Dictionnaire des metteuses en scène
Phia MénardMétiers: Chorégraphe, Jongleuse, Metteuse en scène, Performeuse
Pays d'exercice: France
Organisations ou collectifs liés: Le Carré Scène Nationale Château-Gontier, Non Nova Nantes
Personnalités liées: Chloée Sanchez, Franck Teno, Guillaume Hazebrouck, Hélène Ninerola, Paola Rizza, Rémy Balagué
Notice rédigée par Léonor Delaunay
Phia Ménard est une metteuse en scène, performeuse, chorégraphe et jongleuse française. Elle se forme à partir de 1994 chez le jongleur Jérôme Thomas, qui développe dans les années 1990 un nouveau langage jonglistique en y intégrant des codes et des gestes venus de la danse contemporaine et du théâtre. Phia Ménard suit aussi les enseignements de Hervé Diasnas, un ancien jongleur devenu danseur. En 1998, elle fonde à Nantes sa propre compagnie, Non Nova, qui signifie « Non-nova, sed nove » (Nous n’inventons rien, nous le voyons différemment). Elle y développe une forme de théâtre mêlée de cirque, de jonglerie, de danse contemporaine et de théâtre d’objets.
Dans le travail de Phia Ménard, la confrontation des corps aux éléments et à la matière déploie un monde poétique, mystérieux et politique, qui invite les spectateurs et spectatrices à voyager dans son imaginaire. Dans ses spectacles rien n’est fixé, les éléments, les corps, les récits se transforment, se libèrent, se reconfigurent ou se métamorphosent pour s’ouvrir à d’autres horizons. Elle accorde à la scénographie une place essentielle : la manipulation et la transformation des matériaux en direct, la construction d’un décor qui tient un véritable rôle dans le temps de la représentation confèrent une puissance esthétique étonnante à ses spectacles.
Son premier spectacle, Le Grain, est créé à Nantes en 1998. En 2001, elle présente le solo Ascenseur, fantasmagorie pour élever les gens et les fardeaux, une fantasmagorie autour de l’histoire et de la pensée du jonglage. Son univers s’affirme, fantasque, sensuel, ludique, réflexif et politique. À partir de 2003 et jusqu’en 2006, la compagnie Non Nova est associée à la scène nationale Le Carré à Château-Gontier. Y sont créés les spectacles de jonglerie, vidéo et performance Zapptime, Rêve éveillé d’un zappeur, Jongleur pas confondre et Fresque et Sketchs 2nd round, puis, en 2005, Zapptime#remix, créé à Nantes et montré dans le festival Off d’Avignon. Dès lors, ses spectacles s’organisent souvent en cycles, le premier autour de la notion de zapping, le second, qui lui fit rencontrer le succès, se consacre à l’eau et à ses différents états, avant la « Trilogie des contes immoraux », initié en 2021 avec Maison Mère. En 2023, elle ouvre un nouveau cycle, « Des jardins et des ruines », avec un spectacle consacré à la migration.
En 2008 Phia Ménard initie un processus de recherche qui structure depuis lors tout son travail : la notion d’injonglabilité des éléments (« I.C.E. » pour “Injonglabilité Complémentaire des Éléments”), Ice faisant également écho à la glace, l’élément autour duquel se construit le cycle “Pièces de glaces”, qui s’ouvre en 2008 avec le spectacle P.P.P., présenté aux Subsistances de Lyon. Elle poursuit ce travail de recherche en 2011 avec le cycle des « pièces du vent » : L’Après-midi d’un foehn et Vortex. Les deux pièces interrogent les notions de normes, la perception que l’on peut en avoir et la façon de s’en émanciper. La liberté de circuler, d’un pays à l’autre, d’un genre à l’autre, la remise en cause du patriarcat et des normativités à l’œuvre dans nos sociétés nourrissent le travail politique comme matériel de Phia Ménard. La remise en cause de la virtuosité et son intérêt pour ce qui résiste sont une réponse concrète à ces interrogations et ses engagements. Si le motif de la glace, de sa transformation et des techniques qu’elle nécessite, occupe une place importante dans son travail, cet élément lui permet surtout de penser et de représenter la transformation d’un corps d’homme en corps de femme et de questionner concrètement l’identité. Ses préoccupations personnelles ont ainsi toujours une incidence sur son œuvre.
Le collectif occupe une place déterminante dans le processus de création, tant et si bien que Phia Ménard se définit comme une cheffe d’orchestre, plus que comme une metteuse en scène. Elle multiplie tout au long de son parcours les collaborations et les résidences. En 2015 par exemple, elle s’associe en 2015 à l’Espace Malraux Scène nationale de Chambéry et de la Savoie, puis au Théâtre Nouvelle Génération – Centre Dramatique National de Lyon et au Centre chorégraphique national de Caen en Normandie. Ses spectacles sont diffusés dans des réseaux très différents, sur les grandes scènes des institutions théâtrales comme dans des réseaux plus modestes, en milieu rural, dans les festivals, en France et dans le monde. Phia Ménard est une artiste qui circule dans le monde du théâtre comme dans celui du cirque ou de la marionnette, faisant là encore abstraction des frontières et des cloisonnements disciplinaires.
« Phia Ménard. Au-delà des genres », dossier de la revue Théâtre(s). Le magazine de la vie théâtrale, n°18, été 2019.
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