Revue d’Histoire du Théâtre • N°297 T4 2023
Entretien avec Jany Gastaldi
Par Jany Gastaldi
Résumé
Les entretiens qui paraissent sous le titre « Paroles et écrits de l’acteur » sont nés de la question lancinante suscitée par le spectacle des comédiens en jeu : comment saisir l’écriture de ces acteurs, dont le style semble écrire une histoire au-delà des rôles qu’ils interprètent et des mises en scène qui les font entendre ? Et quelle histoire composent-ils ? Donner la parole aux acteurs eux-mêmes pour répondre à ces questions est d’abord une manière de réinscrire leurs propos dans une perspective longue, depuis l’émergence de leurs écrits à la fin du XVIIe siècle jusqu’à aujourd’hui : c’est rétablir le statut de leur voix à travers le temps, en souligner la continuité et en interroger la rareté.
Texte
Au fond le mystère subsiste…
Oui, parce que la technique est difficilement cernable. Je ne suis ni violoncelliste, ni flûtiste, ni pianiste. Chez le comédien, la technique est diffuse, le métier s’apprend beaucoup en jouant dans de vrais spectacles avec de vrais spectateurs, mais c’est presque de l’indicible. J’ai donné des cours à l’ESAD pendant trois ou quatre ans, j’en donne encore en différents lieux et suis très heureuse d’être au contact de jeunes comédiens, la transmission me plaît beaucoup. Mais lorsqu’on m’a proposé ces cours, je me suis demandé ce que j’allais bien pouvoir raconter. Finalement j’ai beaucoup à dire, mais sur des cas très précis, sur des scènes en situation : là je suis capable d’orienter un élève, de lui suggérer des directions de travail en fonction de sa manière à lui. Néanmoins, on peut peut-être, en effet, essayer de cerner quelque chose de l’indicible…
Lorsque vous avez un rôle à jouer, par quoi commencez-vous ? Quelle est la première étape de votre travail ?
Je me souviens que pour Hernani[1], j’avais tout de suite acheté les dessins de Victor Hugo représentant ces châteaux qui paraissent hantés, j’étais allé voir son musée, et j’avais lu des ouvrages. Mais il y a aussi beaucoup de rêve. Lorsque j’ai un personnage à jouer, j’y rêve. C’est impressionniste. Le travail va s’effectuer par rapport au rêve du metteur en scène, au partenaire qui est en face de moi, et par rapport à l’écriture. Il y a ces données multiples, et il s’agit de s’accorder avec toutes, y compris avec la lumière, la musique, les décors, etc. C’est une alchimie délicate pour laquelle il faut avoir la tête bien faite, et passer au cordeau tous les ingrédients qu’on voudrait y mettre.
De sorte que pour vous le travail commence par le face-à-face solitaire avec le texte et le personnage ?
Oui, je suis seule avec mon rêve, j’essaye de me documenter le plus possible. Puis une fois qu’on est sur le terrain, c’est un autre processus, un travail beaucoup plus précis où il faut faire des choix. Pour une intonation, un geste, il y en a vingt qui se proposent : lequel vais-je choisir ? Il y a de bonnes et de mauvaises lumières, de bons et de mauvais décors… C’est pourquoi les metteurs en scène sont intéressants, ils sont comme des chefs d’orchestre. Le théâtre est un ensemble, il fait appel à divers corps de métier, il faut s’entendre avec tout le monde.
Vous intéressez-vous aux interprétations qui vous ont précédée ?
Je regarde quelques photos parfois, de Sarah Bernhardt dans Doña Sol par exemple, elle avait beaucoup de grâce ; quelques enregistrements… Mais ce n’est pas ce dans quoi je pioche essentiellement. Ce sera dans un rapport beaucoup plus intime avec la langue, et avec le patchwork d’impressions, de sensations, de souvenirs, de rêves dont je vous ai parlé.
Pour en rester à cette étape initiale, comment se passe la mémorisation du texte pour vous ?
Pas si facile que ça. Rabâcher, rabâcher, rabâcher, le plus souvent à haute voix. Se redire le texte une fois avant de dormir est aussi un bon truc. L’inconscient travaille pendant la nuit.
Lors de ce premier travail avant la rencontre avec le metteur en scène, vous faites-vous déjà une idée précise du personnage, de l’univers de l’auteur ?
J’ai déjà ma petite idée, absolument. Ensuite je peux être influencée par le metteur en scène et le partenaire, mais j’ai mon idée à moi. Je me mêle un peu de mise en scène. Je m’intéresse à la dramaturgie.
Avez-vous toujours eu affaire à des metteurs en scène qui acceptaient de vous voir prendre part à l’élaboration du spectacle ?
Non, certains ne veulent pas du tout laisser parler les autres. Ce ne sont pas pour moi de grands metteurs en scène.
Comment cela se passe-t-il dans ces cas ?
