Revue d’Histoire du Théâtre • N°291 T3 2021
Pour Sarah Kane
Par David Léon
Résumé
Texte de David Léon
Texte
il faudrait croire qu’avec Sarah on a commencé à entendre que quelque chose était vrai rien qu’1 mot sur la page et le Théâtre est là ces mots cette phrase 4.48 Psychose des poings serrés sur la scène souvenir de la lumière didascalies des variations de la lumière lumière d’automne je crois que quelque chose de vrai commençait à apparaître on y a cru un temps à cette séparation la jeune fille prise de bégaiement Sarah ma sœur surprise de tremblements chambre d’hôtel d’Anéantis Deleuze l’alcool le bégaiement de la langue le bégaiement de l’écriture conduit à sa limite c’est ce que je garde d’elle ce dont je me souviens que l’écrivain fait bégayer piauler et murmurer et sa langue arrachée les yeux gobés le bébé dévoré décombres de notre siècle – quelle effraction depuis ? – il faudrait croire qu’on aurait commencé à entendre mais sans y croire vraiment qu’1 seul mot sur la page que le théâtre serait là c’est ce que je crois pourtant je garde ces phrases à l’intérieur de moi ces quelques mots de Sarah Kane tout le travail c’est cela le temps qu’il nous faudra pour qu’1 mot sur la page ou qu’1 corps immolé mais nous n’y croyons plus vraiment on y a cru qu’un temps c’est que la forme s’est éclatée ? la société ? qu’au commencement le Verbe – promesse réalité ou vérité ? – la poésie pareille on n’y croit plus vraiment nous n’avons plus le temps on voudrait séparer le poème de la cage de la scène et la pensée du corps l’anatomie humaine on voudrait dissocier la chair et la langue arrachée et les yeux du bébé il faut refaire sans cesse par les phrases du réel le piano discordant qu’1 sœur Sarah qu’1 frère Artaud debout les poings serrés contre la page au bord de scène le corps dressé qui parle dit quelque chose qui sonnerait un peu vrai – un effet de vérité hurlement de vérité ou est-ce désaccordé ? – on n’y croit pas vraiment parce qu’elle s’est suicidée on y a cru un temps commencé à entendre commencé à se dire qu’on pourrait écouter qu’ici la page tout aussi bien la scène le théâtre et le corps – est-ce un corps immolé ? – on pourrait écouter on y croit pas vraiment on y a cru qu’un temps
Pour citer cet article
David Léon, « Pour Sarah Kane », Revue d’Histoire du Théâtre numéro 291 [en ligne], mis à jour le 01/03/2021, URL : https://sht.asso.fr/pour-sarah-kane/