Société d'Histoire du Théâtre

Notice


D’une enfance ludique riche en pratique du théâtre amateur, Julie Deliquet retient avant tout l’extraordinaire stimulation de la section « Cinéma et arts plastiques » de ses années lycée, à Lunel – « véritable déclencheur » d’une vocation qui se nourrit simultanément au Conservatoire de Montpellier, dirigé par Ariel Garcia-Valdès, et en faculté de cinéma (1998-1999) : « On faisait tous les festivals, on rencontrait énormément d’artistes, on allait au cinéma toutes les semaines voire plusieurs fois par semaine, on apprenait l’analyse filmique. […] Je pense que je suis metteuse en scène parce que j’ai fait cette formation, sinon j’aurais été actrice. » Élève à l’École du Studio-Théâtre d’Asnières de 1999 à 2002, elle se forme aussi à l’école Jacques-Lecoq (2002-2004) dont elle apprécie les projets en autogestion avec des camarades de jeu venus du monde entier. L’émulation impulsée par José Alfarroba au Théâtre de Vanves, où « les groupes existaient les uns avec les autres et non pas les uns contre les autres », est également fondatrice dans son parcours.

Au début des années 2000, elle joue et danse dans les créations de Lionel Gonzalès, Jean-Louis Martin-Barbaz, Jean-Marc Hoolbeq, Benoît Théberge, et fonde la compagnie Tais-toi ma langue. La création d’Amorphe, maquette présentée au théâtre Romain-Rolland de Villejuif, est le point de départ de sa démarche artistique. En 2009, elle crée, avec des artistes complices, le collectif In Vitro, qui se fédère autour des « exigences » suivantes : l’échange et les propositions individuelles des interprètes qui priment sur l’idée du metteur en scène, l’improvisation qui s’érige en moteur des répétitions et des représentations, le plateau nu, peu de costumes, un lieu unique, le temps réel du plan-séquence, qui chasse la représentation classique découpée en scènes. L’illusion est celle d’un « direct spontané », qui réduit la frontière avec le spectateur.

L’idée maîtresse du processus de travail est l’engagement intense de « l’interprète-créateur » dans l’expérimentation permanente des « écritures de plateau ». Avec ce « retour des comédiens », repéré dans le théâtre européen depuis les années 1990, le jeu ne « figure » plus le texte mais devient « un passionnant élément de création et de questionnement ».

La première proposition de ce collectif, Derniers remords avant l’oubli, de Jean-Luc Lagarce, reçoit le prix du public au concours des jeunes metteurs en scène du Théâtre 13. Suivront La Noce, de Brecht (présenté au Festival Impatience du Centquatre), puis Nous sommes seuls maintenant, fruit d’une écriture collective de plateau. Ce triptyque, saga rocambolesque baptisée Des années 70 à nos jours, explore la fin des utopies collectives : il sera repris avec succès, en tournée, puis au Festival d’Automne 2014, avant de trouver son épilogue, en 2015, avec Catherine et Christian (fin de partie), à nouveau à partir d’une écriture collective.

Le public se familiarise avec l’espace emblématique de ce collectif au nom de laboratoire : la grande tablée – intergénérationnelle et sociale –, où se rejouent sans cesse les rapports de pouvoir de l’espace démocratique. Il a l’impression d’y être invité et que le « vivant » s’y invente en direct, tant la circulation de la parole y est naturelle, sans être naturaliste : « Quand c’est improvisé, j’aime qu’on croie que c’est du texte et, quand c’est du texte, j’aime qu’on croie que c’est improvisé. L’un n’est jamais l’opposé de l’autre. […] C’est l’acteur qui dirige le texte et non l’inverse. »

En 2016, Éric Ruf invite Julie Deliquet à La Comédie-Française où elle engage une collaboration fructueuse avec cette autre « famille » d’acteurs au sein d’une maison « fixe », qui viendra renouveler sa méthode de travail. Elle monte Vania d’après Oncle Vania puis retrouve, en 2017, le collectif In Vitro pour Mélancolie(s), également inspiré de Tchekhov. En 2019, elle amorce une série de créations qui se présentent comme les versions scéniques de scénarios à forte dimension théâtrale par leur « oralité » : Bergman, Desplechin, Fassbinder ; puis à la demande de Frederick Wiseman, le spectacle Welfare, à partir de son documentaire réalisé en 1973, présenté dans la cour d’honneur au Festival d’Avignon 2023.

Artiste associée depuis 2014 au Théâtre Gérard-Philipe, Julie Deliquet en prend la direction en 2020.