Je ne dis plus rien. Mais je suis moi-même, avec mon physique, ma chair, ma voix. Je ne résiste pas mais c’est moi sur le plateau, et quand on joue, le metteur en scène est hors scène ! C’est l’acteur qui s’expose avec tout son corps. Le théâtre, comme disait Régy, on ne peut ni le photographier ni le filmer. Ce sont des ondes qui partent du plateau pour aller, il faut l’espérer, jusqu’au dernier spectateur au fond de la salle. Qu’est-ce qui va toucher ? C’est inexplicable. La voix joue beaucoup. Pour moi, lorsque je n’aime pas un acteur, c’est souvent que je n’aime pas sa voix. Quelquefois, lorsque je suis spectatrice, je ne peux même pas regarder le plateau tant ce qui s’y passe m’insupporte. Je regarde mes genoux.
Comment décririez-vous le travail lorsque l’entente avec le metteur en scène se fait ?
Le metteur en scène vous donne l’impression que c’est vous qui faites la mise en scène, alors que c’est lui. Vous pouvez proposer et il prendra des choses de vous. La fabrique se fait à deux. Chéreau par exemple disait : « Si un acteur ne me propose rien, je n’ai rien à lui dire. C’est à l’acteur d’apporter quelque chose, d’improviser, cela part de lui. Ensuite le metteur en scène peut peaufiner ». Dans La Dispute[2], Chéreau était pendant très longtemps, au moins un mois, à cinquante centimètres de nous, à quatre pattes par terre. Il jouait tout avec nous. C’est seulement dans les derniers temps qu’il s’est mis au fond de la salle, sinon il était toujours très près. Il nous faisait croire que cela partait de nous. C’était pareil avec Antoine Vitez. C’est très agréable.
Jouant avec Vitez et Chéreau, vous avez été confrontée à deux visions et deux pratiques différentes du théâtre. Qu’en ressortait-il pour vous, en termes de travail ?
Cela n’avait rien à voir en effet, surtout entre les deux Marivaux : La Dispute, où nous étions comme des enfants sauvages, et Le Prince travesti[3] où je jouais la Princesse de Barcelone. Ne serait-ce que pour le corps : nous portions des corsets très tenus dans le spectacle de Vitez, dans la mise en scène de Chéreau nous étions dans la vraie terre, avec de vrais arbres, à nous entre-déchirer d’une façon très physique, toujours à quatre pattes, sans qu’il nous ait pourtant jamais dit de le faire. Avec Antoine il n’y avait presque pas de travail à la table, tandis que Chéreau nous y a fait travailler pendant deux semaines, j’avais été fascinée par toutes les portes qu’il ouvrait, il déployait les possibilités. Par la suite il était très directif mais, je vous l’ai dit, l’élan venait de nous. Et je ne sais comment, finalement c’était tout à fait sa mise en scène, alors qu’on avait l’impression de participer. Antoine disait : « Le metteur en scène, c’est quelqu’un qui descend du plateau, saute dans la salle et dit “tu as fait ça, ça, ça, formidable, on va garder presque tout[4]” ». C’était rare qu’il ne garde rien. Il n’y a pas de limite précise entre ce qu’apporte l’acteur et la vision du metteur en scène. On se glisse plutôt dedans. Avec Chéreau, on s’était glissés dans cette vision des enfants sauvages. En revanche, il ne fallait pas lui poser de question technique sur le texte. Il répondait : « Je ne sais pas, c’est à l’acteur de savoir, faites votre boulot, faites-vous entendre, respirez où vous voulez ». Pour l’orientation de la diction, c’était plutôt moderne. Antoine au contraire se collait au travail du texte, il était très exigeant sur la langue. Pour Le Soulier de satin[5], il tenait à ce qu’on ne respire qu’au verset. Ce n’est pas toujours facile, certains versets sont très longs, peu d’entre nous y sont parvenus, moi pas plus que les autres, mais cette consigne a quand même donné une structure, un cadre à notre diction. Dans Britannicus[6], il montrait la même exigence pour les vers, voulant qu’on marque le « e » muet sans trop le souligner non plus. Le premier spectacle que j’ai fait avec lui était Andromaque[7] où tout le travail – magnifique – était sur le texte, puisqu’on jouait seulement avec une échelle, une table et deux chaises, pleins feux, il n’y avait pas de création lumière, les acteurs étaient soit devant des cyclos blancs, soit devant des rideaux noirs. En même temps, avec Vitez, c’était tout de suite le corps, le plateau, et le travail se faisait au fur et à mesure, texte en main, il n’aimait d’ailleurs pas trop qu’on sache le texte avant. Pour L’Échange[8] de Claudel, un acteur était arrivé en connaissant déjà tout son rôle, Antoine était un peu désemparé parce qu’ils n’étaient pas à égalité. Antoine aurait voulu fouiller en même temps avec les acteurs, que toute la recherche se fasse ensemble. En plein âge d’or de la dramaturgie, il n’aimait pas trop les dramaturges ! On ne faisait même plus une lecture globale de la pièce, c’était tout de suite sur le plateau. Le corps était très important pour lui.
