Dictionnaire des metteuses en scène
Gilberte TsaïMétiers: Directrice de théâtre, Éditrice, Marionnettiste, Metteuse en scène
Pays d'exercice: États-Unis, France, Iran, Italie, Russie
Organisations ou collectifs liés: L'Équipée, MC93 Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis, Nouveau Théâtre de Montreuil, Teatro Due di Parma Parme, Théâtre de l'Est Parisien Paris, Théâtre Tsaï
Personnalités liées: François Maspero, Françoise Luro, Gilles Clément, Hélène Cixous, Hervé Audibert, Jean-Christophe Bailly, Jean-Luc Nancy, Lou Goaco, Michel Deutsch, Mohamed Rouabhi, Nicky Rieti, Olivier Dejours, Philippe Lacoue-Labarthe, Shi Kelong
Notice rédigée par Raphaëlle Doyon
Autrice et metteuse en scène, Gilberte Tsaï travaille à partir de matériaux non théâtraux (récits de vie, romans, écrits philosophiques) en France et à l’étranger. Née en 1949 d’une mère française et d’un père chinois, elle débute le théâtre par la marionnette à Lyon. Elle fonde le Théâtre Tsaï en 1974 et obtient sa première subvention cette même année puis monte des spectacles pour enfants à partir de textes qu’elle écrit ou adapte : Ceci n’est pas une pomme (1974), Neige-Blanche et Roserouge (1976), Une cuiller pour papa, une cuiller pour maman (1977). Ces spectacles, co-produits par le Théâtre National de Strasbourg (TNS), sont programmés par plusieurs festivals et centres dramatiques nationaux, et tournent dans des écoles, en région et en banlieue parisienne. En 1979, Gilberte Tsaï monte Les Transparents, une adaptation des Trois soldats de Bertold Brecht. Elle explique sortir du « ghetto » du théâtre pour enfants en montant des spectacles joués par des enfants pour un public adulte : À contrejour (1980) puis Tel un enfant à l’écart (1982) au TNS et enfin, Celui qui ne parle pas (1983), un montage de textes qu’elle commande à des philosophes dont Jean-Luc Nancy Philippe Lacoue-Labarthe et Hélène Cixous. Pierre Barrat la sollicite pour la mise en scène de Temboctou au Festival d’Avignon en 1982, adaptation musicale du Voyage à Tombouctou de René Caillié, première expérience de théâtre musical marquante.
En 1986, Gilberte Tsaï rencontre le chanteur baryton de l’opéra de Pékin, Shi Kelong, et un groupe de chanteurs et musiciens de Chine populaire, des Chinois de Taïwan et de Hong Kong, et monte, à partir de leurs récits et de courts textes de Jean-Christophe Bailly, Voyage en Chine intérieure (1986), spectacle qui expose différents témoignages sur la Révolution culturelle. Avant une tournée mondiale, Voyage en Chine intérieure fait salle comble au Festival d’Avignon de juillet 1986, dirigé par Alain Crombecque, dont plus de 40% de la programmation théâtrale est portée par des metteuses en scène. Trois autres créations de Gilberte Tsaï seront consacrées à sa relation avec la Chine : Noces de bambou (Festival d’Automne, 1998), récit d’un mariage dans un café restaurant français, Song (Odéon, 1999), récits et chants qui retracent 50 ans d’histoire contemporaine de la Chine, dix ans après les évènements de la place Tian’anmen, et L’Ombre perdue, récit fictionnel s’inspirant à la fois d’un roman de Chamisso et de l’histoire des émigrés chinois en France, créé en 2014 à Langzhong (Sichuan). Parallèlement, en 1986, dans le cadre du bicentenaire de la Révolution française, Gilberte Tsaï crée, devant le Lincoln Center de New York, Tales of exile, un hommage aux victimes des manifestations de la place Tian’anmen, d’après Les Villes invisibles d’Italo Calvino, en collaboration avec la chorégraphe sino-japonaise Ruby Shang. En 1991, elle demande à des peintres de lui décrire un tableau impossible à réaliser qu’elle pourrait faire exister au théâtre, et crée à la Maison de la Culture de Bourges, Tableaux impossibles. Elle explique ainsi donner la parole à ceux qui ne l’ont pas : les enfants, les émigrés, les plasticiens. Avec le paysagiste Gilles Clément qui compose un jardin sur scène, Gilberte Tsaï monte La Main verte en 1991 à La Coupole de Melun Sénart, spectacle sur les jardins et notre lien à la nature à travers le temps. En 1996, elle adapte l’œuvre entière de Balzac dans Conversations entre onze heures et minuit créé à la MC93 de Bobigny.
Gilberte Tsaï est nommée par Catherine Trautmann en juillet 2000 à la direction du Centre Dramatique National de Montreuil. Elle a pour mission de construire un théâtre et de transformer le Centre dramatique pour l’enfance et la jeunesse en un CDN ouvert à tous qu’elle dirige jusqu’en 2011. Elle y programme des chorégraphes comme Toméo Vergès ou Olivia Grandville, ou en 2002, dix ans avant que le président de la République ne rende hommage à la mémoire des victimes, Requiem, opus 61, spectacle de Mohamed Rouabhi sur le massacre d’Algériens par la police française en octobre 1961. Gilberte Tsaï propose aussi un cycle de conférences « Lumières pour enfants », où des intellectuel.le.s et des artistes s’adressent à des enfants. Elle met en scène dans son théâtre, La Nuit blanche (2000), un montage de textes d’Arlette Farge sur le XVIIIe siècle, et une série de trois spectacles, Sur le vif (2003). Gilberte Tsaï commande, au cours du processus de création, des textes à Jean-Christophe Bailly. Elle est à l’époque la seule femme à faire partie de l’ACID (association pour la création et l’innovation dans la décentralisation dramatique) pour laquelle elle est trésorière et chargée des relations avec le SYNDEAC.
Gilberte Tsai a été une des premières à convier sur scène, des enfants, des émigrés, des non-professionnel.le.s du théâtre portant leur propre parole. Elle est également précurseuse des questions du vivant au plateau, qu’il s’agisse des plantes, scéniquement présentes, ou de la condition animale. Ses mises en scène sont une exploration autour des lieux et du propos : dans Une nuit à la bibliothèque (2001, 2005), les livres discutent entre eux ; pour La Main Verte, le temps de lumière nécessaire aux plantes conditionne les répétitions ; Roissy-Express 2016, sa dernière création, est un parcours multimédia présenté dans plusieurs villes de la ligne B du RER et à la Maison de la Poésie à Paris.
Lauréate Villa Médicis hors les murs (1987)
Officier de l’Ordre des arts et des lettres (1992)
Chevalier de l’Ordre national du mérite (1999)
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