Mises en scène


  • Calliope et Cyclopia, de Jean-Émilien Delignier, créé en 2000 au Studio-Théâtre d’Asnières, Asnières-sur-Seine (France). Co-metteuse en scène avec Émilie Reignier.
  • L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer, de Copi, créé le 23 février 2004 au Théâtre de l’Aktéon, Paris (France).
  • Amorphe, création sous forme de maquette, présentée en 2007 au Théâtre Romain-Rolland, Villejuif (France). Avec une partie des membres du futur collectif In Vitro.
  • Derniers Remords avant l’oubli, de Jean-Luc Lagarce, créé le 19 juin 2009 au Théâtre 13, Paris (France). Avec le collectif In Vitro.
  • La Noce, de Bertolt Brecht, créé le 3 mai 2011 au Théâtre de Vanves, Vanves (France). Avec le collectif In Vitro.
  • Nous sommes seuls maintenant, création du collectif In Vitro, créé le 5 novembre 2013 au Théâtre Romain-Rolland, Villejuif (France).
  • Gabriel(le), création du collectif In Vitro, créé le 22 mai 2015 aux Ateliers Berthier-Odéon-Théâtre de l’Europe, Paris (France). Projet « Adolescence et territoire(s) », avec 19 adolescents d’Île-de-France.
  • Catherine et Christian (fin de partie), création du collectif In Vitro, créé le 24 septembre 2015 au Théâtre Gérard-Philipe Centre dramatique national, Saint-Denis (France).
  • Vania, d’après Oncle Vania, d’Anton Tchekhov, créé le 21 septembre 2016 au Théâtre du Vieux-Colombier de la Comédie-Française, Paris (France). Avec les comédiens de la troupe de la Comédie-Française.
  • Mélancolie(s), d’après Les Trois Sœurs et Ivanov, d’Anton Tchekhov, créé le 17 octobre 2017 au Théâtre de Lorient Centre dramatique national de Bretagne, Lorient (France). Avec le collectif In Vitro.
  • Fanny et Alexandre, d’Ingmar Bergman, créé le 9 février 2019 dans la Salle Richelieu de la Comédie-Française, Paris (France). Avec les comédiens de la troupe de la Comédie-Française.
  • Un conte de Noël, d’après le film d’Arnaud Desplechin, créé le 15 octobre 2019 à la Comédie de Saint-Étienne Centre dramatique national, Saint-Étienne (France). Avec le collectif In Vitro.
  • Le ciel bascule, création collective inspirée des œuvres de Jean-Luc Lagarce, Anton Tchekhov et Patrice Chéreau, créé le 3 juillet 2020 à la Comédie de Saint-Étienne Centre dramatique national, Saint-Étienne (France). Avec les élèves de l’École de la Comédie de Saint-Étienne.
  • Huit heures ne font pas un jour, d’après la série télévisée de Rainer Werner Fassbinder, créé le 29 septembre 2021 au Théâtre Gérard-Philipe Centre dramatique national, Saint-Denis (France). Avec le collectif In Vitro.
  • Jean-Baptiste, Madeleine, Armande et les autres…, d’après L’École des femmes, La Critique de l’École des femmes et L’Impromptu de Versailles, de Molière, créé le 17 juin 2022 dans la salle Richelieu de la Comédie-Française, Paris (France). Avec les comédiens de la troupe de la Comédie-Française.
  • Fille(s) de, inspiré du texte de Leïla Anis Fille de, création collective, créé le 1er juillet 2022 au Théâtre Gérard-Philipe Centre dramatique national, Saint-Denis (France). Co-metteuse en scène avec Leïla Anis, Lorraine de Sagazan, les actrices du collectif In Vitro et des habitantes de Saint-Denis.
  • Welfare, d’après le film de Frederick Wiseman, créé le 5 juillet 2023 dans la cour d’honneur du Palais des papes, Avignon (France).
  • Une nuit invisible nous enveloppe, de Julie Deliquet, d’après L’Établi, de Robert Linhart et Le jour où mon père s’est tu, de Virginie Linhart, créé le 14 décembre 2023 au Conservatoire national supérieur d’Art dramatique, Paris (France). Avec les élèves du Conservatoire national supérieur d’Art dramatique.

Réalisation

  • Violetta. Création de la 3e scène de l’Opéra de Paris, 2020, 18 min. Avec Aleksandra Kurzak, Magaly Godenaire et le collectif In Vitro. Sorti en salle sous le titre Celles qui chantent (au côté des courts-métrages de Sergei Loznitsa, Karim Moussaoui et Jafar Panahi), présenté́ en sélection officielle au Festival de Cannes 2020 (annulé pour cause de pandémie).

Références bibliographiques


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