De sorte que pour vous, que ce soit avec Chéreau ou avec Vitez, l’investissement physique, émotionnel, affectif dans le rôle était le même ?
Oui, parce que le rôle ne bouge pas et que c’est toujours moi dans les deux cas. L’essentiel est ma présence sur le plateau, et ce qui circule entre moi, ce qui est écrit, et les spectateurs. L’investissement est le même, pour tout. Le metteur en scène est en coulisses, son travail est fait. D’ailleurs Antoine Vitez ne s’occupait plus de nous dès que les représentations commençaient. Il nous regardait, prenait beaucoup de photos, nous dérangeait même en faisant trop de bruit dans les coulisses, mais il était déjà trois spectacles plus loin. C’était fini avant même la première, deux semaines avant on voyait qu’il en avait assez, qu’il passait à autre chose. Il répétait : « Je n’ai pas le temps, je n’ai pas le temps ». Il avait un pressentiment de sa mort. On l’appelait « Speedy », il était toujours pressé.
Une metteuse en scène qui est aussi actrice me disait récemment qu’elle n’aimait pas du tout les petits rôles. Je n’ai pas répondu, mais pour moi cela ne fait aucune différence. J’ai joué Mathurine dans Dom Juan[9] comme si c’était un grand personnage, ou bien Doña Sol dans Hernani, qui dit très peu de choses mais est une figure emblématique au milieu de ces trois hommes. D’ailleurs on se posait la question avec Vitez : dans la scène 3 de l’acte II, Doña Sol est avec le roi. Arrive Hernani, le duel verbal et physique s’engage entre les deux hommes – et que fait Doña Sol pendant tout ce temps ? Elle ne dit pas un mot, où est-elle dans le décor ? Elle ne pouvait pas rester immobile, que faisait-elle donc ? C’est comme si tout à coup il y avait un gros plan de cinéma sur tel acteur, et qu’on ait oublié l’autre. Comment cela se passait-il dans les mises en scène d’avant ? On n’a pas résolu le problème. Je jouais avec toutes les larmes, à genoux, me déchirais la poitrine, mais je n’étais plus dans le plan. C’était très fatigant, très hystérique.
Est-ce le goût de dire des textes qui vous a menée au théâtre ?
Pas du tout. J’y suis venue parce que ma mère était pianiste à Monaco et j’ai passé mon enfance dans les loges de l’électricien à voir les opéras qui se déroulaient à Monte-Carlo. Maman m’emmenait aux répétitions avec les danseurs, elle faisait tous les métiers du piano, j’étais dans cet univers musical. Elle me poursuivait partout avec le Solfège Dandelot ! Comme elle ne parvenait pas à ses fins avec moi, elle faisait appel à d’autres professeurs mais je refusais d’aller aux cours particuliers. Je crois pourtant que j’avais l’oreille musicale. Je ne voulais pas faire le même métier que ma mère. Je faisais de la danse aussi, avec Marika Besobrasova, un très grand professeur qui enseignait à Paris et à Moscou, puis je suis montée à Paris à dix-sept ans sans savoir encore si j’allais opter pour la danse ou le théâtre. Et je suis tombée dans le cours de théâtre de Jean Périmony, amenée là par un ami de Monaco. J’y suis restée, et je suis entrée au Conservatoire à dix-neuf ans. Cela n’a pas été cornélien du tout, la danse ne m’a plus manqué. Au Conservatoire, mon premier professeur a été Lise Delamare, que j’avais trouvée magnifique dans Les Femmes savantes qu’avait diffusée la télévision à Monaco. Mais son enseignement était peut-être trop rigide pour moi. Ensuite j’ai été chez Maurice Jacquemont, avec qui on riait sans arrêt et qui a été un bon professeur. On était très libre. Il nous donnait de l’argent pour aller au cinéma, on allait ensemble boire du bon vin. Jacquemont nous a enseigné qu’on peut avoir du plaisir, qu’on peut se détendre, qu’on peut essayer d’improviser, se casser la figure et ne pas être très bien, c’est sans importance. C’était décomplexé. Après est arrivé Antoine. Et tout à coup j’ai entendu quelqu’un me dire : « Ah, mais c’est très bien ce que vous faites. » – « Ah bon, c’est très bien ? » On commence à faire des progrès quand on vous dit ça. On ne peut pas être dans la négation sans arrêt.
Quels autres changements avez-vous éprouvés en entrant dans la classe de Vitez ?
