : l’Europe où elle est née et vit, les Amériques (Haïti, les États-Unis, le Brésil) et l’Afrique (Abidjan, Bamako, Ouagadougou, Niamey, Brazzaville, Libreville). Elle développe des formes originales qui visent à proposer une alternative aux théâtralités occidentales. C’est le cas dans le spectacle Autophagies, créé en 2021 au Festival d’Avignon et qu’elle présente comme une « eucharistie documentaire ». Ses textes sont publiés chez Actes Sud.

Mises en scène


  • Les Anges rouges de la Ville, d’Eva Doumbia, performances autour des violences urbaines, créé en 1999 au Théâtre des Bernardines, Marseille (France)
  • Hommes Femmes Escargots, d’Eva Doumbia, performances d’après les témoignages des prostituées et transsexuels de la Rue Sénac, créé en 1999 au Théâtre des Bernardines, Marseille (France)
  • Cancer Positif, d’après Maison d’Arrêt d’Edward Bond, créé en 2002 au Théâtre des Bernardines, Marseille (France)
  • Tu ne traverseras pas le Détroit, de Salim Jay, créé le 12 février 2005 à l’Auditorium Antonin Artaud, Ivry-sur-Seine (France)
  • Attitude Clando, de Dieudonné Niangouna, créé le 13 février 2005 à l’Auditorium Antonin Artaud, Ivry-sur-Seine (France)
  • J’aime ce pays, de Peter Turrini, créé le 8 mars 2005 au Théâtre du Rond-Point, Paris (France)
  • Primitifs / About Chester Himes, de Kouam Tawa, d’après Chester Himes et Howard Zinn, créé le 12 mai 2006 au Centre Culturel Français, Ouagadougou (Burkina Faso)
  • Exils4, d’Aristide Tarnagda, créé en mai 2007 au Théâtre du Vieux-Colombier, Paris (Frace)
  • Les Larmes du Ciel d’Août, d’Aristide Tarnagda, créé en juillet 2007 au Jardin de la rue de Mons, Avignon (France)
  • Le Grand Ecart, de Dieudonné Niangouna et On ne paiera pas l’oxygène, d’Aristide Tarnagda, créé en 2008 à Bamako (Mali)
  • France di Brasil, textes d’Aristide Tarnagda et de Grace Passô, créé en 2009 au SESC Santana de Sao Paulo (Brésil)
  • Moi et mon cheveu, le Cabaret capillaire, de Marie Louise Bibish Mumbu, créé le 10 février 2011 au Théâtre des Bernardines, Marseille (France)
  • Guerre, de Lars Noren, créé en 2011 au Centre Culturel Franco Nigérian, Niamey (Niger)
  • Sous-Chambre, d’Edward Bond, créé en 2011 à La Friche Belle de Mai, Marseille (France)
  • Petite Île et autres histoires de filles, spectacle déambulatoire d’après Toni Morrison, Yanick Lahens, Jamaica Kincaid, Sia Fiegel et Léonora Miano, créé en 2011 à Port au Prince (Haïti)
  • Soundjata raconté à Sundjata, de Marie Louise Bibish Mumbu et l’épopée traditionnelle, créé en 2012 à l’Institut Français de Bamako (Mal)
  • Afropéennes, d’après Léonora Miano, créé le 29 septembre 2012 au Centre Culturel Jean Gagnant, Limoges (France)
  • La Traversée, d’après Maryse Condé, Jamaica Kincaid, Fabienne Kanor, Yanick Lahens, Fatou Sy Savané, créé en mai 2014 au Théâtre de la Criée, Marseille (France)
  • Mercy / Home, d’après Toni Morrison, créé le 28 octobre 2016 à la Fiche Belle de Mai, Marseille (France)
  • Communauté / Écrits pour la Parole, de Léonora Miano, créé le 12 juillet 2017 au Théâtre de l’Entrepôt, Avignon (France)
  • Badine, d’après Alfred de Musset, créé le 9 février 2018 au Théâtre Le Sémaphore, Port-de-Bouc (France)
  • Devoirs surveillés d’Eva Doumbia à partir de discussions avec un groupe d’élèves et d’enseignants du lycée Ferdinand Buisson et du collège Nelson Mandela, série théâtrale créé le 3 juillet 2020 au Théâtre des bains Douches, Elbeuf (France)
  • Le Iench créé le 6 octobre 2020 au CDN de Normandie-Rouen, Théâtre des Deux Rives, Rouen (France)
  • Autophagies créé le 14 juillet 2021 au complexe socio-culturel de La Barbière, Avignon (France)
  • Chasselay et autres massacres – Aux Méconnus, Partie 1 créé le 8 octobre 2024 au Théâtre du Nord / Théâtre de l’Ideal, Tourcoing (France)

Références bibliographiques


  • Site de la Cie La Part du Pauvre / Nana Triban
  • Eva Doumbia, Le iench, Arles, Actes Sud, 2020 – (Prix Bernard Marie Koltès des lycéens 2022 ; Prix Adel Hakim des lycéens 2024)
  • Eva Doumbia, Chasselay et autres massacres suivi de Le Camp Philip Morris oratorio aux soldats méconnus, Arles Actes Sud, 2024
  • Eva Doumbia, « La Forêt te voit » dans Ce qui (nous) arrive, vol. 1, Les Matelles, Espaces 34, 2022
  • Eva Doumbia, Anges fêlées, La Roque d’Anthéron, Vents d’ailleurs, 2016
  • Eva Doumbia, « Affaires de lions ou même de gazelles » dans Leïla Cukierman, Gerty Dambury et Françoise Verges (dir), Décolonisons les arts !, Paris, L’Arche, 2018
  • Eva Doumbia, « Dido, le théâtre et moi » dans Théâtre/Public, N°232, 2019, [en ligne]
  • Pénélope Dechaufour, « D’une traversée à l’autre, entretien avec Eva Doumbia » dans Sylvie Chalaye (dir.), Scènes et détours d’Afrique, Caen, Passage(s), 2022
  • Pénélope Dechaufour et Sylvie Chalaye (dir.), « Afropea un territoire culturel à inventer », Africultures, N°99-100, Paris, L’Harmattan, 2015, [en ligne]
  • Sylvie Chalaye et Dominique Traoré (dir.), « Théâtres d’Afrique au féminin », Africultures, N°103-104, Paris, L’Harmattan, 2015. [en ligne]
  • Marie Coquille-Chambel, « “Je mange les noirs de là-bas où je ne suis pas” : poétique et esthétique dans le théâtre d’Eva Doumbia » dans Buata Malela et Sandrine Soukaï (dir.) « Écologie décoloniale dans les marges du monde », revue Nakan, 2024, [en ligne]
  • Marjolaine Inter Ecker, « Ce que la littérature fait aux frontières et ce que les frontières font à la littérature – l’exemple d’Afropea » dans Michel Agier et Mélanie Gourarier (dir.), « Trans’ – des existences frontalières », Monde commun, N° 7(2), Paris, PUF, 2022, [en ligne]
  • Francis Cossus, Entretien avec Eva Doumbia, Festival d’Avignon, 2021, [en ligne]
Société d'Histoire du Théâtre

Abonnement

L’abonnement annuel constitue le soutien essentiel aux activités éditoriales de la Société d’Histoire du Théâtre et à leur pérennité. Il inclut les envois papier, l’accès aux versions numériques et à nos archives.

S’ABONNER EN LIGNE À LA VERSION PAPIER+NUMÉRIQUES’ABONNER EN LIGNE À LA VERSION NUMÉRIQUE

ABONNEMENT-RHT-2025