Je suis arrivée à Paris sans rien connaître du tout. Avec Antoine, c’était la découverte de l’art moderne, comme si j’avais découvert Picasso. Au Conservatoire, il y avait deux sortes de théâtre, la Comédie-Française ou le Boulevard, et j’ignorais qu’un autre théâtre fût possible. C’est Vitez qui m’en a ouvert les portes. Ce n’était pas tant une question de répertoire, parce qu’Antoine était d’accord pour qu’on fasse la millième version de Dom Juan. Comme un pianiste, je ne vois pas pourquoi on arrêterait de jouer Mozart ou Bach. Mais par exemple, pour la scène entre Armande et Henriette des Femmes savantes, soudain il disait : « Tiens, Armande se mettrait au piano, elle improviserait, et sa sœur viendrait derrière et chanterait un petit peu… » ; ou bien pour Junie de Britannicus : « Là, ce serait comme si un oiseau se fracassait sur le décor… » – « Ah bon, un oiseau ? » Tout était possible. On était dans l’imaginaire, dans la liberté, et dans une autre façon de penser. Je sais que je commençais à interpréter le monologue d’Électre de Sophocle, qu’il avait traduit, de cette manière : « O dernier des souvenirs, des plus heureux, oh mon Oreste, je suis – », là il voulait un petit suspens, « je suis – déçue. » Pourquoi ? Parce que le mot « déçue » est faible. Au lieu de dire « je suis bouleversée », elle ne trouve pas les mots, et dit « je suis… / déçue ». Et j’étais allongée par terre. Les gens ne le supportaient pas. Je me souviens même d’un comédien qui avait passé Le Misanthrope avec les mains dans les poches, il ne portait pas de costume XVIIe, il était en pantalon : qu’est-ce qu’il n’a pas entendu de la part des membres du jury ! C’était terrible le Conservatoire, très vieux, très archaïque, très bourgeois. On était en 1968, mais il avait fallu acheter une petite robe fuchsia pour passer l’examen et présenter bien. Après l’arrivée de Pierre-Aimé Touchard qui a proposé à Vitez d’y enseigner, il y a eu des scandales à répétition à propos de la classe d’Antoine. Lors des présentations des travaux de fin d’année, un comédien grec avait joué Phèdre en travesti et faisait semblant de se couper les couilles avec un tesson de bouteille. Quelle bataille ç’a été ! Alors il y a eu une scission : quand on entrait au Conservatoire, on se rendait soit chez les Modernes, soit chez les Anciens. C’était épique. J’étais déjà sortie à cette époque, mais ce que faisaient les élèves était vraiment subversif et violent. C’était une formidable provocation. Touchard avait voulu injecter un peu de sang neuf après 68 ; les choses se sont bien calmées avec Jean-Pierre Miquel…
Avez-vous lu, au cours de votre formation, des ouvrages de comédiens qui ont écrit sur leur métier ?
Ils ne peuvent pas constituer une grammaire. Chacun a son propre alphabet pour rentrer sur le plateau. Les comédiens puisent partout, ils puisent dans leur enfance, comme tout le monde. Et je pense qu’il faut être soi-même, en scène. Il ne faut pas jouer à quelque chose bien. Il faut être. Pas jouer. Quand on demandait à Edwige Feuillère ce qu’elle dirait à ses élèves si elle en avait, elle répondait « Je leur dirais une seule chose : soyez vous-mêmes ». C’est très difficile… Enfin j’ai lu un peu Jouvet, que j’ai trouvé très intéressant, et que Vitez adorait.
Avez-vous été marquée par quelques grandes figures d’acteurs ou d’actrices ?
Avant d’entrer au Conservatoire, j’ai été un peu chez Tania Balachova, qui avait une personnalité extraordinaire, et tellement de charme et d’intelligence. Beaucoup de comédiens sont passés par chez elle : Vitez, Tatiana Moukhine, Delphine Seyrig, Laurent Terzieff, Catherine Sellers… Elle prenait tous ceux qui avaient été refoulés des autres cours. Si l’on joue d’une certaine façon maintenant, cela vient peut-être de Tania Balachova, alors même que les élèves d’aujourd’hui ne l’ont pas connue et n’en ont jamais entendu parler. Je me souviens notamment avoir rencontré des élèves de l’ERAC[10] lorsque nous jouions Tennessee Williams[11] à Nice. Nous avons engagé la discussion après les représentations, et je les ai trouvés très intelligents. Or ils avaient eu comme professeurs Madeleine Marion et Redjep Mitrovitsa, lui-même élève de Vitez qui s’était formé avec Balachova. Je pense qu’il y a une transmission, mais on n’est peut-être pas toujours conscient des raisons pour lesquelles on joue de telle façon. Ça serpente en dessous, dans le non-dit, puisque nous n’avons pas de technique. Personne ne peut revendiquer d’avoir « la technique Balachova ».
Pourrait-on qualifier malgré tout ce qu’enseignait Balachova ?
Il y avait une certaine liberté, l’acteur s’assumait tout seul, il était son propre royaume. Elle enseignait une façon de laisser venir le texte, de ne pas forcer, de ne pas mettre de carcan. Mais je ne suis restée qu’un mois, ensuite je suis entrée au Conservatoire. L’enseignement de Balachova me correspondait mieux, mais pour un acteur le Conservatoire représente aussi des débouchés professionnels. Au départ je ne souhaitais pas y aller, d’autres théâtres qui se faisaient en province m’intéressaient. Un ami a insisté pour que j’y entre tout de même, et il a eu raison puisque Vitez est arrivé peu après.
Vous n’avez jamais eu le projet d’entrer à la Comédie-Française ?
Certains membres du jury jugeaient que j’avais l’emploi de Renée Faure. Mais il était impossible de faire marche arrière quand on avait été avec Vitez. Par la suite, Pierre Dux m’a fait venir dans son bureau et a souhaité m’intégrer à la troupe pour jouer La Célestine que montait Maréchal, et L’Idiot que mettait en scène Michel Vitold. Je crois que j’ai dit à Dux tout ce qu’il ne fallait pas dire, c’est mon inconscient qui a parlé ! Tant mieux, parce que ce que j’ai joué à Ivry était exaltant.
Est-ce que vous dialoguez avec le passé du théâtre ?
Il y avait une vieille demoiselle dans l’immeuble que j’habitais à Monaco, elle était coiffée comme Colette, s’habillait en vêtements 1900, possédait quantité de très beaux objets 1900, et j’étais sans arrêt fourrée chez elle. Elle s’était constitué des albums avec les photos des grands acteurs : Sarah Bernhardt, Réjane, Mounet-Sully, Cécile Sorel, Ève Lavallière, et aussi Liane de Pougy, la belle Otero… Du matin au soir je feuilletais ses albums. Je n’ai pas approfondi ces recherches par la suite, c’est resté à cet état d’imprégnation enfantine. Je connais bien sûr l’enregistrement de Sarah Bernhardt, qui parle avec une très jolie voix, très haute. Mais c’est tout ce que je connais. Il est vrai que je fais peu de recherches sur mon métier tel qu’il se pratiquait avant.
D’autres acteurs vous ont-ils nourrie ou accompagnée ?
Ce sont les personnalités que j’aime au théâtre. Un grand acteur arrive avec toute sa vie sur le plateau, pour reprendre les mots de Vitez. En regardant Philippe Clévenot, je ne me disais pas : « Ah, qu’est-ce qu’il joue bien. » mais « Qui est-ce ? ». On ne le perdait pas des yeux, avec ce charisme, cette voix. Lorsqu’il a créé son spectacle d’après la Conférence d’Antonin Artaud[12], je le vois encore entrer côté cour et tout de suite il saisissait par sa présence, son intelligence. Alain Ollivier parlait de « l’intelligence du plateau ». On peut être intelligent dans la vie, mais il y a l’intelligence du plateau, d’une autre nature. Philippe Clévenot l’avait. Plus jeune, j’ai vu jouer Alain Cuny, pour la première et la seule fois, à l’Odéon, dans Tête d’or[13]. J’arrivais alors de Monaco, je ne connaissais rien ni personne, je n’étais même pas encore au Conservatoire. Avec Laurent Terzieff, ils formaient un couple d’hommes d’une beauté extraordinaire. J’ai vu Cuny arriver en scène, et la réflexion que je me suis faite a été : « Comme cet homme parle naturellement ! » On sait pourtant comment parlait Cuny, mais parce que la pensée était juste, il pouvait tout faire. J’avais aussi un enregistrement de Ludmilla Pitoëff dans La Mouette, qui chante avec l’accent russe, « Il faut savoir porter sa croix… » Mais là aussi la pensée est juste, si bien qu’on la suit, quelles que soient les étrangetés de la diction. L’important est que ça parte du cerveau, et de bien cibler où l’on va. C’est pareil pour l’élocution des grands acteurs : pourquoi les entend-on très bien ? Parce que le cerveau commande, aux lèvres et à l’articulation, c’est la pensée bien ciblée. Le cerveau influe sur les cordes vocales, ce n’est pas dissocié. Je fais pour ma part beaucoup de choses d’instinct, dans le rêve, ce sont des approches impressionnistes. Quand j’ai un rôle à jouer, j’y songe continuellement, il est dans un coin de ma tête ; le personnage navigue à l’intérieur de moi, je trouve ses réactions, sa façon d’être, le moi intérieur du personnage. Puis dès qu’on est sur le plateau, on travaille avec le corps. Rien ne peut se faire sans lui.
Comment définiriez-vous l’intelligence du plateau ?
J’étais allée voir une amie comédienne qui jouait en Grèce. Ne connaissant pas le grec, je ne comprenais rien de ce qu’elle racontait, mais elle avait une façon de faire qui est celle de tous les acteurs de théâtre au monde, quelque chose que nous avons dans notre corps.
Vous vous reconnaissiez dans son langage corporel ?
Pas moi seulement, c’était un langage pour tous les plateaux du monde. Une façon de se comporter, d’être là, ce que je sentais de sa vivacité intérieure : je connaissais tout. Il doit rester en nous des traces des anciens rituels, lorsque le théâtre se déroulait selon des gestes très codifiés : le théâtre égyptien avant même le théâtre grec, la Commedia dell’arte, le Nô et le Kabuki qui sont encore vivants… Nous gardons mémoire de ces rituels dans un coin du cerveau, sans en être conscients. Une mémoire du geste, quelque chose d’archaïque qu’on fait ressortir de notre histoire.
Vous parliez d’impressionnisme, d’instinct et de rêverie, mais vous dites aussi que tout tient dans la pensée juste : or celle-ci n’est ni imprécise, ni involontaire, cet aspect du travail est tout à fait conscient.
Je crois que je suis très précise, et bien sûr la pensée est consciente, parce que comme je vous l’ai dit, il y a de nombreux choix à faire.
Vous n’avez pas prononcé le mot incarnation jusqu’à présent. A-t-il du sens pour vous ?
Je l’ai beaucoup entendu, c’est un bien grand mot, je trouve.
Vous répétez pourtant que le personnage c’est vous. En quoi ce terme n’est-il pas approprié ?
C’est un mot qui ronfle un peu, l’incarnation de l’acteur, un peu savant. Y a-t-il une telle nécessité à mettre des mots sur un travail ? Met-on autant de mots sur ce que fait un peintre par exemple ?… Je préfère dire « le personnage, c’est moi », plutôt que de dire « incarnation ». C’est moi avec tout ce que j’ai vécu, avec ce que je connais et ce que je ne connais pas. Mais c’est un grand moi, un moi de la conscience universelle. Gérard Philipe, à une jeune fille qui expliquait qu’elle était vierge et qu’elle devrait avoir connu une passion pour pouvoir la jouer, lui répondait qu’elle trouverait le sentiment en elle, car il y a une grande conscience cosmique. Je dis cela sans mysticisme, on fait partie d’une sorte de grand cerveau.
La notion de personnage ne vous semble donc plus valable ?
Non, elle n’a aucune valeur, c’est le texte qui compte. Il y en a un qui s’appelle « X » et qui dit ces mots. C’est tout. Mais comme c’est moi qui l’interprète, on aurait aussi bien pu l’appeler Jany. On dit peut-être « personnage » pour désigner cela, mais pour moi c’est le texte. Dans un cas, le personnage s’appelle Hermione. Y a-t-il des fantômes en même temps que moi sur le plateau ? Non, il vaut mieux qu’il n’y ait qu’une seule forme sur le plateau, et pas un fantôme plus moi. Ai-je un doublon ?
Le personnage est un texte, quelques lignes écrites. Le jeu est ce que je vais mettre dans ces lignes, et je vais y mettre ma vie. C’est une belle chose que m’avait dite mon professeur, Marcelle Coteau, à Nice : « Votre culture est déterminante pour vos choix esthétiques. Cultivez-vous, cela déterminera votre façon de jouer ». Il faut puiser à toutes les sources. L’atmosphère musicale qu’il y avait autour de moi quand j’étais petite m’a beaucoup nourrie. C’est un univers très rigoureux. Il n’y a qu’à voir comment est faite une partition de musique. Ma mère a aussi été au Conservatoire de Paris, dans la classe d’Yves Nat. La discipline de la musique a marqué ma mère comme une règle de vie, psychiquement, une certaine éthique et une certaine façon d’être dans la vie. C’est comme la danse. Je voulais être danseuse. On travaillait la barre à neuf heures le matin, l’après-midi on répétait les spectacles, et faire des spectacles quand on est très jeune est une grande responsabilité sur un plateau. Cette façon de faire de la danse en semi-professionnel a été très formatrice pour la suite.
Lorsque vous jouez ou regardez jouer, intérieurement, quels sont les termes qui vous guident ?
Je parlerais d’intériorité. Lorsque je donnais des cours, parce que les élèves ont tendance à se déprécier, je leur disais de se faire confiance, d’avoir un « moi » terrible à l’intérieur d’eux, pour arriver sur le plateau remplis d’eux, et de leur travail bien sûr, mais d’une façon dense. Dans l’interprétation d’un comédien, je n’aime pas voir comment c’est fait, quand on a devant soi de « bons acteurs », comme on dirait de « bons élèves ». Je préfère ne rien comprendre et être au contraire intriguée : qui est-il ? Que fait-il ? Où veut-il m’emmener ? Un grand comédien est au-delà de la technique. Mon professeur de musique à Nice disait, face à un grand interprète, je crois qu’il s’agissait de David Oïstrakh : « Là, je ne sais même plus s’il joue du violon ou du piano, il est dans la musique ». La présence est aussi une qualité flagrante. Présence, personnalité, c’est un tout. La présence est cette espèce d’électricité qu’on ne voit pas, qui vous prend, c’est une façon de dégager, ou non, plus ou moins d’électricité, s’il faut vraiment nommer les choses. Mais c’est difficile de mettre en mots un travail de comédien. Quand des journalistes viennent nous interroger juste avant une première, les répétitions ne sont pas achevées, on ne peut rien dire, on est dans une espèce de tambouille, dans le bain, ce n’est pas exprimable. C’est pourquoi les metteurs en scène ont la parole, ils vont dire des choses plus carrées. Nous sommes dans l’indéfini. « Il part vers l’indéfini[14] », c’est un poème de Pessoa qui commence ainsi, dans Ode Maritime, décrivant un bateau. Ce mot est exaltant.
Pourtant les comédiens font le contraire : ils partent de l’indéfini pour aller vers le dessiné, le fini.
Oui, c’est cette précision qu’il faut rechercher. Mais je parle du travail, je ne parle pas du rendu. Et puis il faut des bases. Le difficile est de refaire. C’est important d’avoir une base bien claire de son trajet pour pouvoir le refaire le lendemain, même si l’on est fatigué ou que l’envie manque. En général, je peux dire que sur un mois de représentations, je suis satisfaite deux fois de la façon dont j’ai joué. Mais j’ai une base qui me permet d’affronter le public tous les soirs. Sans cela, comment jouer chaque soir quelque chose avec les partenaires, le texte, le public ? Ce qu’il faut pouvoir retrouver, c’est la base du geste ou de l’intonation, le pourquoi. Le geste n’importe pas, c’est la raison pour laquelle je le fais. L’avant-geste. Ça doit se dérouler tout le long de la représentation.
Cette trajectoire, cette pensée du rôle, est définissable, elle n’est pas de l’ordre du mystère ?
Mais qu’y a-t-il dans cette pensée ? Il y a mille choses dans la pensée qui me font faire ce geste. Il ne s’agit pas d’une couleur mais de cent, c’est un arc-en-ciel, pour parvenir à ce geste. C’est très complexe. Antoine Vitez disait aussi une chose qui me plaît beaucoup : que l’acteur moderne est un acteur gai, et que même pour la tragédie, il faut avoir l’humeur bonne, avant de rentrer sur le plateau. Non pas une humeur où l’on essaye de rentrer dans le personnage en se faisant pleurer dans la loge, en essayant de se mettre en transe : l’humeur bonne, c’est-à-dire la santé. Je joue bien quand je suis gaie et en bonne santé. Cela me vient aussi de la danse, où il faut tenir le corps. Casarès, paraît-il, mangeait très bien avant de jouer. Elle était dans l’humeur bonne, j’en suis sûre. Quelque chose de sain et de sportif pour jouer un grand personnage sur le plateau.
« L’acteur de l’ère scientifique est un acteur gai. Il sait ce qu’il fait[15]. » Et juste avant cette phrase, Vitez précisait à propos de « l’usine de rêves » que pouvait être une classe de théâtre : « un lieu où l’on invente, où l’on produit et où l’on contrôle ce qu’on produit ». C’est une curieuse déclaration. Que présuppose-t-elle des acteurs d’autrefois ?
Oui, c’est un peu curieux, Mounet-Sully et Bernhardt devaient savoir ce qu’ils faisaient. Peut-être Vitez vise-t-il un type d’émotion, le laisser-aller à une espèce d’émotion ou de narcissisme de l’acteur, cette auréole un peu romantique qui le nimbait. Le très bon acteur n’est pas narcissique, le narcissisme n’a rien à voir avec les comédiens. Ce n’est pas rien d’entrer en scène, c’est sauter dans le vide. Il faut du courage. Moi, j’ai beaucoup le trac. Je comprends ce que Vitez voulait dire à propos de cette chose positive pour se maquiller dans sa loge et entrer sur le plateau. C’est loin du romantisme, c’est quelque chose qui n’est pas englué. Il détestait les acteurs qui jouent en général, et non dans la précision de la scène, de ce qui se passe, de ce que le partenaire a dit.
Vous disiez que ce n’est pas le goût des textes qui vous a menée au théâtre. Qu’est-ce que c’est alors ?
C’est le silence, c’est la musique. Ce que j’ai préféré jouer, c’est la Muette dans Mère Courage[16]. Elle ne disait pas un mot, et pourtant j’étais là sans arrêt sur le plateau. J’ai adoré jouer cela ; je pense que quelque chose en moi était très proche de ce personnage. J’ai beaucoup aimé l’art chorégraphique mais j’ai commencé la danse un peu tard et j’avais les chevilles trop fragiles pour devenir une grande danseuse. Mais le corps n’est pas moins engagé au théâtre que dans la danse. Il faut une tenue sur le plateau. Je dis toujours que quand on a fini de jouer, on est beaucoup plus musclé qu’au début. N’importe quel rôle est très physique, même sans faire le grand écart ; on est muscles et voix bandés.
Avez-vous conscience de la singularité de votre voix et l’avez-vous travaillée ?
Pas du tout. On m’a dit que je chantais dans ma diction. Je ne m’en rends pas compte. Mais j’aime le son, j’aime la langue, le son de la voix. Tout passe dans la voix, c’est un incroyable reflet de la personnalité. Si je chante, je ne le fais pas exprès, c’est peut-être que j’ai été plongée dans l’opéra sans arrêt. Antoine, dans le programme des Molières pour le Théâtre de la Porte Saint-Martin, parlait de Célimène comme d’une danseuse de foire qu’on oblige à faire des numéros, de sa mise à mort dans un salon, et concluait : « Ils ont tué l’oiseau, et le chant[17]. » J’ai compris entre les lignes que cette manière de dire lui plaisait sans doute.
Jany Gastaldi est né en 1948 à Monaco.
Entretien réalisé par Marion Chénetier-Alev, à Paris, le 6 novembre 2015 et le 13 février 2018.
Notes
[1] Hernani de Victor Hugo, mise en scène d’Antoine Vitez, création le 31 janvier 1985 au Théâtre national de Chaillot. Jany Gastaldi interprétait Doña Sol.
[2] La Dispute de Marivaux, mise en scène de Patrice Chéreau, création le 24 octobre 1973, au Théâtre de la Musique à Paris. Le rôle d’Adine était interprété par Hermine Karagheuz, puis fut repris par Jany Gastaldi.
[3] Le Prince travesti de Marivaux, mise en scène d’Antoine Vitez, création le 2 juin 1983 au Théâtre national de Chaillot.
[4] Antoine Vitez, Le Théâtre des idées, Paris, Gallimard, 1991, p. 147, à propos du metteur en scène : « Comme si un acteur, parmi eux, un membre du chœur, s’éloignait, sautait dans la salle, observait ses camarades et remontait sur la scène leur dire ce qu’il a vu et compris. ».
[5] Le Soulier de satin de Paul Claudel, mise en scène d’Antoine Vitez, création le 9 juillet 1987 dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes à Avignon. Jany Gastaldi interprétait Doña Musique.
[6] Britannicus de Jean Racine, mise en scène d’Antoine Vitez, création le 17 novembre 1981, au Théâtre national de Chaillot.
[7] Andromaque de Jean Racine, mise en scène d’Antoine Vitez, création le 13 février 1971, au Théâtre de la Cité Internationale à Paris.
[8] L’Échange de Paul Claudel, mise en scène d’Antoine Vitez, création le 6 novembre 1986, au Théâtre national de Chaillot.
[9] Dom Juan de Molière, mise en scène d’Antoine Vitez, création le 12 juillet 1978 au Cloître des Carmes à Avignon.
[10] L’ERAC est l’École Régionale des Acteurs de Cannes, devenue depuis ERACM (Cannes-Marseille).
[11] Parle-moi comme la pluie de Tennessee Williams, mise en scène de Jean-Claude Fall, création le 9 novembre 1999 au Théâtre d’O à Montpellier.
[12] Histoire vécue d’Artaud-Mômo, d’après la Conférence du Vieux-Colombier le 13 janvier 1947, conception et interprétation de Philippe Clévenot, création le 22 novembre 1994 au Théâtre National de Strasbourg.
[13] Tête d’or, de Paul Claudel, mise en scène de Jean-Louis Barrault, création le 21 octobre 1959 à l’Odéon-Théâtre de France. Le spectacle a été repris en 1968, dans la même distribution, à l’exception de Catherine Sellers remplacée par Annie Bertin.
[14] « Tout seul, sur le quai désert, dans ce matin d’Été / Je regarde du côté de la barre, je regarde vers l’Indéfini, / Je regarde et il me satisfait de voir, / Petit, noir et clair, un paquebot qui entre. » (Fernando Pessoa, Ode maritime, Lisbonne, Orpheu no 2, 1915).
[15] Antoine Vitez, Le Théâtre des idées, Paris, Gallimard, 1991, p. 69.
[16] Mère Courage de Bertolt Brecht, mise en scène d’Antoine Vitez, création le 11 janvier 1973 au Théâtre des Amandiers à Nanterre.
[17] Antoine Vitez, Le Théâtre des idées, op. cit., p. 375 : « Célimène jouait son rôle de poupée martyrisée, princesse esclave soumise au caprice de ces hommes grossiers […]. Mise à mort dans le salon. Mais quelle dignité, Célimène. Une certaine façon de porter la tête, de lancer la voix. L’infamie n’est évidemment pas d’avoir menti mais de confondre le mensonge ; elle mentait comme un oiseau chante ; et eux, ils se sont coalisés pour lui faire honte ; ils ont tué l’oiseau et le chant. ».
Pour citer cet article
Jany Gastaldi, « Entretien avec Jany Gastaldi », Revue d’Histoire du Théâtre numéro 297 [en ligne], mis à jour le 01/04/2023, URL : https://sht.asso.fr/entretien-avec-jany-gastaldi/